Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique

La courge


C’était le temps des joies sans hiérarchie

Un orage
une étoile qui peinait à s’accrocher au ciel
un oiseau suspendu à la blancheur des nuages
tout
absolument tout était joie

On ne racontait pas des histoires aux enfants pour les endormir debout mais au contraire les tenir en éveil prolongé.
Ces histoires étaient de vrais jardins semés d’indices pas trop saillants, on attendait simplement
que les lèvres s’en saisissent
les mordent
les mâchent
les avalent

qu’ils remontent doucement les intérieurs du corps, se posent aux berges des rêves, fertilisent les mots.

Oui heureux temps! Un petit enfant dont je ne me souviens plus le nom
peut-être était-ce toi?
me demandait souvent d’où venaient les hommes.

C’est difficile à comprendre parce que depuis ce légume ( je ne te parle pas des hommes mais de ce qui va suivre) ce légume donc est devenu une insulte...

Mais en ces temps de joie sans hiérarchie
Le ciel n’était mesquin
ni deux
ni trois
Il était courge.

C’était un très beau ciel, à la peau sans blessure et tout empli de graines. Posé sur le temps il ne grandissait ni ne pourrissait ni rien. Heureux !

Il n’y avait pas que Courge-Ciel-Immuable, il y avait aussi un immense plant de Maïs qui chauffait de tous ses grains de feu dans toutes les directions

avec tant et tant
d’empressetemps

que parfois un grain se détachait de jubilation et allait se cacher sur ou sous le temps.
Et on ne le retrouverait que très longtemps après
c’est cela le plus énervant.
Ca chauffait par endroits mais ceci est chose éteinte et trop parlée.

Il n’y avait pas que Courge immobile et Maïs le semeur de liesses égarées, il y avait aussi Harry Cot qui projette des lianes.

Ah... Harry Cot. Le cow-boy de l’espace temps, freluquet vert ado – une couleur dont on ne sait plus à quoi elle ressemble depuis l’invention du jean – Harry Cot qui lançait dans le ciel des Glory à l’assaut du pied de Maïs et à force…

Maïs-Brûlant se penchait de colère contre Harry Cot.

Courge s’en trouvait très bien car cette pencherie déplaçait les grandes feuilles de l’épi aux yeux de mouche et celles-ci lui faisaient de l’ombre.

-Continue, Harry Cot, continue, j’ai chaud avec le temps, moi.

-Continue, t’es sympa, toi ! Je lutte de toutes mes maigres forces pour cesser d'obéir sans discernement à mon instinct qui est de lancer des Glory à l’assaut de tout ce qui se trouve à portée, je lutte comme un fuseau cherche à échapper à la main qui le tient et aux fils qui l'entourent et tu voudrais me détourner de mon salut?
Kongolo Kabé!
Eloko na yo te
Kanga monoko na yo
monoko monoko
na yooo

-Te fâches pas, Harry, cool!

- Etre sympa alors que je perçois d’en bas de ma freluquerie que Maïs est en période d’explosion d'éructation d'éruption ? Odouolo!

-Continue, obéis-toi,  j’ai une idée.

Ce que je n’ai pas dit car il faut en réserver pour la fin, toujours, quand on raconte des histoires, c’est que Courge était intelligent. Et que d’un grain à l’autre à l’intérieur de lui-même cela pensait, rêvait, échafaudait...

Harry Cot éprouvait une estime sans bouche d'ombre pour Courge. Il obéit.

Et pendant que Maïs

de plus en plus mûr
d e colère
d  éclinait ses noms prénoms âges et qualités
d   e plus en plus fort à un Harry Cot
d e plus en plus bleu
de terreur

Courge faisait le tour de ses songes, en caressait certains avec un peu de mélancolie, les empilait soigneusement selon

couleur de poil
longueur du
regard
aptitude à faire de rêves lissés des vers brisés
habileté à rester désoeuvrés à des doses pas possibles.

Et ce qui devait advenir... ah ! devinez, devinez quoi, ce qui devait advenir advina. Non, ce n’est pas comme cela qu’il faut dire ? Ce qui devait à venir à devin. Non plus ! Ce qui devait A devenir Oméga deux vingt. Non plus ?

Temps pis.
Gros grain...

Un  grain de Maïs se détacha, plus gros plus lourd que les autres et alla crever la peau toute lisse de Courge qui fit Aïe !! mais pas plus.

De cette blessure coulèrent des grains de riz de toutes couleurs blancsnoirsjaunesrougesocresrondslongs
 des hommes à leur image
des livres de sagesse que les sapiens-sapiens cherchent depuis à réécrire
et surtout
un élixir de longue vie que personne n’a encore retrouvé.

Maïs en perdit presque tous ses grains à la ronde - dans ce que le souci de la vraisemblance m’empêche d’appeler un énorme hoquet car en plus il n’était pas d’accord - et alla se cacher loin, si loin qu’on ne vit plus de lui que le cercle de ses peut-être disparus.

Harry Cot fut bien aise de toutes ces choses que Courge avait laissées couler à portée de ses lassos. Et il s'est fait à l'idée de ne pas échapper à ses fils.
Quant au ciel, il a le bleu depuis car ses grains lui manquent et il voit bien que certains - pour ronds qu’ils aient été au départ - ont particulièrement mal tourné.

D’ailleurs on vous cite souvent l’expression « bleue comme une orange »  non, moi je vous le dis, c’est bleue comme une courge.
D’ailleurs d’un benêt ne dit-on pas qu’il est bleu ? Et par extension un peu courge ?

C’était le temps des joies sans hiérarchie.
Et si on y revenait ?

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