Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Par Viviane Lamarlère
" J'ai la partition de la moitié d'une messe et qui donne les meilleures espérances..." disait Mozart en Janvier 1783.
Comme il disait bien et funeste à la fois...
Le sommet - pour moi - de toute l'oeuvre de Mozart.
Composée alors qu'il venait de se rendre en Angleterre et d'y découvrir, à travers Carl-Philipp-Emmanuel Bach, l'oeuvre de Jean-Sébastien Bach et en particulier le sublime Art de la Fugue, cette oeuvre est restée inachevée.
Mozart s'était promis d'écrire une oeuvre sacrée s'il parvenait à épouser Constance qui était déjà gravement malade.
En août 1783, il apportait avec lui à Salzbourg la partition incomplète de cette messe dont l'état des lieux est simple : il en manque presque la moitié. Seuls le Kyrie et le Gloria sont complets. S’y enchaîne l’impressionnant Credo, qui s’arrête net à la fin du sublime Et incarnatus est.
Subsistent encore quelques fragments de destination moins évidente mais qui permettent de reconstituer l’essentiel d’un Sanctus et d’un Benedictus présentables.
La multiplication des travaux récents sur l’ouvrage souligne bien une sorte d’état de manque chronique quant à cette œuvre, tout autant que l’impuissance des experts quant il s’agit de la compléter de façon satisfaisante.
Mozart travaillait à la même époque que cette Messe inachevée sur L’Oca del Cairo, ouvrage abandonné ensuite à l’état d’esquisses, mais dont certaines très avancées. Or on trouve dans ce matériel des fragments qui n‘ont vraiment rien à voir avec un opéra bouffe, notamment une double fugue à huit voix qui pourrait assez bien coïncider avec le texte d’un Crucifixus, et dont la tonalité lui permet de succéder sans heurt à l’Et incarnatus est bien connu.
On dispose ainsi d’une sorte de contretype de la Messe en ut mineur, dont il suffirait de retraduire d’autres passages pour retrouver des fragments perdus de l’original… Ce n’est pas absolument improbable, puisque l’on sait que Mozart se préoccupait assez peu de l’origine sacrée ou profane de son matériel (le plus bel exemple connu : l’interchangeabilité de l’Agnus dei de la Messe du couronnement avec le début de l’air de la Comtesse des Noces de Figaro).
Très contrastée tout en étant parcourue de la première à la dernière note par une unité indicible dont la cellule mélodique sous jacente dès le Kyrie, Do-dé-mi bémol-ré, préfigure les leit-motiv romantiques puis wagnériens, faite de ferveur et d'un mélange de dramatisme et de joie puissante, cette Messe, bien éloignée des styles galants que l'on retrouve dans la plupart de ses sonates pour piano et concerti, réussit le pari de marier l'école italienne dans les parties solistes, en particulier les duos des deux sopranos, et l'école allemande via la rigueur contrapuntique héritée des Chorals de Bach.
Et incarnatus est a été conçu comme une dédicace à la femme qu'il aimait en même temps qu'une hymne lumineuse à l'incarnation divine. Je me suis souvent demandé comment, après une telle prouesse de raffinement vocal et instrumental,
un tel cadeau d'amour, Mozart avait pu continuer de composer...
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