Suite du premier volet.
De l’ombre vers la lumière, des débuts de la vie à la mort, de la peur à la quiétude, d'une saison l'autre... les orages et joies de l'existence.
Dès l'aube
nous sentions le poids d'un jour à crainte du
soir
Peut-être cet orage était-il pur à quelqu'un?
Le ciel
métal en preuve sur les tuiles
essayait la lumière
Fournaise du gris
Qui peut dire la nature des ombres traversées
quand la lueur se sait lueur
châtiment à la main?
L'orage
ou un chasseur dans le lointain
cela ne sonne pas les battues magnifiques
aux cuivres policés galopant la lumière
mais le sauvage orgueil qui bride son élan
avant d'ouvrir les chairs et de plonger dedans
le mufle encore taché des charognes d'hier
Les coups viennent du dos de la maison voisine
là où le jour éteint le dernier réverbère
de la rue que bouquine un vieux soleil distrait
Cela faisait longtemps que je n'avais de fièvre
aussi bleue aussi rosse aussi large et ouvrant
un cri au bord des lèvres
L’orage
ou une bête usée offerte à chevrotine
Il a tonné au loin
comme un coeur se destine
Les saisons
basculent-elles de l’une à l’autre
vers demain
ou se repoussent-elles vers leur proche passé
au levain de leur plaies ?
La bête usée des mauvais jours se couche
combats bleus sur le flanc
son
museau que mordaient nos rires
s'endort au serpent des
racines
et le couteau des ombres
planté
loin de ses pattes velues
La bête usée des mauvais jours repose
le ciel
est froid si longuement
si tendrement gelée l’herbe dans mon jardin
qu’il semblerait
soudain
que tout peut
s’accomplir
Non pas le lent humide et ses voix d'eaux rusées
ni le vent comme un roc
Non pas l’ivre blizzard
qui gerce les chemins sous les cris de
l'harfang
Non pas l’hésitation des bises sans royaume
évanouies dans l’extase du tout premier soleil
Mais un froid précis sec
né à l'impératif
le ciel
bleu
à la bouche
Sombre la pluie
sombre au large du sans
noirs mais sans fin les toits
rouges parfois mais noire
la pluie
jour de châteaux rincés
jours de palmes sans fruits
sombre aux marges du temps
le ciel plutôt mais gris
un peu la mer le vent
un peu de bruit midi
aussitôt disparu
Viens.
Pour que l’arbre
et pour l’ombre
Viens
Le temps s'est arrêté
Silence à grandes fleurs
Un ciel un jour de pierre
leur hâte à se lever reste du jour d'avant
Et les gestes fouillant
jusqu'à ces noeuds du coeur où s'allumaient des arbres
Sous la buée de lune
la nuit
n'avait de nom que remuée.
Tu aimais l’heure des plis
sous le soleil rasant
ton désir de voler la beauté dans les champs
toujours tenue en laisse
ta soif ouverte en noir autour de ce qui brille
l’âme déjà vendue aux justices de l’aube
Où est passée la douce lumière du soir
qui creusait sous les mots
un grand berceau sans tache
?
Où se cache le crû
des matins de venin
ce qui dessine en silence
l’infinie différence
entre
les bords tranchants du rêve
et
la lente rhapsodie du songe ?
Du temps perdu à déchirer la fleur
un jour ne restera,
desséchée,
que la tige
entre nos
mains fanées
et le silence, une dernière
fois,
nous offrira son nom.
Ombres vives
enfin
nous nous
donnerons un pardon de pain
et ce savoir trop simple
pour nos chemins de sel et de cendres:
Seul le ciel est exact.
Quand mon entendre monte
aux patiences du ciel,
fruitées,
blanches, qui luttent
je sens
de vert en vert emportant la campagne
en fleur le temps glisser
sur les tables d’hiver.
Toutes proches résonnent
des voix baignées dans l’eau de tombe
un dernier geste de la main
l’herbe écrasée du jour qui mord
Toutes proches penchées
vers l'absente leurs nuques
Je dis
que je n’ai plus de preuve que quelque chose vit
La faim d'un plein désert
de soirs content
et blond
se déplie nue au coeur de toutes mes fatigues
J’avais faim de savoir ce qui rayait le vent
J’avais faim des noeuds d'eau qui expliquent la nuit
J’avais faim d’attraper les heures du mot juste
J’avais faim de saisir les cris de beauté des
bêtes
J’avais faim de ces causes qui sont en même temps
Leur clarté et leur ombre
Un livre était ouvert
je me souviens
sa lampe pâle
ma chambre éteinte par le vent
au milieu de l’orage
les ombres qui bougeaient
Et ma peur et ma joie se touchèrent
de ces deux livres
l’un
contenant sa fureur de lumière d’où surgissait la nuit
l’autre
apaisant ses ombres à chaque fois plus claires.
Les beaux miroirs dressés en leur lumière d'or,
bois de garder, ses fleurs, si
las, fouillées aux veines
un ange
dans un coin, perdu, la chaîne
enfin des coquillages vides, ou feuilles,
morts
et moi
froid de
ne voir
glissant sur les parquets aussitôt notre
absence
la parole couleurs
moulée entre le verre et tain
Hélas!
jamais les beaux miroirs ne rallumaient leur
eau
ou bien comme eux étais-je enclose
au point de
ne point voir ?
Miroir
un jour
offrant l'ébauche
la transparence originelle.
Je suis assise là
dans la continuité des choses qui s'émeuvent
Je suis assise là et j'espère la lueur
que vous bougez déjà
Passantes du froid bleu, vos mains
en sang, d'amour
Ô comme votre dos est lourd
des preuves portées au jour.
Vos ombres poussent entre les arbres
et nous de jouer
dans nos pas de décembre
avec les taches qui penchent.
Si parfois nous ramassons des fruits,
riant de ce qui succombe
et roule sans jardin, dans la terre
notre chemin tout fait ne croise pas vos nuits.
Femme des pays profonds
ta démarche alanguie
les beaux fruits sur ta nuque ruissellent
et le chemin devant quand le soleil morfond
les ombres rétrécies
Ah… ! tes fesses
coco de mer coquilles chair collier glissant à contre jour
la brinquebalante caresse
de tes seins en pleurote
que traient insouciantes menottes
d'un bambin décalé sur les hanches
ton beau regard qui penche
vers les avant amour
Afrique ma terre ma terre ma terre
n’oublie jamais tes femmes
leurs reins si fatigués de chercher sous la pierre
les racines consumées et l’invisible flamme
de l’eau quelle pitié
Afrique ma terre ma terre ma terre
Là-bas, serpent couve un soleil
misérable affamé sa peau est si fripée
qu’il n’a plus de courage et l’enfant va mourir
dans sa première pente
si tu ne hurles pas avec tes dernières forces
le chagrin du millet les soupes de sorgho que tu ne connais plus
et le pouvoir des hommes qui te gâche la pluie
Là-bas
un mot qui me revient souvent
deux syllabes immobiles pour des chemins qui bougent
des bruits et des couleurs qui ne se verront pas
plaines forêts cernées de falaises
d’arbres noirs à l’intérieur des oiseaux
taiseux quand on passait
Là-bas
tout pouvait chanceler d’un instant à l’autre
dans les gueules tendues au bord des routes
on ne tuait pas le temps il mourait à son rythme
Mon là-bas c’est peut-être l’ailleurs des autres
les voix
qui allaient toutes
vers le seul point qui se rie de toute chose
L’horizon
Là-bas
c’est chaque jour ici
Là-bas
Cet ailleurs qui n’appartient qu’à moi
Plus tard
par les chemins glanés de sombre
un bouquet simple au chaud
des paumes nous irons
et tu me diras « oui » pour traverser
A son chant d’éventail
tu parleras l’envol d’un grand oiseau veillant
et j’oublierai son nom pour te donner la joie
si fière à mon tour d’un nuage.
Nous laisserons le vent caresser nos visages
de sa buée de sel qui annonce les vagues.
Un muret. Une église. Un village de paille
aux toits de chaume doux de notre lent passage
et la baie bourdonnantes de ces pierres noires
dont on fait les maisons
ici
l’eau est d’un bleu si vert qu’on dirait une dague.
Ce sera comme sur les photos passées
quelques couples au loin
voix en fumée au fond de l’épuisette
et des enfants qui jouent dans un coin
en regardant couler leurs desseins de sable
une barque attendant la prochaine mariée
et nous,
le pied glissant sur les algues tiédies
les yeux un peu brûlés de rien
connaître et de nous sentir bien.
Il n’y aura plus de bruit en marchant vers la mer
A la nuit souvenue
je t’offrirai le bleu des peurs immaculées
Tu me prieras le manque
je te dessinerai la flaque après la pluie
quand le soleil en mord les membranes profondes
la vérité du ciel écorchée en cadence
et le feu comme une ombre éteinte de son ombre
Pour te cueillir un arbre
je planterai le temps puis verserai le sable
et l’azur coulera des racines aux branches
ne me demande pas lorsque tu entendras
un murmure
des voix
Tu m’offriras l’amour
je t’offrirai l’amour
Et nous partagerons la naissance de l’oie
sous les mains du sculpteur.
Entre sang et aubier.
Le bois mort qui palpite.
Membrane fouillée.
Le premier qui toucha le jabot sous l'écorce,
celui-là entendit les voix rentrées dans l'arbre
le bleu si simple dire à l'auvent du désert
Le premier qui cambra la voluptueuse échine sous sa paume,
celui-là sentit la blessure toujours ouverte du départ
Le premier qui caressa le col altier endormi sous la branche,
celui-là reçut le temps
l'union des fibres et des cris
leur détachement des choses d'ici-bas
elle pourrait s'échapper
gardienne de l'aurore
dont l'eau se réchauffe
toute proche
à ses pieds
Celle qui se nomme ton autre beauté
mains à femme et de toucher
l'ivoire
Celle qui se nomme ton Autre
beauté depuis ton aube
étend sous la jonchaie
sa terrifiante paix
Celle qui te nomme son Autre
Beauté
ventre de prendre muette
a ralenti sa barque
incendié ses cheveux pour mieux ouvrir
ta nuit
Fierté de chair où allais-tu
pressée
que le temps cherche ?
non
tu ne pourras pas fuir.
Tu seras là
assise
le matin t’aura dit ce que le corps savait
l'eau turbulant la pierre
le labour de ses hanches au tissu immobile
épaules épanouies dans la chaleur cerclée
Tu seras là
assise
paroles de fautes rendues au limon
D'abord tu t'en iras
vers des puits en chapelles
à quoi sert le regret et faut-il du regret
quand la lumière est là
si proche qui te tient debout ?
Tu te reposeras
le coeur sans déchirés dans le métal des
dunes
tu mangeras ta mort
Depuis combien de temps vis - tu dans l'espérance
de te dénouer enfin
jusqu’à l’extase ou l’ecchymose
A la tombée du soir
tu partiras
la terre de tes bras nus tendue vers la lumière