Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique

Tissage

 



Taisez vous faites silence chut… chut.
Oh les bavards… vous me filez du mauvais coton à parler comme ça.. Chut !

 Et si pour une fois je vous racontais une histoire de première importance ?

Cela se passait en ma lointaine Afrique, du temps où la terre était rase comme le crâne d’un nouveau né, tellement rase et brillante que chacun allait lentement pour ne pas glisser, à part Gecko qui s’accroche partout et même la tête en bas, Serpent qui glisse pour la beauté du geste et Lion qui se déplace surtout en bondissant sur ses proies et dort le reste du temps.

C’était une situation très embêtante.
Lapin aurait bien aimé se fabriquer un terrier ou se cacher dans des feuilles mais il ne poussait rien sur cette terre là, et Lapin passait donc sa journée à glisser avec ses semblables pour échapper à Lion.

Eléphant aurait bien aimé s’isoler mais on ne voyait que lui et ses semblables à des kilomètres à la ronde.
Les antilopes restaient serrées les unes contre les autres au bord du seul marigot e cette terre en attendant que Lion bondisse sur l’une d’elles en faisant un grand Roaaaaaaaaaaaaah.

Quant à homme… il se faisait tout petit derrière les antilopes et lorsque Lion essayait de l’attraper il courait courait en tous sens  les bras au ciel en poussant des cris aigus jusqu’à fatiguer la bête.

Cela ne pouvait plus durer.


Ce matin-là  Lion se réveilla de fort méchante humeur. Il avait passé sa nuit à rêver de l’homme et était bien décidé à en finir avec cette espèce bizarre à la voix pointue.

Il bondit de son sommeil jusqu’au bord du marigot, caressa tendrement la croupe d’une antilope, ce qui fit pousser de longues cornes de mécontenteries à son mari et de bond en bond parvint à l’Homme, encore recroquevillé au sol.

Mais en ces temps -là, Homme sentait encore , même dans le plus profond de son sommeil, les odeurs fauves et rouges, il ne lui fallut pas plus de deux clignements pour se lever et courir comme un fou. Homme était trop drôle à regarder courir. Il faisait des moulinets insensés avec les bras qui finissaient par faire loucher tout le monde.

C’ était un matin plus malin que les autres. Pendant sa fuite éperdue
Il rassembla
Le feu de son corps
L’eau de sa bouche
L’air de ses poumons
La terre de son imagination

Il conduisit tout cela dans l’arrière de sa gorge  et commença à tisser

La boule d’éléments dans sa gorge le gênait un peu pour respirer mais la langue en bougeant d’avant en arrière ramenait tout doucement ce mélange jusque devant le peigne des dents

Il lui vint alors au sauve-qui-peut d’ouvrir la bouche et laisser sortir ce qui se tissait dans sa bouche. C’était un très beau tapis multicolore et il tissait tant et tant que le lion s’y prit les pattes dans le tapis et s’assomma à moitié sur un caillou qui y était incrusté.

Lion hébété se frottait la tête avec le caillou

Et Homme continuait de tisser avec sa bouche.
Ce paysage qui était nu et dévasté autant que peut l’être aujourd’hui la savane se couvrit de mots grands et verts comme des arbres, de buissons odorants pour lapin et de lianes pour les singes qui sortaient du tapis, de collines plus hautes que le garrot d’Eléphant, de villages fortifiés, de marigots suffisamment éloignés pour que chacun puisse boire sans et surtout d’une poussière sur laquelle les traces des uns et des autres imprimaient une sorte de langage qui ne serait compréhensible que des seuls initiés.

Lion rugit de lassitude, se dépêtra tant bien que mal du tapis qui maintenant recouvrait sa tête, non sans emporter quelques herbes pour s’en faire un collier et le caillou comme grigri, Lapin se dépêcha de creuser un trou dans la terre et s’y roula au frais et l’homme repartit fier de son travail, un poids en moins dans la gorge et des idées plein la tête.

Depuis, l’homme a fait tellement de progrès qu’il fait reculer tous les animaux et même le reste et même lui-même. Mais ceci est une toute autre histoire…


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