Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Qu'est donc la nature de ce qui toujours nous attire vers les très vieilles pierres? Et pourquoi rêvons-nous de ces éperons rocheux d'où l'âme s'élance vers l'horizon, plonge en des mers inconnues où le jour se puise, s'arrime à des terres désolées ou au contraire de fraîcheur divine? Qu'est-ce qui dans notre chair même résonne avec la pierre ?
Qu'elles surgissent acérées de ce qui les décompose - en une sorte de défi perpétuel à la plante et à l'eau - ou qu'elles capitulent sous le ciseau du sculpteur, toutes nous émeuvent. ,
Départ au petit matin vers les pierres Celtes et Wizigothes de l'Espagne du Nord. Peut-être y rencontrerons nous réponse à nos questions?
Le vacancier aime les plages bondées et huileuses, sous un soleil dont les assureurs n'ont aucun mérite à promettre de rembourser l'absence.
Nous préférons les lieux sauvages et déserts. N'y voyez aucun mépris, juste la continuité d'une habitude: vivre en pleine campagne en donne de mauvaises, dont celles de la solitude et du silence.
Des collines qui entourent la région de Burgos, nous aimons depuis toujours la féminine rondeur de seins arrachant au ciel de quoi nourrir la pierre.
La ville de Burgos est habitée depuis 4500 ans A.C.
Non loin dorment les vestiges modestes de cultures oubliées. Après avoir longtemps observé quelques cigognes affairées à leur famille sur le clocher de Quintanilla de las Viñas:
nous rejoignons par un chemin escarpé l'hermitage de Santa María de Lara
dont les pierres sages sont entourées d'iris:
Un vent violent et glacial pour la saison nous mord les mains et le visage.
De l'édifice, découvert en 1921 sous l'épaisse garrigue qui le dérobait aux regards, ne reste que le chevêt. Les fouilles alentours ramenèrent cependant au grand jour non seulement les restes des fondations qui permirent d'évaluer la taille de cette basilique de la fin du VIIème siècle, construite juste avant la conquête arabo-musulmane, mais également des morceaux de dolmens, des vestiges de maisons Celtes puis romaines.
Longue de 23 mètres, large de 21, en forme de croix latine, cette église des temps premiers pouvait accueillir jusqu'à deux cent personnes.
Son style de construction est très strictement Wizigoth:
Pierres de taille de différentes dimensions, travaillées avec soin et parfois entrelacées, assemblées sans mortier.
L'arrière de l'édifice permet de découvrir une superbe double frise aux motifs très recherchés, s'étirant de part et d'autre d'ouvertures étroites.
Vue rapprochée de ces frises. La plus basse répète ses rinceaux de coquillages, grappes et fleurs ou arbres avec une rare puissance descriptive; ici le ciseau a oeuvré pour accrocher dans la pierre la lumière et l'ombre, avec une élégance du trait, un jaillissement joyeux des formes qui laissent émerveillés.
Quelque chose de la légèreté de ces dessins auxquels on s'essaie dans le sable, l'éternité en plus.
La frise supérieure alterne ses médaillons floraux et animaliers , de facture plus complexe et dans lesquels on peut distinguer paons, cailles, pintades, griffons, grappes de fruits:
Le caractère très fouillé de ces décorations confirme sur la pierre les talents d'orfèvres des Wisigoths d'Espagne.
Mais entrons dans l'église. Un bel arc outrepassé aux pierres admirablement unies ouvre sur l'abside.
Je voudrais profiter de l'occasion pour rappeler que l'arc outrepassé - dont les cultures Musulmanes s'approprièrent par suite la paternité et qu'ils utilisèrent avec génie dans les palais d'Andalousie - cet arc était d'invention Suève et Wisigothe, et en voici la preuve par la date et l'image à travers :
- la superbe église primitive chrétienne de San Juan de los Baños, consacrée en janvier 661, bien avant l'invasion Sarrazine et dont l'histoire est détaillée ici
Entre autres une photo de l'entrée des thermes
et du porche
- mais également et bien plus ancienne, l'église de Sainte Eulalie de Boveda, construite entre le IVème et VIème siècle dans le royaume Suève de Galice.
L'arc outrepassé est une invention des peuples germaniques, à l'origine de l'art pré-roman.
A noter que l'on retrouve des arcatures en fer à cheval ( généralement en bois) dans l'architecture romaine et Indienne du IIème au IVème siècles, mais toujours à titre décoratif, jamais à titre d'ouverture de pierre de taille soutenant l'édifice. Même le célèbre monastère Indien de Bhâjâ dont il est prétendu ici et là qu'il s'ouvre sur un arc outrepassé s'ouvre en vérité sur un arc en plein cintre.
Ceci rétabli dans le respect du génie propre des peuples et afin de lutter contre les fausses vérités qui circulent sur la toile...
Les piédroits ( les pierres plus larges qui supportent l'arc ) sont sculptés de deux personnages: le Soleil et la Lune, principes masculin et féminin en toutes religions, à ceci près, ici, que la Lune ... porte une barbichette ! ( Photo extraite du petit guide fourni à l'entrée)
Notre guide nous explique que c'est tout à fait compréhensible eu égard au fait que dans la totalité des langues Germaniques ( et le Goth en faisait partie) la Lune est un mot masculin et le Soleil du genre féminin.
Dans l'abside, deux belles dalles. La première représente le Christ, la seconde figurerait la mystérieuse donatrice de l'église ( je remercie au passage le charmant guide qui a autorisé nos photographies, habituellement interdites). La photographie ne donne pas idée de leur longueur, environ un mètre vingt. Par contre les couleurs ne sont pas retouchées et cela donne aperçu de la teneur en fer des massifs régionaux:
Mais quelle finesse dans le dessin et la recherche du relief, du mouvement...
D'autant plus de plaisir de vous les offrir qu'il y a peu, des vandales ont dépouillé l'église de deux autres de ces pierres gravées, de plus grande taille et jamais retrouvées. Le monument est désormais mieux surveillé...
Au dehors, Michel se penche vers la pierre . Attraction mystérieuse.
Et tout à coup il me vient que notre envie de pierre naît peut-être de ce que sa peau, contrairement à la nôtre, sait humblement s'offrir aux racines, aux fleurs et aux oiseaux. Tous êtres qui n'ont besoin de clefs à la magie du monde.
Un remarquable site en langue espagnole
sur les vestiges architecturaux Ibériques de l'art Wisigoth
Mazurka de Enrique Granados
danse traditionnelle de cette région
par l'immense Alicia de Larrocha
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