Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Ce jour qui me jeta dans la lueur des autres
me découvrit d'un coup la force du refus.
Sans herbe, sans fleurs parfois la route
mais toujours dans le coeur
l'idée d'une maison portée à bout de bras
ses flammes de coton pour apaiser le pas.
De je ne sais quel ancêtre je tenais un goût prononcé pour les outils de jardin.
Leur maniement me rassurait.
La douceur du manche en bois usé par les prises
petites esquilles prêtes à blesser
le poids du fer mordant l'obscurité
cherchant la braise sous les pas.
Quand
munie d'un râteau
je dessinais sur le sable gris de la grande Lande
étale autour de la maison
des lignes légères
éphémères et ordonnées
sans cesse défaites et recommencées
je sais que je pourchassais l'idée de cycles sans histoire
ni jugement dernier.
Puis je fermais les yeux.
Qui viendrait jouer le son caché entre les grains ?
Les herbes
hautes déjà, sèches et presque cassantes
traversant par endroits la résille des grilles
étayant son bandeau lâche le long du parc.
Dans les fossés autrefois poussaient des formes
étranges à l'enfant que j'étais
penchée sur l'eau épaisse et noire.
Quelques plantes plus basses
pour habiter l'espace
qui veut la main, le pas, le temps qui passe.
Rien n'a changé.
Il y a dans la lumière quelque chose qui semble
arrêté pour toujours dans le métal des trembles
et quand entre les fûts apparaît la maison
c'est un signe venu pour taire d'autres ombres.
On dirait que l'enfance vient de se relever
de ses rêves de foins
et rit un peu
au loin.
De loin, sa silhouette flottant de guingois
sur l'herbe grise de tant et tant de voyages
nous disait le début du passage.
Son ombre au fil des heures indiquait tour à tour le porche de la
maison
celui de l'antique chapelle
la route sans fioritures
Ni l'allée domaniale ni le sentier roman ne pouvaient se prendre de front
mais par quelques manoeuvres périlleuses et lentes
au plus près de la croix penchée.
Nous arrivions toujours à l'heure
où l'aiguille de son
ombre
indiquait le destin.
Et je rêvais alors
aux pierres qui gardent les portails
à leur entêtement à créer des obstacles
pour que grandir dans la maison de Dieu
ou celle des hommes
ne soit vers le ciel mais devant soi
au prix de courbes et de haltes
Les pierres qui gardent les portails
savourent ce qui leur vient des joyeuses tablées assises sous les arbres
l’innocence cruelle des mômes
l’été
chatouillant d’un brin d’herbe un grillon dans son
nid
et puis le dépiautant pour savoir
où il
cache sa boite à outils
Les pierres qui gardent les portails
aiment les mots des branches
et la blancheur des paumes enlacées longtemps
les allées
déroulant
reines
une lenteur
jusqu’au seuil où la liesse attend
Les pierres qui gardent les portails
pourraient en raconter de ces dessous de
jupes
aux désirs naufragés
les baisers que l’on fauche à l’embaumée du
vent
la douceur et le trouble des chairs en frôlées
Elles ne diront rien des fables entendues entre mur et volé
Ce qui les fait pousser
les pierres qui gardent les portails
ce sont les éventails des dames jusqu'au soir
ouverts et dont la brise écrit au pied de l'herbe
des mensonges bien lisses
aussi purs que la faim d'infortunes imberbes
Tout du long de l'allée qui conduisait à la maison
poussaient de grands platanes.
Les taches rousses
blanches ou crème de leur écorce
brillaient sous les frondaisons épaisses
comme la robe de fauves sortant de l'eau
Grattant la surface des arbres
découvrirais-je un jour leur vrai Moi
rugissant ou feulant sous le beau ciel d'été?
La pièce était posée
grand cube tapissé de toile de Jouy
sur des carreaux de Gironde dont la patine creusait l'enduit
Quelques blessures écaillaient les pierres
Au centre le cercle d'une lourde table
quatre portes
et quatre angles.
Dans l'un une vieille horloge comtoise
dans l'autre une lampe à huile au sommet d'une déesse dénudée
le troisième était tout empli de mon piano
le dernier était vide
En une pièce j'avais d'un seul coup d'oeil accès
au temps
à la lumière qui le traverse
à la musique des sphères
à l'espace dont nul ne saura jamais ce qu'il est réellement
Le bois perce le tissu gris
la lampe n'éclaire plus guère que des convois de souris
la poupée borgne trône au milieu de ses jupes
quelques sacs déchirés laissent entrevoir un monde
Englouti se tient ici debout
dans l'eau des peurs qui s'apprécient
Sous l'escalier l'enfance
aucun plumeau ne pourra l'effacer
Aux marches vers le bas
je dis ma reconnaissance pour les peurs sans issue
parfum de bois vivant mort légère
audace d’eau qui se contient
dans la chair noircie des pierres
la feuille éteinte de l’espace
que caressait ma main
et l’enfer d’une trappe au goût de refermer
Aux marches vers le haut
je dis ma reconnaissance pour les planches fendues sur le vide
pitié boiteuse de la rampe
odeur de cire et de vertige
les toiles d’araignées
pièges sacrés soutien des poutres
une petite source
un moins que rien froissé
luisant au bord du toit lorsque le soi écoute
Tu ne sais plus pleurer
ces chagrins de paille où l’enfant se berce
étonné de ses larmes et presque joyeux
du pauvre caillou qui a défait le cercle
Tu ne sais plus pleurer
en aimant la beauté de tes gouttes