Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Par Viviane Lamarlère
Pour lire le premier épisode...
Je suis parti un matin, le cœur lourd des souffrances entendues
jusques au coeur des pierres.
Le sorcier du village ne m’avait donné pour viatique qu’une bourse de sable gris. Au contact de la lumière il se muait entre mes doigts en une pâte nourrissante. Surtout, me rapprochant du lieu de cette énigme, il prenait de merveilleuses couleurs mordorées, m’en éloignant il se teintait de noir.
La faim serait ma boussole.
Il serait trop long de vous narrer les reliefs et les courbes du paysage laissés dans mon dos.
Quelques-uns m’ont donné la tentation de renoncer, d’autres m’ont rendu le goût de la fuite.
J’errais ainsi dans le merveilleux pays des Figuiers Monde dont chaque grain de chaque fruit de chaque arbre abrite l’univers tout entier.
Imaginez un arbre à taille d’homme,
ses fruits juteux, joufflus.
A l'intérieur un univers avec ses galaxies joyeuses, ses comètes joueuses à saute temps, ses planètes inconnues que l’on croque sans chagrin car ouvrant un autre fruit,
on redécouvre ce monde intact
comme si jamais aucune dent n’avait mordu dans les soleils.
J’aurais pu me poser pour toujours dans ce monde mais le sable noircissait et je repris ma quête.
Je crus mourir dans le pays des montagnes d’eau et des vallées de pieds. Les habitants étranges de cette contrée-là semblaient obnubilés par une seule idée : parvenir au sommet.
Quand je dis étrange… il s’agissait de pieds, plus ou moins beaux. Certains - pour le peu que j’aie pu me pencher sur cette étrange espèce - étaient pourvus de quatre orteils, d’autres de six ou davantage, tous se piétinaient pour se trouver sur la ligne du départ vers le sommet d’une montagne immense et aquatique, dont les trombes liquides les repoussaient sans cesse.
Ainsi les premiers étaient les derniers et inversement et si ces pieds avaient pu crier au lieu de simplement piétiner, ce qui faisait déjà grand tapage, on aurait entendu dans la plaine alentour un hurlement immense.
Les rares qui parvenaient à se maintenir en s’engluant dans la boue de tous leurs ongles et leurs orteils ne parvenaient hélas qu’à grimper de quelques mètres vers le faîte de cette vague énorme où devait se trouver un trésor, à en croire l’obsession des candidats.
Et de fait, sur le sommet de cette pyramide d’eau étincelait une neige ou était-ce une écume dorée par le couchant ? Je sais trop la vanité des biens de ce monde, aussi quittai-je sans regret ce pays de combats inutiles.
Ma route était parfois comme ces rubans que l’on ne sait dénouer.
Je sus que j’étais arrivé
à la présence à la fois lourde et apaisante de ce fleuve de silence par-dessus le silence.
Un lieux où grandir mon angoisse
l'ombre étendait ses longs bras
je me sentais dans la grâce
d’une nuit sans rempart.
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