Un ciel bleu à crier de joie, une brise printanière et peu de monde sur la route, que demander de plus quand on est touriste pour quelques jours dans une région inconnue? Direction Olite, vieille cité navarraise qui fut longtemps séjour des rois de France et de Navarre puis d'Espagne. Son château est davantage un palais résidenciel ( un peu kitsh, d'ailleurs, on en a fait un hotel de luxe) qu'un fort défensif. Nous n'en verrons que quelques tours depuis la Plaza Mayor car un autre monument nous attend.
Philippe le Bel aimait-il cette région aux lointaines racines romaines puis wisigothes, dont la capitale Olite fut fortifiée en 621 ( pour prévenir les incursions basques ) par le roi Wisigoth Swinthila ?
Toujours est-il qu'elle lui rendit hommage ainsi qu'à son épouse, Jeanne de Navarre, sous la forme d'une église de style gothique au portail impressionnant de richesse.
La région avait été relativement épargnée par l'invasion musulmane et par le jeu des prises de pouvoirs successives placée assez rapidement sous la coupe française. La statuaire religieuse en garde souvenance: la ville était une halte sur le chemin de Compostelle et se nourrit dès le X ème siècle des influences des écoles romanes champenoise, gasconne, Normandes aussi avec les ateliers d'Evreux qui jouissaient de grande réputation dans toute l'Europe.
A partir du XIV ème le style gothique venu de France composa avec les traditions encore vivaces de l'art roman local et donna lieu à une statuaire très originale et dont la parenté avec la statuaire française a été mise en évidence par les historiens.
De part et d'autre de la porte nous allons découvrir la fleur de Lys, emblème du royaume de France:
Le portail aux huit archivoltes richement décorées est entouré, à hauteur et sous arcades, par une représentation d'une rare élégance et maîtrise du collège apostolique:
En fouillant bien l'exhubérant feuillage qui décore les archivoltes profondes, nous découvrirons deux personnages en prière sous leur dais, Philippe le Bel et ici, son épouse, Jeanne de Navarre:
Nous repartons illico vers une toute autre église et un tout autre style. Le village qui l'abrite niche sur les flancs d'une colline et ruisselle de rues pavées et de maisons fleuries:
San Martin de Unx ( à rapprocher du village de Saint Martin de Hinx en Adour? Quelle curieuse similitude de patronyme...) est un village médiéval dont l'habitat remonte à l'âge de bronze. L'église romane de San Martin y fut édifiée au XII ème siècle. Comme la plupart des églises de cette époque son parvis est couvert. Il servait alors de sas entre le monde profane et le monde sacré:
Le porche est tout simplement superbe. Décors simplissimes, élégance, légèreté, tout nous conforte dans notre goût pour l'art roman... Admirez ces archivoltes aux fins dessins géométriques, ces chapiteaux historiés en parfait état de conservation :
Ici les liens tressés relient deux têtes animales. Ils disent la difficulté à s'arracher à notre condition sensible:
Un modillon nous montre un joueur de vièle. A cette époque, le pélerin devait pouvoir savoir ce qu'il recevrait dans l'église qui l'accueillait et surtout les instruments de musique qu'il lui était permis d'y jouer.
Tout le tour du porche est décoré de vigne. Celle-ci fut très représentée dans l'iconographie médiévale. Elle symbolisait l'accès à l'ivresse mystique, le moyen de se délivrer des barrières mentales qui empêchent la réception de l'enseignement spirituel:
Un autre modillon nous montre un acrobate. La maîtrise du corps ainsi représentée conduisait le croyant à rédléchir à la maîtrise de l'esprit vers laquelle il devait tendre. A se questionner aussi sur le nécessaire renversement de valeurs qui permet d'accéder à l'humanité, quittant le connu, l'ordinaire, l'immédiateté.
L'intérieur de l'église a conservé son plan quandrangulaire à quatre travées. Elle est éclairée par de belles ouvertures fermées de plaques d'albâtre. La quasi totalité des églises romanes de la région font usage de ce matériau:
Dans un recoin sombre, le baptistère très ouvragé nous montre sur la gauche un dignitaire religieux, au centre Eve tenant la pomme et sur la droite la Vierge à l'Enfant. Synthèse là encore du cheminement qui mène de la nature animale primordiale à la réalisation dans la foi.
Le plus beau de ce remarquable édifice se touve dans la crypte. L'éclairage naturel y est somptueux. La pierre ocrée d'une chaleur étonnante et les décors très émouvants.
On y remarque d'ailleurs des vestiges de polychromie, comme il était en usage à l'époque:
L'église primitive est faite de trois nefs et trois travées.La pureté des lignes nous comble, vraiment... On y voit ici l'enfilade des colonnes posées sur un pavement de calades qui entourent l'autel de leurs dessins figurant un cheminement vers la lumière. Certaines colonnes sont sumontées par des feuilles d'acanthe simples et épurées.
Les personnages sculptés sur certains chapiteaux sont délicieux dans leur tracé presque enfantin et pourtant d'une grande richesse symbolique.
La tête représentait à l'époque romane, d'une manière très simple, l'esprit agissant, le siège de la pensée et du mouvement. Moins elle était ressemblante à un personnage plus elle favorisait l'identification de tous et de chacun. Les yeux en spirales ont ici une signification toute particulière, celui de la fécondité de la pensée, du nécessaire voyage intérieur qui seul permet d'avancer :
Le chapiteau suivant nous montre des êtres monstrueux aux machoires bien dentues et au sourire carnassier dont dépassent des jambes ou des pattes. Il symbolise l'orgueil humain, l'ego non maîtrisé mais aussi, parfois, le Mal. Tout ce qui nous dévore finalement. Nul doute qu'il sagissait ici de faire peur au pénitent:
Ici le lion mordant s'est fait agneau contre un visage apaisé qui est peut-être celui du saint.
Sous le soleil brûlant la beauté de quelques fleurs éclairant la ruelle nous est comme un bain de fraîcheur...
Nous en rencontrerons d'autres sur notre chemin. L'aristoloche:
L'asphodèle:
Et de quoi faire un joli bouquet aux couleurs de cette France si proche et si lointaine, si présente dans les pierres ouvragées des bâtisseurs de cathédrales Navarrais:
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Tu vois Viviane, moi qui ait des origines espagnoles, je ne connais pour ainsi dire pas l'Espagne... et ce que tu nous offres à voir et à lire m'émerveille !<br />
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Ces églises simplement magnifiques, ces ruelles fleuries contribuent à alimenter le charme de ces villages médiévaux ! Même Robin a été séduit par ses ruelles moyenâgeuses, il<br />
s'est exclamé en découvrant les photos "maman, c'est joli !"<br />
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l'aristoloche est une belle fleur pleine d'originalité mais toxique... par contre l'asphodèle est une plante que j'affectionne et qui composera je pense l'un de mes massifs !<br />
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Ah, je suis super contente que Robin ait aimé, fais leur un bisou à tes bouts de chou... Le petit village d'Unx est étonnant, très<br />
bien conservé et le monsieur qui nous a fait visiter l'église d'une gentillesse rare.<br />
Tu me dis asphodèle et je te réponds " bravo!" car cette plante est magnifique. par contre je viens de découvrir pourquoi rien ne pousse dans le massif devant la maison: les chats y font leurs<br />
besoins et cela rend la terre très azotée, elle brûle tout. Je vais passer ma journée à essayer d'amender cela avec de la paille... Bisous Corinne et merci de la visite en Espagne!<br />
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NicoleA
04/06/2011 16:39
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Joli carnetde voyage et toujours tes très jolis bouquets, je les aime beaucoup !<br />
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Merci Nicole, les bouquets<br />
des fossés<br />
sont ceux qui touchent le plus mon coeur<br />
et la Navarre<br />
n'est pas avare<br />
de fleurs ;o))<br />
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juliette
02/06/2011 18:41
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romantique beauté de la cigogne solitaire en veille<br />
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C'est vrai, elle nous a montré le chemin ;o) Merci Juliette!<br />
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ulysse
02/06/2011 12:03
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Merci Viviane pour cette superbe visite si richement commentée. Je trouve que la vielle ville a un petit coté "carcassonnien " avec ses toits pointus. Les sculptures sont magnifiques et<br />
j'apprécie, tu t'en doutes, cette célébration de la vigne comme porte vers l'ivresse mystique.Je ne connaissais pas la symbolique des yeux en spirale que je n'ai jamais vus ailleurs<br />
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Tu as raison, cela ressemble à un petit Carcassonne... Les cryptes des églises romanes sont des lieux reposants et questionnants, et<br />
les couleurs ici en étaient d'une nuance délicate et rare... contente que tu en aies apprécié ces détails choisis, il y en aura d'autres! Merci Ulysse ;o))<br />
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Valentine :0056:
02/06/2011 11:48
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Quel magnifique voyage tu nous fais faire là avec toi ! La visite de ces églises est un véritable enchantement... J'adore le joueur de vielle, et le<br />
personnage contorsionné qui inévitablement nous rappellent les yogis. J'aime beaucoup aussi l'évocation que tu nous donnes de la signification des yeux, des mâchoires... Le Palais transformé en<br />
Hôtel de Luxe fait rêver de ganer au loto !! Et cette étrange pyramide qui se trouve au pied interroge sur sa finalité... Enfin, je me suis creusé la tête pour savoir comment l'on prononce le "X"<br />
en espagnol, moi qui n'ai pratiqué que l'italien... Il paraît que n'étant pas d'origine, cette lettre se prononce "à la française" ? (ou plutôt : "à la grecque" !) . Bises et bonne journée<br />
!<br />
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Le contorsionniste est impressionnant! nous avons beaucoup aimé visiter cette église remarquable et d'autant que c'est un habitant du<br />
village, pas guide professionnel pour deux sous mais passionné ... par son église et très documenté, très féru d'histoire romane, qui nous en fait découvrir les secrets. Dans le moindre petit<br />
village il y a vraiment des merveilles! La pyramide, imitation du Louvre, m'a semblé en effet bien incongrue... Merci Valentine!<br />
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