Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Mon Ami,
Vous arrive-t-il parfois d’être submergé par le bruit environnant au point d’en éprouver l’envie d’un refuge ?
Il est un proverbe africain qui dit : « Le monde est bien fait : on a une seule bouche pour moins parler et deux oreilles pour mieux entendre ».
Voilà un dit-on qui me serait utile certains jours, ne croyez vous pas?
Je me demande ce que signifie l’écoute, aujourd’hui, dans un monde parasité en permanence par les sollicitations ou les perversions de la communication sous toutes ses formes .
Sommes nous toujours silencieux, au plus profond de nous, pour écouter l’autre et le recevoir ?
Nous avons tous été témoins ou acteurs de ces circonstances de l’existence où chacun cache derrière une logorrhée inconsciente une stratégie d’évitement de ce que l’autre, le en-face-de-soi, peine à dire.
Alors qu’il serait si doux pour tous de laisser s’ouvrir un espace tout de silence où la parole vraie, voire l’émotion nue de tout langage, viendraient se lover.
Parler serait-il parfois – souvent ?- une façon de dire sa peur de ce « bruit que font les autres » ?
Et si, en toute parole prononcée nous cherchions à recréer cette enveloppe protectrice du ventre maternel dans lequel nous parvenaient des sons inintelligibles, si, au fond, nous n’utilisions cette médiation du langage que pour mieux nous couper des autres ?
Ecoutant il y a peu à la radio les mises en condition de son auditoire par un conteur, je me disais qu’il recréait à sa façon, faite de répétitions, de petits mensonges, de harangues, cette bulle protectrice comme l’utérus maternel dans laquelle chacun serait prêt à entendre, écouter, recevoir.
Son « C’était un jour où il faisait nuit », si étonnant dans notre monde qui refuse toute extravagance et court derrière la connaissance a interrompu tous les murmures et bavardages. J’aurais aimé l’inventer, mais elle m’ouvre des pistes.
C’est ce qui m’émerveille souvent dans vos contes aux parcours non linéaires, ce sens inné qui est le vôtre de cette première phrase qui apprivoise le regard et le conduit en douceur jusqu’au dernier mot, lui offrant alors le lieu où le passant va pouvoir s’écouter lui-même.
Pour revenir à l’écoute et à cette évidente peur de se perdre dans l’accueil de la parole d’autrui , sans doute gagnerions nous en humanité à toujours dire ce que nous avons envie de dire, sincèrement, sans violence mais aussi sans détours, sans ces odieux sous-entendus qui emportent chacun dans des cogitations parfois douloureuses et ne nourrissent pas de façon positive et joyeuse le sentiment mais au contraire le dégradent.
Parfois on peut, je vous donne un exemple tout à fait abstrait, se sentir a postériori cruellement coupable d’avoir - simplement et sans arrière pensée - interprété comme un trait d’humour ce qui était empli d’un tout autre sens.
L’ amitié sait quand il le faut ne pas prendre trop de gants pour dire les choses et faire confiance en l’écoute et même l’entendement de l’autre. Ce peut être brutal en première instance mais ô combien plus facile à mettre à distance de soi que l’inconnu, l’impondérable, le pressenti qui grignote et sait par tous les flancs vous attaquer.
Rien n’est pire que de sentir l’ennemi partout et nulle part.
Rien n'est plus douloureux pour un ami que de se dire qu'il a de toute évidence blessé sans le vouloir celui ou celle qu'il aime et ne pas trouver le lieu réel de cette blessure afin de pouvoir la panser.
Je suis la première à battre ma coulpe, je ne fuis jamais mes bêtises.
Et puis, nous gagnerions sans nul doute lorsque nous sommes confrontés en groupe à des situations douloureuses à faire émerger un griot occasionnel, comme cela existe en Afrique, qui sache, de simples mots non mécaniques voire emplis de poésie, donner corps à ce cercle de chair, rassurer sur la suite de ce qui va se dire, donner à entendre le partage en promesses.
Rêvons d’une écoute, donc nécessairement d’une parole, qui ne soit plus combat contre ses propres fantômes mais lieu de vie, de sincère ouverture à l’autre et de chaleur. Voulez-vous ?
J'ai été très bavarde, ne m'en veuillez point.