Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Avec quelques MP3 en cadeau...
S'il est une oeuvre pour clavier qui m'est chère, comme sans doute à nombre de mélomanes, c'est bien ce Rondo de couleur sombre.
Bien sûr toute oeuvre ne se réduit pas à la biographie de son auteur mais un petit détour sera cependant nécessaire pour mieux entendre ce que cette oeuvre a pour l"époque de tout à fait novateur.
Né en 1668, mort en 1733 François Couperin appartient à ces dynasties de musiciens pour lesquels leur art était avant tout un artisanat humble et poli par l'expérience.
Non que ses ancêtres fussent musiciens professionnels, ils appartenaient aux monde rural, à celui des tailleurs d'habits ou des paysans.
Mais tous avouaient une passion pour la musique.
Le grand-père, Charles dit" L'Ancien", rendez-vous compte, possédait à lui seul trois basses de violon, trois dessus de violon, deux dessus de haultbois, un gros haultbois, deux tailles de haultbois, deux flûtes d'Allemagne, deux mandoles et deux petites posches.
Voilà un héritage plus qu'honorable pour ce modeste milieu et qui va permettre aux jeunes générations de déployer tout leur savoir-faire. Organistes, violonistes, clavecinistes, il semblerait que rien ne les arrête, jusqu'à devenir musicien (ne)s à la chambre des rois de France. Car il y a aussi de brillantes interprètes féminines parmi cette tentaculaire famille...
Mais revenons à François.
A onze ans, il succède à son père qui vient de décéder, aux grandes Orgues de Saint Gervais. Bien sûr cela déroge quelque peu aux usages, il fallait pour succéder à une telle charge être âgé de 18 ans pour avoir le droit de jouer et de 21 ans accomplis pour en être payé.
Peu importe. On nommera Michel de Lalande pour une durée de sept années, que le brillant organiste fort occupé par ailleurs laissera parcourir seul au jeune François, lequel s'en acquittera si bien qu'il se voit à l'âge de quinze ans officiellement rétribué par le conseil de Saint Gervais.
Il ne cesse de composer, pour orgue, pour ensemble vocal et surtout pour clavecin, essentiellement à l'usage de ses petits élèves royaux. A l'instar des sonates de Soler ou de Scarlatti ces oeuvres sont de petits chefs-d'oeuvres gradués en difficulté qui constituaient à la fois un lieu d'exercice des doigts mais aussi de portraits musicaux d'une richesse interprétative inépuisable.
Ces pièces ont été regroupées en Livres, eux mêmes divisés en Ordres, lesquels contiennent un nombre variable de pièces écrites dans des tonalités différentes. Le compositeur était très attaché aux colorations très différentes que peut donner telle tonalité plutôt qu'une autre à l'écriture:
Une pièce en Do majeur ne recèlera pas le même climat que sa transposition en sol ou en ré majeur... les mêmes successions d'intervalles transposées dans l'aigu ou le grave de l'instrument vont tout de suite sonner différemment.
Et puisque nous parlons de climat, celui des Barricades Mystérieuses en est tout empli.
Couperin avait coutume de dire
"J'aime mieux ce qui me touche que ce qui me surprend"
Il va réussir le tour de force dans cette oeuvre de nous toucher et nous surprendre.
Le titre lui-même ne laisse pas d'interroger et pourtant, il suffit de regarder la partition pour comprendre qu'entre la main droite et la main gauche se tissent des lignes verticales et horizontales qui évoquent bien figurativement une barricade.
Mystérieuse pourquoi? Tout simplement parce que la ligne mélodique va être très judicieusement répartie, dans cet inextricable treillis, entre main droite et main gauche, demandant à l'interprète de peser sur certaines notes, d'en alléger d'autres, le tout sur chacune des deux mains et en permanence à contretemps...
La basse ( ce que joue la main gauche) est écrite dans un registre très grave pour l'époque. Elle se répète à l'identique tout du long du morceau, constituant ce qu'on nomme un ostinato.
Cette répétition va conférer à l'oeuvre une forme circulaire hypnotisante dans laquelle le refrain vient jusqu'au bout, avec ses ornements légers, contredire les couplets plus interrogatifs.
On a l'impression que c'est la main droite qui tient la mélodie, que nenni, par le jeu des registres ce sera parfois la main gauche qui fera entendre la fin d'un trait ou d'une phrase...
Il existe peu d'interprétations de cette oeuvre et à chaque fois que je les ai écoutées, il me manquait le tempo giusto.
En voici différentes interprétations, la première sur un clavecin de facture ancienne, la suivante au piano, la troisième sur un clavecin "moderne" . Les interprétations y sont parfois entrecoupées de césures un peu trop longues pour mon goût, qui cassent le côté hypnotique de l'oeuvre, mais intéressantes pour découvrir les possibilités soniques de cet instrument oublié...
par Viviane Lamarlère publié dans : Musique
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