Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique

Allumer le feu



Lorsque l’hiver est là
j’aime rentrer le bois qui se trouve derrière la maison
laisser sécher au salon ses parfums ses humeurs
la pièce est assoiffée elle boit tout en quelques heures

Les bûches sont à point
je me sens toute perdue
est-ce que je sais encore allumer un feu?

Je ne sais pas pourquoi
depuis toujours
regarder le feu mordre le bois
glisser entre coeur et peau ses aussières orangées
baiser licher l'écorce retrousser intrépide son aumusse la faire voltiger se tordre et s'encendrer
cela me bouleverse
je ne sais pas pourquoi c'est oublié
mais une chose babille au fond
une sorte de joie qui surgit en même temps que l’inquiétude
d’avoir oublié le
comment

du feu

Je commence toujours par nettoyer le foyer de la dernière cendre
ma grand mère conservait toute la cendre de l’année et l’utilisait pour laver les draps qui n’en étaient que plus blancs
pose des vieux papiers journaux torsadés
quelques fagots de petit bois
ce qui me tombe sous les doigts et enfin
enfin
les trois bûches

( il vous manque ici le bruit plein de soucis que fait l’édifice instable jusqu’à ce qu’à force de chercher les encoches le tout se cale )



Alors c’est comme un sauvetage
le cœur bat à gauche à droite au milieu presqu’à sortir du corps
la fumée se fait plus grise comme pour dire " Moi aussi
je suis donc je pense! "
des petites étincelles rejaillissent du foyer
quelques flammes semblent renaître
suppriment joyeusement de toutes petites bêtes
certaines trouvent encore à s'enfuir
une prière animiste pour elles
ainsi va la vie...

Détestation de l'été ses chaleurs imposées
passion pour l"hiver ses froidures stimulantes
sacrifier au rituel
voir le papier se tordre se gauffrer se soumettre
flâner entre tous les oublis qui pourraient avoir conduit à l’échec
il m'est arrivé tant de fois de n’avoir pas réussi à allumer le feu et je n’en ai tiré aucune leçon
à chaque fois c’est familier et distant
une seule et même chose à dire
mais on ne sait pas dans quel ordre

Quand le feu a pris et que la flamme rentre jusque sous ma peau
tenir le plus longtemps possible tout près
cuisson des joues
reculer car c’est insupportable
s'éloigner mais tout près
au cas où il s’éteindrait
souffler avec mon grand bâton percé d’un trou brûlé à chaque extrémité
l’erreur est de chaque instant je ne m'en sers jamais de la même façon
à chaque fois les lèvres teintées au charbon de bois

Pas besoin de regarder l’enfer à la télévision
il me suffit de faire un feu
les angoisses ancestrales remontent dans ma chair et allument la mémoire
tenir le monde au bout du souffle au bout des mains

 

Danse rituelle du feu de De Falla

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