2 avril 2009
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Nous sommes en 1436. Le premier siège de Calais vient d'avoir lieu sous la bannière de Philippe le Bon, Duc de Bourgogne. Un mois plus tard, Guillaume Dufay compose le motet "Nuper rosarum flores" qui inaugure la coupole de Brunelleschi dans la cathédrale de Florence...
La guerre entre la France et l'Angleterre ne prendra fin que dans dix-sept longues années. Elle aura duré plus d'un siècle ponctué de rémissions dans cette histoire d'amour houleuse, durant lequel des régions entières seront restées relativement à l'écart du conflit, telles la Bourgogne et les Pays Bas.
Leur prospérité économique sous l'autorité des grands ducs de Bourgogne a favorisé le développement des arts. A tel point que ces régions deviennent un vivier culturel dans une Europe totalement morcelée et qui se cherche, aussi bien en Allemagne qu'en Espagne, ou en France et Angleterre saignées par leur vieux conflit.

Crédit photographique ici
Ce grand Duché regorge de richesses territoriales, industrielles, humaines qui, une fois la paix signée entre les deux grandes puissances, lui permettront de rayonner dans toute l'Europe, tant sur le plan musical, sculptural que pictural, influençant même les débuts de la Renaissance Italienne ( Avec Willaert, musicien Hollandais installé à Venise) et ce alors même que s'exercent déjà des artistes de très haute tenue.
Songez... Les très riches heures du Duc de Berry sont encore en cours de réalisation, les frères Limbourg étant morts de la peste, l'ouvrage sera achevé par Jean Colombe bien plus tard
La guerre entre la France et l'Angleterre ne prendra fin que dans dix-sept longues années. Elle aura duré plus d'un siècle ponctué de rémissions dans cette histoire d'amour houleuse, durant lequel des régions entières seront restées relativement à l'écart du conflit, telles la Bourgogne et les Pays Bas.
Leur prospérité économique sous l'autorité des grands ducs de Bourgogne a favorisé le développement des arts. A tel point que ces régions deviennent un vivier culturel dans une Europe totalement morcelée et qui se cherche, aussi bien en Allemagne qu'en Espagne, ou en France et Angleterre saignées par leur vieux conflit.

Crédit photographique ici
Ce grand Duché regorge de richesses territoriales, industrielles, humaines qui, une fois la paix signée entre les deux grandes puissances, lui permettront de rayonner dans toute l'Europe, tant sur le plan musical, sculptural que pictural, influençant même les débuts de la Renaissance Italienne ( Avec Willaert, musicien Hollandais installé à Venise) et ce alors même que s'exercent déjà des artistes de très haute tenue.
Songez... Les très riches heures du Duc de Berry sont encore en cours de réalisation, les frères Limbourg étant morts de la peste, l'ouvrage sera achevé par Jean Colombe bien plus tard

Des sculpteurs français comme Michel Colombe :

Ou Claus Sluter à Dijon

poussent au plus haut degré leur sens de la matière.
L'invention de l'imprimerie typographique contribuera à diffuser les oeuvres musicales dans une Europe pacifiée qui pour la seconde fois, après l'uniformisation du chant grégorien au IXème siècle, va se reconnaître dans ce que l'on appelle l'école Franco-Flamande. Appellation d'ailleurs controversée, tant les échanges animés, voyages et influences mutuelles d'artistes qui parlent aussi bien le français que l'italien et le latin et se déplacent du Nord de la France au Hainaut, puis à la cour pontificale de Rome ou dans la région bordelaise, permettent mal de distinguer les multiples racines néerlandaises, françaises, wallonne, bourguignonne, italienne, anglo-normandes.
Jusque 1600, pendant plus d'un siècle et demie donc, vont se succéder cinq générations de compositeurs qui correspondent à quatre grandes écoles.
L'école de Cambrai, dite aussi école de Bourgogne ( la ville de Cambrai était placé sous la juridiction du Duché de Bourgogne) dont les représentants sont Dunstable, Dufay et Binchois.
L'école de Paris qui culmine avec Josquin des Prez, puis plus tard le très remarquable et trop peu connu Pierre Atteignant ( ou Attaignant ou encore Attaingnant) et le célèbre Clément Janequin
L'école de Venise avec - entre autres, mais il faut bien choisir - Willaert
L'école de Munich avec Roland de Lassus, qui, fort aidé par son éditeur et ami Tyelman Susato, lui-même brillant musicien et compositeur, va opérer la jonction avec l'époque Baroque.
Après les recherches complexes de l'Ars Nova, John Dunstable ( 1400-1453) va apporter à la musique une fraîcheur nouvelle, puisée aux sources de la musique populaire anglaise.
Son maître, le Duc de Bedford a beau l'emmener avec lui dans ses voyages et vouloir lui faire découvrir l'art Gothique flamboyant français et bourguignon, Dunstable s'en tient à ce qui est dans le goût anglais de l'époque: des mélodies simples, aisément reconnaissables, aux harmonies basées sur des successions de tierces et de sixtes dont la suavité tranche - aux dires des poètes qui font allégeance à l'Angleterre occupante - avec les successions de quartes et quintes en usage .
Ce qui est d'ailleurs fort injustement oublier que les doublures à la tierces furent inventées au XIIème siècle en France. Mais c'est la guerre, et elle consacre pour le moment la supériorité anglaise.
Ce chanoine, astronome, mathématicien bénéficie donc d'une grande renommée qui est d'ailleurs aujourd'hui dé-légitimée par l'attribution de nombre de ses oeuvres à son compatriote Lionel Power...
Qu'importe... Il donne une unité thématique aux différentes parties d'une messe en confiant au ténor une " teneur " qui reste identique tout du long de l'office. On sait le bel avenir de ce qui deviendra très vite le continuo des airs et variations. Il nettoie le contrepoint des frictions entre les voix, prépare les syncopes et dissonances au lieu de les imposer, confie les parties inférieures à divers instruments, soumet le rythme de la musique à celui de la déclamation comme dans le motet que je vous propose d'écouter,
Pourtant cette suprématie anglaise est bientôt concurrencée par quelques musiciens natifs de Dijon et de Cambrai, et parmi les plus éminents d'entre eux, ceux que vous pouvez voir représentés ci-dessus, Gilles Binchois et Guillaume Dufay
Gilles Binchois tout d'abord.
Compositeur prolifique, il écrit parmi les plus belles chansons profanes de ce temps-là, et de la musique religieuse qui reste très proche de celle de l'école anglaise installée dans le Nord de la France.
L'homme mène une vie mouvementée, tour à tour soldat, puis prêtre, chapelain et chantre de Philippe le Bon de Bourgogne, il voyage beaucoup et son oeuvre traduit avec une finesse, élégance et distinction qui sont déjà la marque de la musique française, ses états d'âme, souvent penchés vers Dame Mélancolie.
Son goût littéraire assuré lui fait choisir de mettre en musique aussi bien Charles d'Orléans que Christine de Pisan. Soucieux d'accorder les rythmes des voix ou des instruments à ceux des pensées, des corps et de la danse, il montre une grande capacité inventive et harmonisatrice et sait se rattacher à la tradition courtoise passée. J'ai choisi pour vous deux oeuvres, il est des trois compositeurs celui qui me touche le plus...
Le troisième maître de cette école de Cambrai est Guillaume Dufay. Dont le peintre flamand Van Eyck était l'exact contemporain et l'on sait là aussi à quel point les peintres italiens de la Renaissance admiraient la peinture flamande pour son unité et sa richesse symbolique et que a contrario, c'est sous l'influence de l'Italie que les flamands s'ouvrirent aux thèmes de l'antiquité, à la représentation du corps humain etc. Influence mutuelle donc.
Dufay est le type même du musicien franco-italo-flamand. Né dans le Hainaut en 1400, étudiant la musique à Cambrai, puis rejoignant l'Italie à l'âge de 19 ans, toujours sur les routes par monts et par vaux, il mourra à Cambrai en 1474, preuve s'il en est que les voyages forment et conservent la jeunesse en des temps où une telle espérance de vie devait être rare.
Familier des princes et des clercs, il se met au service de la puissante famille de Malatesta à Rimini à l'âge de 20 ans, puis revient à Paris en l'église de Saint-Germains-l'Auxerrois, à Laon, puis de nouveau en Italie à la cour de Bologne, puis il rompt avec la cour pontificale italienne et s'offre à la cour de Savoie qui restera avec Cambrai son port d'attache entre deux pérégrinations italiennes.
En dépit de cette bougeotte, il réussit la synthèse de l'exigeante et inventive rigueur harmonique héritée de l'Ars Nova français, de la simplicité thématique venue d'Angleterre et de la recherche expressive née en Italie. Il est considéré comme le fondateur de cette école dite « franco-flamande » que l'on nomme à tort et nous verrons plus tard pourquoi musique renaissance et qui, pendant près de deux siècles va porter l'art polyphonique à son apogée.
Ses 32 motets et 80 chansons, d'abord très influencés par l'Ars Nova vont progressivement trouver leur style propre en abandonnant la pluri-textualité qui faisait de ces oeuvres de vrais buissons d'épines infranchissables.
C'est lui qui va fixer la forme et l'unité de la messe ( d'où le terme messe unitaire) en imposant une teneur ( continuo ou cantus firmus ) identique et parfois même un motif unique qui commence chacune des parties tout du long de l'office.
Je vous propose, pour terminer ce parcours, d'écouter,
à mi-chemin du profane et du sacré,
la très belle Lamentatio Sanctae Matris Ecclesiae Constantinopolitanae à quatre voix (deux parties vocales, deux instrumentales), qui unit à un texte en vieux françois ( Ô Très piteulx, de tout espoir fontaine ) à la plainte de Jérémie, Omnes amici ejus spreverunt eam .
Jusque 1600, pendant plus d'un siècle et demie donc, vont se succéder cinq générations de compositeurs qui correspondent à quatre grandes écoles.
L'école de Cambrai, dite aussi école de Bourgogne ( la ville de Cambrai était placé sous la juridiction du Duché de Bourgogne) dont les représentants sont Dunstable, Dufay et Binchois.
L'école de Paris qui culmine avec Josquin des Prez, puis plus tard le très remarquable et trop peu connu Pierre Atteignant ( ou Attaignant ou encore Attaingnant) et le célèbre Clément Janequin
L'école de Venise avec - entre autres, mais il faut bien choisir - Willaert
L'école de Munich avec Roland de Lassus, qui, fort aidé par son éditeur et ami Tyelman Susato, lui-même brillant musicien et compositeur, va opérer la jonction avec l'époque Baroque.
***
Après les recherches complexes de l'Ars Nova, John Dunstable ( 1400-1453) va apporter à la musique une fraîcheur nouvelle, puisée aux sources de la musique populaire anglaise.
Son maître, le Duc de Bedford a beau l'emmener avec lui dans ses voyages et vouloir lui faire découvrir l'art Gothique flamboyant français et bourguignon, Dunstable s'en tient à ce qui est dans le goût anglais de l'époque: des mélodies simples, aisément reconnaissables, aux harmonies basées sur des successions de tierces et de sixtes dont la suavité tranche - aux dires des poètes qui font allégeance à l'Angleterre occupante - avec les successions de quartes et quintes en usage .
Ce qui est d'ailleurs fort injustement oublier que les doublures à la tierces furent inventées au XIIème siècle en France. Mais c'est la guerre, et elle consacre pour le moment la supériorité anglaise.
Ce chanoine, astronome, mathématicien bénéficie donc d'une grande renommée qui est d'ailleurs aujourd'hui dé-légitimée par l'attribution de nombre de ses oeuvres à son compatriote Lionel Power...
Qu'importe... Il donne une unité thématique aux différentes parties d'une messe en confiant au ténor une " teneur " qui reste identique tout du long de l'office. On sait le bel avenir de ce qui deviendra très vite le continuo des airs et variations. Il nettoie le contrepoint des frictions entre les voix, prépare les syncopes et dissonances au lieu de les imposer, confie les parties inférieures à divers instruments, soumet le rythme de la musique à celui de la déclamation comme dans le motet que je vous propose d'écouter,
Quam pulchra es
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Pourtant cette suprématie anglaise est bientôt concurrencée par quelques musiciens natifs de Dijon et de Cambrai, et parmi les plus éminents d'entre eux, ceux que vous pouvez voir représentés ci-dessus, Gilles Binchois et Guillaume Dufay
Gilles Binchois tout d'abord.
Compositeur prolifique, il écrit parmi les plus belles chansons profanes de ce temps-là, et de la musique religieuse qui reste très proche de celle de l'école anglaise installée dans le Nord de la France.
L'homme mène une vie mouvementée, tour à tour soldat, puis prêtre, chapelain et chantre de Philippe le Bon de Bourgogne, il voyage beaucoup et son oeuvre traduit avec une finesse, élégance et distinction qui sont déjà la marque de la musique française, ses états d'âme, souvent penchés vers Dame Mélancolie.
Son goût littéraire assuré lui fait choisir de mettre en musique aussi bien Charles d'Orléans que Christine de Pisan. Soucieux d'accorder les rythmes des voix ou des instruments à ceux des pensées, des corps et de la danse, il montre une grande capacité inventive et harmonisatrice et sait se rattacher à la tradition courtoise passée. J'ai choisi pour vous deux oeuvres, il est des trois compositeurs celui qui me touche le plus...
Adieu mes très belles amours
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Filles à marier ne vous mariez jamais
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Le troisième maître de cette école de Cambrai est Guillaume Dufay. Dont le peintre flamand Van Eyck était l'exact contemporain et l'on sait là aussi à quel point les peintres italiens de la Renaissance admiraient la peinture flamande pour son unité et sa richesse symbolique et que a contrario, c'est sous l'influence de l'Italie que les flamands s'ouvrirent aux thèmes de l'antiquité, à la représentation du corps humain etc. Influence mutuelle donc.
Dufay est le type même du musicien franco-italo-flamand. Né dans le Hainaut en 1400, étudiant la musique à Cambrai, puis rejoignant l'Italie à l'âge de 19 ans, toujours sur les routes par monts et par vaux, il mourra à Cambrai en 1474, preuve s'il en est que les voyages forment et conservent la jeunesse en des temps où une telle espérance de vie devait être rare.
Familier des princes et des clercs, il se met au service de la puissante famille de Malatesta à Rimini à l'âge de 20 ans, puis revient à Paris en l'église de Saint-Germains-l'Auxerrois, à Laon, puis de nouveau en Italie à la cour de Bologne, puis il rompt avec la cour pontificale italienne et s'offre à la cour de Savoie qui restera avec Cambrai son port d'attache entre deux pérégrinations italiennes.
En dépit de cette bougeotte, il réussit la synthèse de l'exigeante et inventive rigueur harmonique héritée de l'Ars Nova français, de la simplicité thématique venue d'Angleterre et de la recherche expressive née en Italie. Il est considéré comme le fondateur de cette école dite « franco-flamande » que l'on nomme à tort et nous verrons plus tard pourquoi musique renaissance et qui, pendant près de deux siècles va porter l'art polyphonique à son apogée.
Ses 32 motets et 80 chansons, d'abord très influencés par l'Ars Nova vont progressivement trouver leur style propre en abandonnant la pluri-textualité qui faisait de ces oeuvres de vrais buissons d'épines infranchissables.
C'est lui qui va fixer la forme et l'unité de la messe ( d'où le terme messe unitaire) en imposant une teneur ( continuo ou cantus firmus ) identique et parfois même un motif unique qui commence chacune des parties tout du long de l'office.
Je vous propose, pour terminer ce parcours, d'écouter,
à mi-chemin du profane et du sacré,
la très belle Lamentatio Sanctae Matris Ecclesiae Constantinopolitanae à quatre voix (deux parties vocales, deux instrumentales), qui unit à un texte en vieux françois ( Ô Très piteulx, de tout espoir fontaine ) à la plainte de Jérémie, Omnes amici ejus spreverunt eam .
Lamentatio Sanctae Matris Ecclesiae Constantinopolitanae
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