Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique

Tamel - Prélude * 2 *



Première partie



Le corps fourbu d'une marche presque sans halte - que les arbres autour d'eux relançaient de leur propre pas lorsque l'envie de faire demi-tour se faisait trop vive - les deux enfants parvinrent enfin en ce pays.

Tamel avait souvent senti que l'enchevêtrement des ronces, la pénombre des futaies ou l'oscillation indécise des plus jeunes pousses dans la brise étaient à l'image du territoire de sa pensée.
Parfois baissant les paupières, il parvenait même à se persuader que tout ceci était le fruit de son imaginaire. Et que lui seul existait.
Rouvrant les yeux alors, l'idée le traversait que, entre le réel et ce qui ne l'était pas encore, entre ce qui marchait et restait immobile, entre sa chair et celle des pierres, il n'était guère de  frontières. Tout était une question d'attention, de présence aux myriades de voix invisibles qui parcouraient ce monde.

Ce qu'il avait rêvé était ou serait vrai,  quelque part.

Devant eux, deux groupes humains se faisaient face, épuisant de leur nombre les courbes des collines et le velours des  chaumes.

Un mur de glace les séparait, qui, loin de fondre sous le soleil, s'épaississait de seconde en seconde. Les soubressauts légers qui ajoutaient ici ou là une couche à la précédente, sans obéir - en apparence - à quelque loi précise, brûlaient les yeux de Tamel. Son être était très sensible aux mouvements dérisoires et ces derniers pouvaient même déclencher en lui de sourdes colères.

- Reste sage, Damousse pendant que je m'approche, promis?

- ...  opina la petite fille en fermant très fort les yeux et aussi la bouche qui s'ouvrait quelquefois à tort et à travers.

Tamel savait se rendre aussi clair que l'eau de source et plus léger que le nuage. Mais alors que son être vaporeux prenait contact avec le blog de glace, les traces gravées depuis des mois sur l'une de ses faces par la partie du village dont il avait reçu l'appel quelques jours auparavant bondirent sur son visage, y dessinant des lettres brûlantes.

Il reprit aussitôt forme humaine, la bouche tordue de douleur, alors qu'un " Ohh! "  de surprise faisait s'ouvrir les rangs serrés.
Damousse accourut,  ses menottes fraîches tendues vers les joues de Tamel.
D'un de ces gestes fermes qui lui échappait parfois Tamel écarta l'élan de sa camarade.

- Silence, Damousse, j'écoute ce que disent ces blessures...

Damousse enfouit en elle les larmes qui venaient. Tamel n'aimait point qu'on l'approche de trop près. Et la tendresse qu'elle éprouvait pour lui en était partagée depuis toujours, pour son plus grand malheur, entre une envie de fuir celui dont la nature complexe  et indépendante contrariait si souvent la sienne et des tentatives pas toujours couronnées de succès de se plier à l'attente de son ami.

Damousse était la pontanéité même, mais aussi très possessive, et le renoncement, par amitié,  aux joies simples et belles de la vie incarnée lui était un poids à chaque fois plus lourd.


Pour l'heure, elle obéit.




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U
Non Viviane je n'ai pas lu "la vie est un songe" mais vous me donnez envie de le lire
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R
<br /> Alors à s'offrir d'urgence!<br /> <br /> <br />
A
excuse moi , je ne peux pas passer aussi souvent que j'aimerai, j'ai un ordinateur qui bugge et rame sans arrêt, je dois attendre  début  novembre pour récuprer celui d'un de mes fils  alors en attendant, je fais ce que je peux pour venir  mais bon c'est su frustrant :( . Bises Viviane
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R
<br /> Pas de soucis Aimela, moi non plus je ne dispose pas en ce moment de connexion régulière et surtout d'un temps assez souple pour...<br /> Bisous à toi et merci de la visite<br /> <br /> <br />
M
quel plaisir de se laisser mener par tes mots dans un monde où le sous-jacent joue avec la réalité merveilleuse, et les constats plaquent leurs vérités très doucement.Ah non... ton blog n'est pas de glace. Ici, on aime à s'en laisser conter !
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R
<br /> Tu es adorable avec ces jeux de mots qui tek toniquent (sourire)<br /> merci beaucoup Marianne!<br /> <br /> <br />
U
Envoûtant ce conte Viviane....."ce qu'il avait rêvé était ou serait vrai quelque part"  et si nos rêves se réalisaient effectivement dans un autre monde ? ce qui signifierait que nous sommes peut être le rêve de quelqu'un d'autre dans un autre monde...!
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R
<br /> Ce que vous dites me rappelle la pièce de Calderon " La vie est un songe "<br /> l'avez vous lue?<br /> merveilleuse...<br /> Oui, nous sommes le rêve de quelqu'un<br /> et le rêve est un rêve<br /> <br /> <br />
M
Ces mots sont pour le coeur , le coeur seul...Merci.
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R
<br /> Merci Marlou<br /> ils sortent de mon coeur et souvent<br /> de ma chair abîmée par la vie.<br /> <br /> <br />