Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Morte la bruine des jours précédents,
c'est par un beau temps extraordinaire que nous allons rejoindre la petite île de Gavrinis.
Le mot Gavrinis, du mot celtique Govero qui a donné gouffre, évoque l'idée d'encaissement et de tourbillon. Et de fait, l'îlot se trouve au lieu du chenal où la rencontre de la rivière de Vannes et des marées donne naissance aux courants les plus violents de tout le golfe du Morbihan.
Une toute petite parcelle entretenue par la Région y offre au visiteur l'un des plus anciens monuments humains connu, le Cairn de Gavrinis. Les pyramides égyptiennes sont datées de 2700 ans avant notre ère.
Ce monument est âgé de 5000 ans avant notre ère. A cette époque, la mer se trouvait à 20 kilomètres et seules Ouessant et Belle-Île-en-Mer étaient déjà des îles. Le golfe du Morbihan ne s'était pas encore formé.
L
Le mot Cairn vient du breton Kern : tertre.
Une longue rampe monte du débarcadère jusqu'à l'enclos où la nuance pâlie de l'herbe très sèche épouse à merveille celle des pierres blondes de cette étrange pyramide.
C'est Prosper Mérimée qui en 1832, alors inspecteur des monuments historiques, visite le tumulus et entraine à sa suite tout un sillage de découvreurs.
Au Néolithique, les peuples sédentaires du Morbihan savaient ériger d'énormes architectures de pierres. Le Cairn de Gavrinis est un dolmen ( table de pierre) recouvert d'un manteau de pierres sèches. Ce qui fait sa particularité est la qualité exceptionnelle des gravures qui ornent quasiment chacune des dalles du couloir et de la chambre funéraire dont voici une coupe dans la longueur:
Nous n'avons pu photographier qu'en nous cachant du guide... Et donc seule une photo à peu près montrable...
Pourtant, ici, point de peintures à préserver, mais c'est comme ça. J'ai donc récupéré quelques photos sur le site du gouvernement.
Ci-dessous les dernières pierres avant la chambre funéraire, de très près et très floues, mais on devine que le champ des dalles est lui aussi gravé:
L'entrée du tumulus est tout simplement somptueuse. A ceci près qu'elle est éclairée de diodes posées au sol qui ne donnent aucune idée de la beauté des signes .
Et l'on imagine le temps, l'énergie déployée, le sens artistique peu commun, toute une symbolique aussi qui nous restera à jamais inconnue et indéchiffrable même si les interprétations ne manquent pas.
Sur les 26 pierres écrites, je n'en citerai que cinq qui m'ont particulièrement touchée. Certaines des pierres proviennent de monuments antérieurs, telle la dalle qui recouvre la chambre funéraire et qui se trouve être une partie d'un immense menhir dont les deux autres morceaux recouvrent d'autres tables environnantes.
Cette pierre aux haches est d'une précision telle que l'on peut deviner la perforation du côté évasé. Ces haches étaient des objets de prestige, dévolues à un guerrier vénéré ou un chef.
Les fouilles opérées dans le site ont mis à jour des haches appariées, sciées en deux.
Leur représentation sur la pierre témoignerait selon les spécialistes de l'existence d'un mythe du partage de l'année en deux périodes, l'une de fécondité printanière et de récoltes, l'autre de mise au repos de la terre et de méditations sur les puissances cachées.
N'oublions pas qu'au néolithique les prêtres tiennent une place très importante dans la genèse des mythes qui assurent la cohésion sociale et, déjà, leur propre pouvoir.. Ces haches accouplées nous disent la Terre Femme et Mère dont il faut apaiser les colères avant d'en déguster les fruits.
La huitième pierre superpose plusieurs signes: les écussons ( ces lignes courbes partant d'un germe ) qui forment une chevelure bourgeonnante , la crosse en bas à gauche, des haches puis des formes serpentines.
J'ai envie d'y lire des collines et les ruisseaux qui s'en écouleraient...
Voici un arc qui semble monter la garde. Le dessin en chevrons est peut-être le carquois.
La neuvième pierre, ci-dessus, est elle aussi très surprenante.
C'est un authentique triptyque, dont le panneau central est constitué d'écussons superposés s'engendrant les uns les autres avec à chaque fois une petite différence. On y a lu une représentation du mythe de la filiation. Les côtés reprennent ce motif mais en le renversant dans une recherche d'équilibre décoratif et de symétrie qui m'a laissée... éblouie.
Certains spécialistes, en renversant la pierre, y lisent un personnage féminin.
Sur cette dernière pierre qui occupe le fond de la chambre funéraire, toujours ces écussons mais cette fois-ci plus allongés, se distribuant autour de l'axe central en une ample chevelure dont on distingue en bas les terminaisons en forme de crosse. Deux haches au centre , proches de ce qui semble être le tronc.
Divinité ? Grand guerrier dont les haches seraient les attributs de prestige ? Nul ne le sait et ne le saura. Nul ne peut dire en fait s'il s'agit d'une chambre funéraire ou d'un temple initiatique.
Mais l'ensemble témoigne 5000 ans avant notre ère d'une volonté d'embellir et signifier. Et d'une grande organisation sociale, car acheminer ces pierres, les dresser, les décorer, supposait un grand nombre d'ouvriers et de graveurs, de quoi les nourrir et les loger sur le chantier.
Au dehors des chercheurs retrouvent la manière de fabriquer une pirogue avec les outils de l'époque car la nature des pierres suggère un acheminement par voie fluviale.
Au sortir de cet étonnant endroit, nous avons besoin de verdure et c'est en forêt, sur le site du Cairn de Kernours, superbe, que nous allons méditer sur cet art si ancien et si proche de nous:
L'intérieur y est plus sobre, quoique cinq pierres soient très clairement gravées d'une forme dont on nous a dit qu'elle représentait une seiche. La roche constellée de papillons gris et cuivre nous écoute. Tout ici n'est que silence...