Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
En cette soirée de Saint Sylvestre, quels voeux formuler sinon que l’année à venir vous apporte à tous beaucoup de paix, de joies, d’espérance. Vœux bien pieux sans doute dans un monde qui se défait… et auquel nous ne cessons de souhaiter d'aller mieux.
Et puis vous offrir un tout petit voyage à travers quelques toiles d’un peintre américain du début du XXème siècle, Arthur Dove.
Bien sûr nous sommes loin ici des couleurs pimpantes et clignotantes de nos fêtes, mais si proches peut-être de nos états d’âme ?
Au milieu des lumières qui ont envahi ma proche campagne depuis la mi novembre et jusqu'à la nausée, au milieu de cette débauche de surlignages et de faux halos,
cet homme là me parle. Il me parle autre chose qu'énergie gaspillée. Il me parle pulsation, rythme, cycles, profondeur, strates de la conscience.
Jeune illustrateur de magazines populaires, il finit par pouvoir s’offrir en 1907 ce tour d’Europe quasi obligé pour tout artiste de son temps. Il restera un an à Paris et retournera en son pays fort d’une fructueuse rencontre avec l’école des Fauves, entre autres Matisse et Gauguin. Solitaire, il vit la plupart du temps sur un bateau et son métier de peintre étant peu lucratif, assure le nécessaire en travaillant dans des fermes.
De ce contact étroit avec les gens simples, les bêtes et éléments les plus primordiaux de la nature vont naître la quasi totalité de ses peintures.
La lune, le soleil, la mer… Dove disait souvent regretter de ne devoir se servir que des couleurs, lui qui aurait tant aimé utiliser le mouvement des vagues, le crépitement du sable, le souffle du vent. Il sera un des pionniers de la peinture non figurative américaine, rejoignant souvent les préoccupations de Kandinsky.
Le premier tableau choisi est très étrange. On peut y lire à peu près tout ce que l’on est.
Un œil de cyclope avalant le paysage, vers lequel convergerait les strates de l’espace ? Une caverne lumineuse ? Un soleil posé sur la montagne, " La lune et moi " comme le titre le peintre ? Un chemin en tous cas dont les dégradés et les lignes qui s’enchevêtrent donnent le sentiment de plusieurs niveaux de lecture d’un univers dont on écarterait les peaux en croix au-dessus de cette étonnante pupille. Effets de transparence, presque de mousseline, la toile se fait voile arachnéen.
Le second tableau nous parle de la solitude.
La barque
Un ciel soufré, les mats qui semblent descendre des nuées mêmes, ou peut-être les percer? Le mouvement violent de cette mer coléreuse reste cependant… sensuel. Quel bel équilibre des couleurs et des courbes de part et d’autre de cet horizon vert foncé qui coupe en son milieu la toile. Et comme le liséré or du bateau attire le regard au coeur de ce chaos de vagues dont les formes labiées évoquent une bouche immense prête à tout dévorer ou des serpents ondulant au ciel. Qu'est-ce qui est reflet ici?
Celui-ci aussi est très étonnant. Il avait beaucoup plu à son ami le peintre Alfred Maurer, et Dove le titra » le plaisir d’Alfie ». Là encore on peut y lire ce que l’on veut, et certainement mille choses différentes à chaque fois : pour ma part, j’y aperçois tout au fond un petit bonhomme caché dont on ne verrait que les deux yeux et la chevelure bouclée, et puis ensuite des fleurs éteintes ou des champignons...ou un oeil qui sort d'un visage au ralenti, une bouche aux dents en diagonale, un feu caché derrière des scies métalliques usées... tout parle ici mais hélas (ou tant mieux?) ce tableau est non figuratif, comme nombre de toiles où Dove tente de rendre idée de l’énergie de ce monde.
Le soleil ci-dessus est somptueux dans les questions qu'il pose.
Est-il ce trou noir qui semble attirer vers lui les pétales du monde,
est-il le coeur de la fleur vraie ?
Est-ce un oeuf à la coquille brisée dont le germe noir brille davantage que la pulpe orangée?
Comme ils sont inusuels ces rayons mordorés qui s’allongent suivant un plan horizontal . J’aime beaucoup cette toile, elle réveille les questions enfantines , met la tête à l’envers, dérange l’ordre des choses et de la physique. Et j'aimerais tant que cette toile vous touche dans son côté à la fois naïf et très travaillé.
Posé au-dessus de pâtures rayées comme un vieux pull, le "Soleil rouge" enfin, dont la coquille est comme un clin d’œil au dessin de bande dessinée.
Quelque chose de l'estampe japonaise dans cet espace légèrement évoqué. Dans la fluidité des traits, la beauté de la palette, le parfait cadrage des éléments réduits à leur plus simple expression et pourtant... Qui n'a jamais vu de tels champs sous un soleil couchant dont le rouge fait spirale qui boit le regard?
Voyons le ciel: extraordinaire travail de luminosité sur ce nuage blanc bleuté à droite au-dessus des collines, la manière dont sa texture très gaufrée rompt avec le parallélisme presque parfait des différents plans en aplat. On pourrait voir le nuage se former dans un ciel d’un autre ordre alors que déjà couve l'orage en minces bancs bleutés.
Je n'ai pas fini de méditer ces oeuvres et vous les laisse en bon oeil (sourire)
en vous souhaitant encore une fois milles joies pour 2008.
*****Pour accompagner ces toiles, j’ai choisi une musique de l’époque de ce peintre, né en 1880, mort en 1946