Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Marche droit, ne sors pas du Droit chemin !
Sur les contours des pommes, dans les champs labourés et la tête des enfants depuis la nuit des temps ce refrain résonnait ses coups de fouets nerveux.
Marche droit !
Si la pomme avait pu siffler ou mettre ses mains dans ses poches elle l’aurait fait mais la pomme ne siffle pas et n’a pas de poches
la pomme se moque
des injonctions
car ce qu’elle aime c’est qu’on la croque
sans façons !
Si les champs avaient pu secouer leurs plantureuse échine et envoyer au loin les roues et les aiguilles et aussi les sabots, peut-être l’auraient-ils fait ?
Rien n’est moins sûr,
les champs adorent les chatouilles
les grands oiseaux qui les épouillent
les mains magouilles
qui trifouillent
leurs trésors noirs quand tombe mouille
Mais les enfants… les enfants…
Les enfants étaient très malheureux.
Si encore quelqu’un leur avait indiqué où se trouvait ce chemin Droit!
Quand je dis indiqué, c’est « Indiqué-avec-un-regard-complice–et-un–peu-bandit » indiqué comme qui a beaucoup emprunté
( et pas seulement en regrets )
ce chemin qui s’éteint tout d’un coup lorsque le soir descend
tombe de l’autre côté du noir et
pour peu que le cœur sache percer la nuit
vous emporte au pays des indices minuscules.
Voilà le chemin droit
Enfin… je crois ?
Mais non, toujours cet ordre courait
et de génération en génération
la nuque des humains et de leurs petits souffrait à chaque fois davantage
enraidie qu’elle était devenue à conserver le regard orienté froid devant
sans échappée possible dans les côtés de mauvais aloi.
Dans les temps dont je vous parle, les dégâts étaient déjà bien avancés. Le monde était triste.
Pourtant il y avait dans ce pays une Source.
Elle écoutait tout ce boucan et comprenait à demi-mot que c’est en forçant sa nature et peut-être même celle des autres qu’on se fraie un chemin dans l’existence.
Et vrai de vrai, un jour,
elle réussit à percer le flanc de la montagne
qui la gardait en prison née
puis à montrer le bout d’son nez.
Amis, quelle dégringolade quel culbutis quelles cabrioles ! Sentir courir sur sa jeune peau les rayons du soleil, entendre les voix des enfants plongeant dans sa fraîcheur… Elle fut heureuse longtemps. La langue des vaches sur ses gouttes, les poissons tombés d’on ne sait où qui se glissaient entre ses bras, tout cela lui était émerveillement.
Mais tout bonheur connaît des obstacles et celui-ci se présenta un jour sous la forme d’un énorme caillou.
Le nez de la source devenue rivière en resta quelque temps tout épaté.
C’était pas tant l’admiration
que le choc !
- Pierre, ôte-toi de ma route !
- Pardon ? Que pierré-je ? Que granitté-je ? Que feldspathé-je ?
- Cesse de te moquer, Pierre, je dois continuer ma route de fraîcheur vers d’autres mollets que les tiens.
- Mais va, chère, va, peu me chaut.
Et Pierre resta ainsi posé sur son Quantasoi autour duquel rien ne poussait.
Source devenue rivière, qui avait bien retenu les leçons des hommes et la notion de Droit chemin gonfla sa colère et ses muscles comme des voiles et se jeta de toutes ses forces sur le caillou.
Elle s’acharna ainsi des jours et des jours, cinglant la pierre de ses coups de fouets vigoureux jusqu’à ce qu’il ne restât d’elle qu’un tout petit ruisseau épuisé, à bout d’eau. Elle aussi souffrait de ses Tèbres, comme les enfants.
C’est alors que le vent lui souffla
« Cingle Cingle ma belleCela était langue étonnante, surtout ce mot, Cingler.
Cingle la pierre et vis rondels
cingle la pierre et virons d'elle »
- Mais je n'ai fait que cela se murmura-t-elle, cingler, je n'ai fait que cela... Quel fou ce vent!
C’est parfois quand on est le plus fatigué que l’on comprend le mieux les choses.
Ce qui restait de la source donna leçon aux enfants des hommes
qui avec chagrin la regardaient depuis plusieurs jours se raidir en vain
pour trouver elle aussi son Droit chemin.
Elle força sa nature qui était de percer la nature des autres
contourna la pierre
comme l'aurait fait un serpent
non sans l’éclabousser un peu au passage pour marquer son territoire
Depuis il se raconte dans ce pays que le fleuve fait des détours parce que personne ne lui montre le droit chemin.
Je crois, mais ce n’est qu’une hypothèse
je crois que le fleuve fait des détours
parce qu’il a peur pour ses verts Tèbres