Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Le regard est clair, la droiture se lit à visage ouvert, un sourire esquissé dit l'homme affable et soucieux de l'autre, qui sait se tenir et saura obéir sans jamais s'abaisser.
Telles sont les réflexions que m'inspirent d'emblée cette gravure et ces traits aigus d'intelligence mais sans sévérité.
L'homme ne s'aimait pas. Petit du fait d'une malnutrition infantile, criblé des trous de la variole à laquelle il avait cependant réchappé, Haydn se trouvait laid. Cela ne l'empêchait pas d'être d'une constante bonne humeur et d'aimer à régler les différends qui agitaient ses contemporains avec une infinie patience.
Il est un de ces monuments que l'on ne voit plus dans le paysage tant ils savent en protéger les contours et les nuances. Et pourtant...
Joseph Haydn, immense compositeur dont on parle si peu tant son génie fut occulté par celui de Mozart, de mon humble avis bien moindre et tant pis si l'on me traite d'iconoclaste. Il faut oser le dire: sans Haydn, point de Beethoven, point de musique pré-romantique, point de Mozart sans doute.
Comment dépeindre une existence si longue, si vaste, d'une incroyable richesse créative, toute en nuances et modestie? Il m'y faudra consacrer plusieurs pages, comme pour Bach ou Vivaldi. Considérons donc celle-ci comme un préambule.
Joseph nait en 1732 ou 1733 dans une famille autrichienne très modeste, installée tout près de la frontière Hongroise, d'un père artisan charron et harpiste à ses heures et .
Toile de Jean Siméon Chardin
Cependant, bien peu de différence alors entre la condition de sa famille et celle de musicien. A l'époque l'artiste, qu'il soit compositeur ou simple exécutant, est considéré à l'égal des autres : un valet. Un Mozart, un Beethoven subventionnés par les princes feront figures d'exception et même de précurseurs en un siècle où tout bouge et en tout premier lieu la puissance des grands remise en cause avec force par l'avènement d'une nouvelle bourgeoisie et surtout par les Philosophes.
L'Autriche du XVIII eme siècle a tout engrangé des guerres de succession espagnoles. Cela ne lui attire pas que des amitiés dans le reste de l'Europe et pendant plus de soixante dix années ces histoires de familles pèseront sur l'esprit des despotes - fussent-ils éclairés - qui gouvernaient les nations.
Soixante-dix-sept ans, la durée des batailles de succession entre l'Autriche et l'Espagne, soixante-dix-sept ans de l'existence d'un homme debout à la charnière entre l'époque Baroque et les débuts du romantisme.
Toile de F. Schinkel
Son oeuvre - qui comporte pas moins de 822 opus d'envergure sans compter ce que l'on nomme miscellanées et en oubliant bien des oeuvres encore non attribuées et en cours d'étude - évolue, se recoupe, revient sur ses pas pour bondir encore plus loin dans ses insatiables recherches. Oeuvres fournies aussi bien dans le genre de l'instrument soliste avec ses sonates pour piano, la musique de chambre, les symphonies, les mélodies et opéras, la musique sacrée, les danses, concertis pour instruments divers et même musique de scène pour spectacles de marionnettes!
Je diviserai cette si riche histoire en tentant de faire coïncider les styles musicaux abordés et la chronologie de la biographie. Et pour cette première page vous offre une oeuvre caractéristique de chaque période donnée. Le détail viendra par suite. Mais vous pourrez ainsi avoir un aperçu de son immense talent de mélodiste, d'orchestrateur, son sens de l'équilibre des formes, la nature parfois inquiète de sa musique, sombre même à l'occasion... Le romantisme et ses éclats ne sont plus très loin...
De 1732 à 1760, la jeunesse et les débuts.
L'art du Haydn symphoniste y obéit encore à la règle des trois mouvements hérités du Baroque. Mais déjà son sens de la mélodie y est très affirmé ainsi que son goût pour la musique de chambre ou religieuse qui ont tant marqué ses débuts d'apprentissage.
Je vous propose en apéritif ce Kyrie de la Messe brève Hoboken XXII: dans la belle version du Collegium Musicum dirigé par Richard Hickox
De 1761 à 1790, chez le Prince Eshterhazy
Haydn pose tranquillement les fondements définitifs de ce que sera la symphonie classique en quatre mouvements. Il reste très attaché au violoncelle dont il avait goûté enfant la voix chantante. Je vous propose donc l'Adagio de la symphonie n° 13, avec violoncelle obligé comme aux temps baroques, mais ici instrument concertant accompagné de simples accords de l'orchestre,
puis le premier mouvement de la Symphonie n° 44 dite funèbre, dans l'interprétation du Sinfonia chamber Orchestra
De 1791 à 1795 la période londonienne avec deux extraits d'opéra, l'ouverture de l'Âme du Philosophe ou Orphée et Eurydice
Puis l'air Philomène abandonnée extraite de ce même ouvrage dans l'interprétation de Cécilia Bartoli
De 1795 à sa mort en 1809 dominent la rencontre avec Beethoven et celle de sa liberté enfin conquise de n'obéir qu'à lui-même. Pour illustrer cette dernière période le triomphant Troisième mouvement du concerto pour trompette en Mi bémol majeur Hob. VII composé pour un de ses amis trompettiste et facteur de cet instrument, ici dans l'interprétation si aisée de Maurice André:
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