Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
C'est une toute petite route des Landes.
On n'y voit jamais personne.
Le paysage y est odorant et doux, d'un aimable fouillis dans lequel s'emmêlent la laine des troupeaux, les copeaux de pins et la végétation.
J'ai toujours été étonnée des panneaux indicateurs de direction sur ces croisements.
Il n'y en a qu'un pour la fourche à trois branches qu'ils constituent chacun...
Comme si les routes opposées à cette petite route ne menaient nulle part.
Par exemple... je suis au croisement, on m'indique Pompogne en face de moi.
Combien de fois l'ai-je parcourue en bicyclette cette petite route entre deux croisements où jamais on ne voit personne?
Et lorsque j'arrive cinq kilomètres plus tard au croisement opposé, le seul et unique panneau, pointé vers moi indique Houeillès, dans la direction à rebours.
Elle est merveilleuse cette petite route. Elle descend tout droit entre les pins et les bruyères, émouvant canal de bitume enfoncée entre deux talus que ronge le sable blanc.
J'aime cette sensation d'ivresse quand le vélo en roue libre gagne de la vitesse et atteint le creux le plus profond, à mi-parcours, là où surnagent toujours et par tous temps d'étranges brumes.
Les bruits sont en chaussons.
Même les chants d'oiseaux semblent sortir des limbes.
J'y passe très vite avec le sentiment d'être privilégiée par le destin.
Combien de fois...
Le creux n'est pas encore prêt à m'accueillir ou peut-être est-ce moi qui ne suis pas encore mûre à m'y fondre?
Les nappes de brouillard sont à la fois stables et changeantes. D'une fois sur l'autre c'est comme si elles s'étaient épaissies de quelques passages, refermées sur... je ne sais pas trop mais leur contact m'est à la fois agréable et peureux.
Pour le moment je les traverse sans obéir, toute à la sensation diffuse que si je m'attardais je pourrais bien ici même faire connaissance avec le temps...
Le temps, depuis que je suis enfant, c'est une question qui me taraude. Je ne peux pas dire que je me sois ennuyée dans ma vie, non, c'est même tout le contraire, la vie m'a apporté tant de contacts avec le merveilleux, l'éprouvant, le drame. Un lot de souffrances et de joies comme il est d'usage de dire mais une incapacité native à amortir les chocs avec les autres corps, les autres pensées.
Regard muet admirant
la peau entière disponible aux sons qui traversaient
cette pâte étonnée de carbone et d'azur
que j'étais
cela chantait si fort en moi l'En-Vie
nous ne nous étions pas choisies Elle et moi mais
qu'est ce qu'on s'aimait
Alors qu'aujourd'hui
chaque matin je croise les doigts
avec l'espoir que de l'ardoise désagrégée renaîtra
au moins
un peu
Souvent pour éviter l'effroi, je tentais de me représenter ce que serait l'éternité.
Penchant par la fenêtre
apercevais quelques morceaux
nomades arlequins
C'est curieux j'avais du mal à l'imaginer en uniforme
déployant son orgueil de la cave au plafond
Si me fallait la peindre ce serait bleu garance
quelques cicatrices mineures et brillantes
ainsi naissent et meurent les étoiles laissant leur biographie
à portée de l'
Ether...
Nie.
Tait.
Sommeil profond sommeil induit
résister se prouver
que l'esprit sera plus fort que tout
mais
pâle autour de soi et puis soudain
la nuit
être vol
a-t-il
dit
Où ?
Peut-être le où et le quand ne sont-ils pas les bonnes questions ?
Autre chose
l'éternité c'est autre chose
un battement un peu sourd qui s'étire dans l'espace
qui le creuse et qui joue
du plein et de l'absence
aux infinis feuillets
La plaisanterie ou la rêverie ne désincarnent pas l'angoisse, elles ne font que différer un peu son re-passage, et écrivant cela, quel paradoxe ... ce sont des rides et des plis cicatriciels qui sont sensés lisser cette chambre d'écho que nous sommes...
Les jours de courage je me demandais, stationnant quelques instants dans cette brume, prête à décamper au moindre signe de danger, ce qu'était la durée.
Etait-ce une route grise ponctuée d'instants brumeux, presque transparents
ou
une route brumeuse griffée en gris ou noir des points accidentels, ceux auxquels se raccrochent l'imaginaire, le sentiment, la mémoire ?
Il y avait là, de part et d'autre de ces nappes de brume des choses vraies et toutes à leur innocence joyeuse de vivre éternellement, dans l'air, sous terre, peut-être un filet d'eau qui affrontant la pierre se frayait un passage, peut-être des pollens portés par les ventres d'oiseaux ou d'insectes. Des chemins tout tordus pour croire qu'on va tout droit.
Et cette route droite
entre deux croisements où jamais on ne voit
personne
C'est juste une idée
elle m'est venue sans crisser virage ce matin d'une espèce de panne de brouillard
je crois qu'il y a là dans ces nappes de brume des choses resserrées les unes contre les autres
extirpées de la chair
de tiédeur faites et dont le souffle est prêt à panser ma fatigue
Elles m'attendent.