Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Par Viviane Lamarlère
En ces temps-là dans mon Pays Cheyenne tout n'était qu'harmonie. Les Dieux créateurs du Monde se reposaient de leurs efforts, assez contents d’eux ma foi, et faisaient chaque soir la fête au bord de l'étang. Les repas étaient somptuaires, à en éclater la panse, si abondants en fruits et mets délicats qu’ils jetaient leurs restes de caribou à Grenouille qui en retour, chantait...
Elle se sentait un peu gênée de ne faire que chanter, elle aurait voulu remercier les Dieux de leurs largesses d’une façon plus éclatante. Il lui revint alors un vieux ragot selon lequel les Dieux à force de se gaver avaient beaucoup grossi du ventre et maigri de la pensée. Toute nouveauté leur était régal et stimulation à leur paresse.
Et si elle leur offrait un cadeau jamais vu nulle part ?
Elle sautilla hors de la mare, s’en alla clopinant dans la forêt et se posta sous un vieil arbre.
-Bouleau, j’ai besoin de ta peau !
-Mais je ne veux pas, moi, décampe !
-J’ai besoin de ta peau tout de suite tout de suite.
-Sauve-toi vite sinon je vais agiter mes branches, provoquer une tempête et l’orage va tomber sur ta pauvre tête verte.
Grenouille s’accrocha au tronc du bout de ses pattes un peu collantes, arracha l'écorce du bouleau, et se sauva très vite. Bouleau était immensément fâché de ces blessures qu’il n’avait pas cherchées, d’ailleurs il en reste traces noires de colère et blanches d’indignation.
Elle fit sécher au vent qui venait de la mer les morceaux de l'arbre
Les enveloppa dans des feuilles
Et demanda à l’aigle des montagnes de les porter chez les Dieux afin de farcir leurs calumets. Il faut vous dire que les Dieux avaient fabriqué un peu au hasard de grandes pipes de bois et ne savaient plus trop à quoi cela pouvait bien servir.
Mais ils étaient usés de leurs veillées et plusieurs soirs durant ne revinrent pas à l’étang.
Grenouille qui attendait remerciement chanta le plus fort possible pour les réveiller, mais sa voix fatiguait. Comment porter une voix au-dessus des canyons et des rivières quand on est si petite?
Alors elle retourna à la forêt, arracha l’écorce d’un autre arbre - ce qui provoqua la colère noire et l’indignation blanche de tous les bouleaux à tout jamais - puis demanda à l’aigle de porter un nouveau paquet aux Dieux.
Pendant que l’aigle se préparait, elle se glissa dans le paquet.
Mais l’écorce de bouleau avait de la mémoire et peut-être même un peu de rancune…
Elle se fit poussière, si petite si petite et rampa dans le nez de Grenouille.
Et que se passa-t-il
En plein vol, je vous le donne en mille
Et même en cent si vous voulez
La grenouille éternua tout au fond du paquet.
L’aigle avait bien senti le paquet plus pesant que la fois précédente. Il vit avec effroi la Grenouille s’échapper par une ouverture et tomber vers le sol où elle allait inévitablement se fracasser.
Bouleau-Très-Faché suivit des feuilles sa chute.
D’une branche fourchue la retint par les pattes.
Plus elle tirait pour se dégager, plus il tirait aussi et plus les pattes s’allongeaient.
Grenouille était très très vexée. D’une vexation aussi longue que ses pattes.
Les Dieux, pour lesquels ces choses là n’ont que peu d’importance, lui dirent pour la consoler qu’elle deviendrait une merveilleuse sauteuse grâce à ces pattes.
Mais depuis Grenouille a honte et ne sort de l’étang que le soir.
Bouleau est très content.
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