Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique

Membranes, chutes et autres traversées *2*


Suite du
  premier volet
.
De l’ombre vers la lumière, des débuts de la vie à la mort, de la peur à la quiétude, d'une saison l'autre... les orages et joies de l'existence.



Dès l'aube
nous sentions le poids d'un jour à crainte du soir

Peut-être cet orage était-il pur à quelqu'un?

Le ciel
métal en preuve sur les tuiles  
essayait la lumière

Fournaise du gris



Qui peut dire la nature des ombres traversées
quand la lueur se sait lueur
châtiment à la main?


L'orage
        ou un chasseur dans le lointain
    cela ne sonne pas les battues magnifiques
    aux cuivres policés galopant la lumière
    mais le sauvage orgueil qui bride son élan
        avant d'ouvrir les chairs et de plonger dedans
    le mufle encore taché des charognes d'hier

Les coups viennent du dos de la maison voisine
        là où le jour éteint le dernier réverbère
de la rue que bouquine un vieux soleil distrait

Cela faisait longtemps que je n'avais de fièvre
aussi bleue aussi rosse aussi large et ouvrant
        un cri au bord des lèvres

L’orage
        ou une bête usée offerte à chevrotine

Il a tonné au loin
comme un coeur se destine


Les saisons
basculent-elles de l’une à l’autre
vers demain
ou se repoussent-elles vers leur proche passé
au levain de leur plaies ?



La bête usée des mauvais jours se couche
            combats bleus sur le flanc
                    son museau que mordaient nos rires
                s'endort au serpent des racines
 et le couteau des ombres
                    planté loin de ses pattes velues

        La bête usée des mauvais jours repose
                    le ciel est froid si longuement
            si tendrement gelée l’herbe dans mon jardin
        qu’il semblerait
        soudain
                que tout peut s’accomplir



Non pas le lent humide et ses voix d'eaux rusées
ni le vent comme un roc
           
Non pas l’ivre blizzard
             qui gerce les chemins sous les cris de l'harfang

Non pas l’hésitation des bises sans royaume
            évanouies dans l’extase du tout premier soleil

        Mais un froid  précis sec
        né à l'impératif
      
le ciel
            bleu
à la bouche


Sombre la pluie
    sombre au large du sans
noirs mais sans fin les toits
        rouges parfois mais noire
la pluie
jour de châteaux rincés
jours de palmes sans fruits


sombre aux marges du temps
        le ciel plutôt mais gris

                         un peu la mer le vent
un peu de bruit midi
   aussitôt disparu

Viens.
Pour que l’arbre
et pour l’ombre

Viens



Le temps s'est arrêté

Silence à grandes fleurs

Un ciel un jour de pierre
leur hâte à se lever reste du jour d'avant

Et les gestes fouillant
jusqu'à ces noeuds du coeur où s'allumaient des arbres




Sous la buée de lune
la nuit
n'avait de nom que remuée.



Tu aimais l’heure des plis

sous le soleil rasant
  ton désir de voler la beauté dans les champs
toujours tenue en laisse
ta soif ouverte en noir autour de ce qui brille
l’âme déjà vendue aux justices de l’aube

Où est passée la douce lumière du soir

        qui creusait sous les mots
                un grand berceau sans tache ?

Où se cache le crû
        des matins de venin
ce qui dessine en silence
l’infinie différence
entre
les bords tranchants du rêve
et
la lente rhapsodie du songe ?



Du temps perdu à déchirer la fleur

                un jour ne restera, desséchée,
            que la tige
                    entre nos mains fanées
                et le silence, une dernière fois,
            nous offrira son nom.

 Ombres vives
            enfin
                    nous nous donnerons un pardon de pain
            et ce savoir trop simple
pour nos chemins de sel et de cendres:
            Seul le ciel est exact.



Quand mon entendre monte

       aux patiences du ciel,
                    fruitées, blanches, qui luttent
    je sens
de vert en vert emportant la campagne
            en fleur le temps glisser
sur les tables d’hiver.


Toutes proches résonnent
des voix baignées dans l’eau de tombe
    un dernier geste de la main
l’herbe écrasée du jour qui mord

Toutes proches penchées
vers l'absente leurs nuques

Je dis
    que je n’ai plus de preuve que quelque chose vit

La faim d'un plein désert
de soirs content
et blond
se déplie nue au coeur de toutes mes fatigues




J’avais faim de savoir ce qui rayait le vent
J’avais faim des noeuds d'eau qui expliquent la nuit
J’avais faim d’attraper les heures du mot juste
J’avais faim de saisir les cris de beauté des bêtes
J’avais faim de ces causes qui sont en même temps
Leur clarté et leur ombre


Un livre était ouvert
    je me souviens
sa lampe pâle
ma chambre éteinte par le vent
 au milieu de l’orage
les ombres qui bougeaient


Et ma peur et ma joie se touchèrent
    de ces deux livres
l’un
contenant sa fureur de lumière d’où surgissait la nuit
l’autre
apaisant ses ombres à chaque fois plus claires.



Les beaux miroirs dressés en leur lumière d'or,

                bois de garder, ses fleurs, si las,  fouillées aux veines
                    un ange dans un coin, perdu, la chaîne
            enfin des coquillages vides, ou feuilles, morts
                et moi
                    froid de ne voir
            glissant sur les parquets aussitôt notre absence
            la parole couleurs
            moulée entre le verre et tain

            Hélas!
            jamais les beaux miroirs ne rallumaient leur eau
            ou bien comme eux étais-je enclose
       au point de ne point voir ?

            Miroir
un jour

            offrant l'ébauche

la transparence originelle.




        Je suis assise là
        dans la continuité des choses qui s'émeuvent
Je suis assise là et j'espère la lueur
        que vous bougez déjà
     
Passantes du froid bleu, vos mains
    en sang, d'amour
        Ô comme votre dos est lourd
des preuves portées au jour.

Vos ombres poussent entre les arbres
            et nous de jouer
    dans nos pas de décembre
avec les taches qui penchent.

           Si parfois nous ramassons des fruits,
                        riant de ce qui succombe
et roule sans jardin, dans la terre
notre chemin tout fait ne croise pas vos nuits.






Femme des pays profonds

ta démarche alanguie
les beaux fruits sur ta nuque ruissellent
et le chemin devant quand le soleil morfond
les ombres rétrécies

Ah… ! tes fesses
coco de mer coquilles chair collier glissant à contre jour
la brinquebalante caresse
de tes seins en pleurote
que traient insouciantes menottes
d'un bambin décalé sur les hanches
ton beau regard qui penche
vers les avant amour

Afrique ma terre ma terre ma terre
n’oublie jamais tes femmes
leurs reins si fatigués de chercher sous la pierre
les racines consumées et l’invisible flamme
de l’eau quelle pitié

Afrique ma terre ma terre ma terre
Là-bas, serpent couve un soleil
misérable affamé sa peau est si fripée
qu’il n’a plus de courage et l’enfant va mourir
dans sa première pente
si tu ne hurles pas avec tes dernières forces
le chagrin du millet les soupes de sorgho que tu ne connais plus
et le pouvoir des hommes qui te gâche la pluie



Là-bas
    un mot qui me revient souvent
    deux syllabes immobiles pour des chemins qui bougent
des bruits et des couleurs qui ne se verront pas
        plaines forêts cernées de falaises
d’arbres noirs à l’intérieur des oiseaux
    taiseux quand on passait

Là-bas
    tout pouvait chanceler d’un instant à l’autre
dans les gueules tendues au bord des routes
    on ne tuait pas le temps il mourait à son rythme
 
Mon là-bas c’est peut-être l’ailleurs des autres
   
les voix
   qui allaient toutes
vers le seul point qui se rie de toute chose

                                                              L’horizon

Là-bas
c’est chaque jour ici

Là-bas

Cet ailleurs qui n’appartient qu’à moi



Plus tard
par les chemins glanés de sombre
un bouquet simple au chaud

des paumes nous irons
et tu me diras « oui » pour traverser

A son chant d’éventail
tu parleras l’envol d’un grand oiseau veillant
et j’oublierai son nom pour te donner la joie
si fière à mon tour d’un nuage.

Nous laisserons le vent caresser nos visages
de sa buée de sel qui annonce les vagues.
Un muret. Une église. Un village de paille
aux toits de chaume doux de notre lent passage
et la baie bourdonnantes de ces pierres noires
dont on fait les maisons
ici
l’eau est d’un bleu si vert qu’on dirait une dague.

Ce sera comme sur les photos passées
quelques couples au loin
voix en fumée au fond de l’épuisette
et des enfants qui jouent dans un coin
en regardant couler leurs desseins de sable
une barque attendant la prochaine mariée
et nous,
le pied glissant sur les algues tiédies
les yeux un peu brûlés de rien
connaître et de nous sentir bien.

Il n’y aura plus de bruit en marchant vers la mer



      
A la nuit souvenue
je t’offrirai le bleu des peurs immaculées

Tu me prieras le manque
je te dessinerai la flaque après la pluie
quand le soleil en mord les membranes profondes
la vérité du ciel écorchée en cadence
et le feu comme une ombre éteinte de son ombre

Pour te cueillir un arbre
je planterai le temps puis verserai le sable
et l’azur coulera des racines aux branches
ne me demande pas lorsque tu entendras
un murmure
des voix



Tu m’offriras l’amour
je t’offrirai l’amour



Et nous partagerons la naissance de l’oie
sous les mains du sculpteur.
Entre sang et aubier.
Le bois mort qui palpite.
Membrane fouillée.
 
Le premier qui toucha le jabot sous l'écorce,
celui-là entendit les voix rentrées dans l'arbre

le bleu si simple dire à l'auvent du désert

Le premier qui cambra la voluptueuse échine sous sa paume,
celui-là sentit la blessure
toujours ouverte du départ

Le premier qui caressa le col altier endormi sous la branche,
celui-là reçut le temps

l'union des fibres et des cris
leur détachement des choses d'ici-bas

elle pourrait s'échapper
gardienne de l'aurore
dont l'eau se réchauffe
toute proche
à ses pieds




Celle qui se nomme ton autre beauté
        mains à femme et de toucher
        l'ivoire

        Celle qui se nomme ton Autre
            beauté depuis ton aube
        étend sous la jonchaie
        sa terrifiante paix


        Celle qui te nomme son Autre
        Beauté
        ventre de prendre muette
        a ralenti sa barque
        incendié ses cheveux pour mieux ouvrir
        ta nuit

        Fierté de chair où allais-tu
        pressée
        que le temps cherche ?


        non
        tu ne pourras pas fuir.



Tu seras là
            assise
            le matin t’aura dit ce que le corps savait
            l'eau turbulant la pierre
            le labour de ses hanches au tissu immobile
            épaules épanouies dans la chaleur cerclée

Tu seras là
            assise
            paroles de fautes rendues au limon
           

D'abord tu t'en iras
            vers des puits en chapelles
            à quoi sert le regret et faut-il du regret
            quand la lumière est là
            si proche qui te tient debout ?


Tu te reposeras
            le coeur sans déchirés dans le métal des dunes
            tu mangeras ta mort


Depuis combien de temps vis - tu dans l'espérance
            de te dénouer enfin
            jusqu’à l’extase ou l’ecchymose

 A la tombée du soir
     
        tu partiras
        la terre de tes bras nus tendue vers la lumière




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