Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Par Viviane Lamarlère
Nous connaissions tous de Hans Trapp la légende de ce méchant personnage qui terrorisait les enfants en Alsace, compagnon de Saint Nicolas et du Kristkindel.
Muni d'un grand sac dans lequel les enfants désobéissants ou peu enclins à faire leur prière étaient menacés de se voir précipités, il trainait le bruit de ses pas et le raclement de sa chaîne dans les rues la nuit…
Heureusement il est des livres qui viennent rendre la vérité au jour.
Nul n'a idée du zèle et de la douceur qu'il promena et promène encore, bien avant les terreurs d’enfants semées dans les villages, bien avant les froidures de la plaine d’Alsace et les cryptes des cathédrales.
Pat Thiébaut nous fait découvrir ce parcours hors du commun, du temps et de l’espace dans un livre aux couleurs somptueuses et au style une nouvelle fois différent des autres ouvrages que je vous avais déjà présentés.
Tout commence avec la tourmente bleutée de cette saison où les esprits chavirent, se terrent, attendent. La bise recouvre de ses voiles la vie et la non vie machinales. Mais dans la cathédrale de Strasbourg, une ombre bouge et s'évade de ce lieu où elle dort le restant de l'année.
J’ai infiniment aimé ce rouge flamboyant si bien choisi pour la merveille gothique de nos édifices religieux, le travail de rides sur les chapiteaux et sculptures, la quantité foisonnantes de détails qui porte le regard à entrevoir une silhouette tremblante lovée entre les pierres et cette forme qui s’enfuit, habillée du vert de toute décomposition corporelle, dont la main retournée, presque flasque s'arrache au feu ténu de la pierre.
Apparition de cauchemar qu' adoucit la transparence des teintes.
Cette page de neige et de ronces porteuse de fruits que l’on ne peut manger m’a ramenée vers l’enfance et mes contes de fées, les châteaux ceints d’épais murs de ronces, d’entrelacs de malédictions, du froid éternel.
Ici le personnage s’en court à contre-vent, laissant derrière lui les arbres dénudés, les cieux gonflés de neige qui hésitent au soleil, le bois mort et les roses d’Occident dont l’une semble tendue vers le chemin qu’il doit prendre…
Où s'en va-t-il ce personnage? Quitte-t-il nos traditions et nos légendes qui, oubliant la beauté du bleu de la nuit et ses merveilleuses apparitions, ont lentement et inéluctablement glissé vers les rituels marchands dont les façades si belles des maisons et de bourgs peinent désormais à cacher l’emprise ? Dont les cours d’eaux et les petits ponts qui les surplombent ont oublié jusqu’à la source ?
Ou rejoint-il ces horizons lointains qui présidèrent à sa naissance ainsi que le café dont il est si friand ?
Cette page des cieux d’Orient est somptueuse dans sa déclinaison de rouge et de garance, tout juste ornée d’un croissant de lune et d’un feu qui attend. Et comme je comprends alors que les phrases en arabesques donnaient dès la première page tonalité de la musique d'autres soleils, d'autres étoiles, d'autres espérances...
Non je ne vous dirai pas qui fut véritablement Hans Trapp, juste vous conseiller de lire ce délicieux conte où la poésie se mêle d'humour mais aussi d'un combat sincère pour que s'unissent les divers lieux de ce monde encore habités de légendes, une histoire très originale qui nous parle de notre réalité d’aujourd’hui et dont les pages courent, lentement, toute entières et chacune dans sa nuance propre vers une explosion d’or et de lumière…
Chic salon © - Hébergé par Overblog