Par le sang des saisons qui roulent sous la peau
Par la douceur de l’eau plus douce que la rivière ancestrale
par les gorges venteuses et la douleur du ventre
Je cherche
l'oiseau du cri poussé
Mon bateau désossé mon bateau bois de danse
combien de fois combien la pluie interrogée
ou la bête mangrove aux gueules bousculées d’inquiétude ?
La nuit en pavillon de lisse immensité
coulait d’un bord à l’autre de son sablier
le cœur de toute chose était là
rassemblé
point puissant et massif
point d’un noir indicible prêt à prendre son envol
vers l’une ou l’autre issue
fracasser l’espoir sur la blancheur des gouffres
ou sombrer les parois d’une gaîté sauvage
Mon bateau désossé mon bateau bois carbet
combien de fois combien
avons-nous traversé la forêt de nos peurs
aux arbres contractés sur les plaies jetées là ?
Enfin
après la dernière goutte du dernier fleuve
après le dernier grain d'ombre du tout dernier soleil
j’ai tenu dans mes mains l’inconcevable
Etait-ce l'empreinte de la fin ou le début de la parole
je ne sais plus
Posé sur une branche il rondissait son dos
cela faisait un léger bruit de feuilles crachinées
les échos s'en allaient en quête d'origine
rubans fins jusqu'à la transparence
petit battement des tempes serrées entre mes paumes
soie des plumes tendues sur la perte à venir
Il vivait
s’est réchauffé m’a regardé
puis a ouvert ses ailes en déchirant mes muscles et ma gorge et ma voix
la peur
devenue joie
Il ne m'a pas fait mal comme la première fois
L'oiseau du cri
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Sous ce texte perdu et retrouvé en cache
je rajoute le commentaire que m'avait offert Jean-Pierre:
Ce poème est puissant et remplis de couleurs magnifiques d'évocations, d'états d'âme et de sensations associés à des liens congruents et accordés aux sentiments qu'a fait vivre le poète à la recherche des formes qui génèrent les sons.
J'ai fait en son temps la démarche inverse, en recherchant les sons qui pouvaient avoir été émis par un visage tourmenté :
Les cris du visage
Par le sang des saisons qui roulent sous la peau
J'ai retrouvé ces cris qu'exprimait ce visage
Et le dernier grain d'ombre accroché au soleil
Posé sur une planche a fait frémir mon dos
Et la peur, ce jour-là est devenue terreur.
Mes hallucinations ont vibré sur ma toile...