5 décembre 2011
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Le soleil qui nous accompagne dans notre promenade ce jour-là nous conduit sous le porche de Santa Maria de Uncastillo.

La petite ville elle-même (elle compte aujourd'hui à peine mille habitants) faisait partie de ces villes frontières qui sous la Conquista défendaient le monde chrétien du monde musulman. Elle fut donnée à Gaston IV de Béarn par Alphonse le batailleur en témoignage de sa gratitude pour l'avoir aidé à libérer Saragosse.
Six églises, pas moins, dans ce village et toutes érigées comme un défi de rebâtisseurs entre les XIIèmes et XIII èmes siècles.
Santa Maria fut construite au XII ème siècle sur les vestiges d'une église du X ème. Elle abrite l'un des plus beaux portails romans de toute l'Espagne, sans doute l'oeuvre de maîtres tailleurs français et béarnais dont celui que l'on nommait " le maître d'Oloron ".
Ce sont les modillons qui nous frappent d'emblée par leur nombre et leur qualité. Le sculpteur de modillons était de tous les corps de métiers du batiment religieux celui qui échappait au contrôle du maître d'ouvrage. Ce dernier lui laissait liberté d'exprimer par petites touches les préoccupations culturelles ou sociétales de son temps. On retrouve donc fréquemment dans ces pierres sculptées des scènes de la vie courante, des musiciens ou des scènes amoureuses.
Ci-dessous un joueur de vièle à bras, extrêmement précis comme on a pu en sculpter dès le Xème siècle en Saintonge, Quercy et Béarn.

Ici un couple de danseurs masculins se tournant le dos, comme pris au vol par le ciseau habile dans une chorégraphie traditionnelle. Le déhanché du premier danseur est magnifique, que de vie dans cette gestuelle! La danse était symbole de luxure au Moyen-Âge, et il semblerait que cette sculpture évoque en outre l'homosexualité :

Un joueur de psalterion ( ou de rote) concentré sur son jeu:

Un fou qui essaie de faire rire de ses grimaces. La précision de la denture si réaliste me laisse pantoise...

Un couple amoureux:

Une fessée tendre ( enfin on l'espère... ) donnée à la belle.

Les chapiteaux ne sont pas en reste de beauté.
Ici un vigneron expose sa récolte. Quel équilibre dans cette virevolte de grappes:

Ici, un chevalier épée en main combat le Maure envahisseur. Finesse des détails et décoration soignée du tailloir évoquant des colliers de coquillages:

Les archivoltes sont décorées avec magnificence entre des voussures illustrées. La deuxième voussure en particulier nous montre des personnages assis et appuyés sur cette sorte de table que constitue le boudin de pierre:
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Leurs pieds aux langages aussi différents qu'il y a de personnages apparaissent sous la table:

La troisième voussure nous montre des personnages de la vie courante tels ce berger en train de tondre une bête:

Ou ce pêcheur fatigué, portant au dos une belle prise pendant que son chien dressé et aux aguets semble garder de tout vol cette pêche, à moins que l'animal que tient fort serré le pêcheur ne soit un de ces monstres à tête poilue et corps de poisson dont raffolaient ces temps là? Et puis à bien y regarder, ce pècheur est doté de pieds fourchus comme... le diable!! C'est que tout pecheur se devait de porter quelques temps en pénitence le fadeau de son péché, symbolisé par un énorme et lourd poisson. Et il lui restait toujours dans le corps quelue trace de sa faute et sa ressemblance avec le diable...

Mais le plus beau et qui nous confirme ( tant le style en est différent) que cette église eut plusieurs talents à son chevet est ( pour nous ) ce qui se cache dans les creux.
Une vierge rêveuse:

Un homme vouté qui semble tenir un bâton, peut-être un voleur qui s'esquive? La manière de tailler la pierre est à la fois plus simple, plus primitive, plus symbolique. Comme si l'artiste voulait aller à l'essentiel qui est ici tout dans l'attitude:

Une belle sirène au grand regard inquiet. Le dessin est fait de lignes parallèles ou de tracés répétitifs à la grande puissance suggestive.

Un aigle, symbole très riche au Moyen-Âge puisqu'il évoque Saint-Jean mais également l'Ascension et les fidèles, se présente ici toutes serres en avant et déployant ses ailes au plumage pavé:

Ici peut-être une poule, symbole de fécondité et de protection des maisons:

Sous le soleil très chaud de ce début du mois de mai, la pierre prend des reflets métalliques: or, argent, platine, cuivre. Et nous imaginons les décors somptueux en ces temps où les églises étaient peintes au dehors comme au dedans.
Quel magnifique livre d'images!!!
Seule la nature et ses fleurs nous offrirons l'après-midi même une telle magie. A suivre donc...
Trot, danse anglaise du XIIème au XIVème, on a perdu sa chorégraphie...
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publié par Viviane Lamarlère
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Entre la pierre et l'eau: l'Espagne du Nord
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