Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Par Viviane Lamarlère
Les jours sont ocres et ne se ressemblent pas. Parfois c’est le soleil qui prend toute la place mais aujourd’hui il dort et l’horizon me boude.
Pourtant j’ai bien tenté
d’avancer prudemment
les mains
paumes ouvertes
comme on apaise un fauve
pourtant j’ai bien tenté de caresser l’air mauve
pour ouvrir ses halos mais c’est un jour marron un jour fil barbelé qui veut s’enfuir au loin là où la vague monte grossit éjacule.
La grève est creux désir
la grève est regard nu
la grève est toute emplie de ces bruns détritus
grignotés par le sel
dans les pertuis soumis aux tentations du vent plus personne ne vient bander l’arc de l’amour
il ne flotte en ce lieu que des odeurs de ruts
oubliés et furtifs.
J’ai mis des mots à cuire en attendant l’écume qui me dira l’aurore mais c’est un jour bien ocre sur le sable sans fin.
En faisant un effort
je vois quelques très os
des restes de repas et des échos de rires
un peu de pain d’espoir un peu de couleur peau
souvenirs de mamelles pendant vides de lait et le temps détroussé
qui n’attend plus verdure.
Où me suis-je brûlée
pour ne voir que de l’ocre dans cette plage riche de nuances futures ?
Alors j’écris en marge de cette grève immense là où le vent retrousse son rictus de sculpteur
alors j’écris les fils qui font battre mon cœur
assoiffé de cailloux de cailloux simplement de cailloux comme on dit
la rivière jubile et pourlèche ses berges
alors j'écris l'humus et son trouble figé.
Cette grève sans rides et pourtant déjà morte est-ce qu’elle saura un jour me dire où est la mer ? Est ce qu’au bout de l’ocre je trouverai enfin l’endroit où tout chavire le sac et le ressac des ventres dans le frai ?
Je ne sais plus où naissent le ciel et la peur tant cette plage est ocre et m’absorbe en sa chair.
Les vestiges font signe qu’il y eut quelque chose emmuré pour toujours et attendant un dire
qui ait forme d’oiseau
de vol papillonnant de brindilles glissant au creux d’un caniveau.
Un goût de terre blonde et brune qui s’immisce au plancher de la bouche. Un goût discret et sourd fin comme une cloison entre la vie et moi. Entrer dans les replis pas encore visibles et trouver la sortie les naufrages car sans il n’y a pas de mer
oui
il faut naufrager comme on ouvre une porte pour que les eaux reviennent dans ce pays très ocre
et saccadé d’immonde
au airs trop lisses pour être honnêtes
sortir du cauchemar chercher douce lagune
et fuir l’esbroufe brune
aux parlottes de rien
qui encombrent le sable en attendant deux mains
chercher derrière la toile une idée de glissades somptueuses et mouillées
de livres défendus et d’amour bois flotté.
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