Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique

Les Contes de la rivière aux Loups * 22 * Le capteur de rêves



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-Hiiiiiiiiii? !!!

-Quoi encore enfant ? Ton grand silence présageait quelque chose, j'aurais dû m'en douter

-Mais non, Mère, c'est juste...

-Que t'arrive-t-il ? Tu es toute affolée.

-C'est juste que j?ai fait un mauvais rêve. J'ai rêvé qu'une araignée...

Le tipi était incendié par le feu qui couvait en son centre et le visage de mon aïeule se découpait sur les peaux tendues comme des voiles. Il faisait chaud et âcre et je ne savais si je devais attribuer la sueur qui coulait sur mon front à la peur ou simplement à ce foyer si proche de ma couche.

- Enfant j'espère que tes descendantes craindront moins que toi ces petites bêtes qui ne mangent pas les grosses ? Tu auras oublié de suspendre ton capteur de rêves au-dessus de ton lit une fois encore. Oui, c'est bien cela. Il est au sol. A chaque fois que tu oublies de le mettre à sa juste place, tu me réveilles en plein milieu de mes propres rêves en poussant des cris d'oiseau.

- Fille de Chicoutimi, sans doute si tu m'expliquais enfin ce qu'est le capteur de rêve?
- A chaque fois que je...
-Je sais mère, je comprends lentement promets beaucoup et tiens mal mais je suis pleine de bonne volonté !
- Soit. Ecoute.

Il y a si longtemps que la rivière aux Loups n'existait pas encore vivait dans la contrée un animal étrange, toujours plongé dans l'ombre.
Un animal solitaire et très silencieux,
pas comme toi,
et qui pouvait observer de tous les côtés à la fois.

Chacun le respectait, il ne parlait pas souvent mais le peu qu' il disait était sage.
On comprenait
confusément
que le nombre de ses pattes parlait des quatre vents
et du nord et du sud et de l'est et de l'ouest
que la forme de son corps murmurait de ce qui se trouve
avant
et
après soi
posé en équilibre dans une sorte d'espace et de temps dont nous sommes le centre
si peu

Surtout
on aimait la légèreté de sa toile   
Il s'appelait
Asibikaashi
et il se dit
que chaque matin capturait dans sa toile les rayon du soleil enfui de l'autre côté de la nuit pour le rendre aux hommes.

Un jour une indienne de cette ancienne, très ancienne tribu,
eut un enfant qui pleurait chaque nuit sans qu'on puisse comprendre la cause.
On dispersait autour de l'enfant des herbes apaisantes,
rien n'y faisait,
on chantait des mélopées,
rien n'y faisait
on le prenait dans les bras pour le bercer
on lui donnait à boire
à manger,
rien n'y faisait.

C'est alors que Asibikaashi s'approcha du tipi
et dit à la mère:
Ton enfant voit derrière ses yeux des choses qui lui font peur.
Laisse moi tisser au-dessus de son berceau un petit morceau de toile.

La maman était comme toi, elle aimait les grosses araignées et craignait les petites.
Elle laissa Asibikaashi faire son oeuvre dans le noir au-dessus de la tête de l'enfant qui pleurait à se vider de son eau.
Puis elle s'en alla.

-Et alors ?
-Alors l'enfant dormit bien cette nuit-là et les suivantes.
Au bout d'une semaine, Asibikaashi sortit de l'ombre et vint expliquer.
Les bons rêves remplis de belles images qui conduisent l'être dans la bonne direction passent au travers de la toile
Les mauvais, ceux qui viennent de très loin, font battre le coeur et mal dans la nuque, ceux qui donnent des pensées noires dans la journée, ceux-là se prennent comme des insectes sur la toile.

Chaque maman du village demanda à Asibikaashi de tisser une toile identique au-dessus des berceaux. Elle le fit car les araignées sont bonnes, mais la réputation de ce talisman courut bientôt dans tout le pays.
L'araignée était aussi intelligente que prévoyante.

Un matin elle prit
Des fibres d'orties
Sur son dos
Et des branches de saule
Puis
Montra aux femmes de la tribu comment fabriquer un attrapeur de rêves.

Un chamane s'était approché.
Il aida les femmes dans ces gestes simples qui permettent de sentir vivre la nature
puis
à force de répéter les mêmes gestes il rentra dans la cause des choses.

Il comprit que le cercle sur lequel se tendaient les fibres d'ortie
représentait le cercle de la vie
au-dessus de laquelle le capteur de rêves serait suspendu
et que son centre
évidé
conduisait droit au coeur de l'endormi
pour nourrir de bonnes pensées et de belles images
son existence
jusqu'à cet heureux age où on n'a plus peur de ses rêves
et encore moins de ses peurs...


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