Quand l’homnie-bus l’eut déposée aux abords de son quartier, Ukraine respira profondément et s’engagea dans une des rues perpendiculaires à la bio-route. Elle simula quelques hésitations à se repérer - tous ceux qui étaient revenus de ce type d’interrogatoire restaient un certain temps désorientés – elle percevait le regard du Droïde qui suivait de loin son retour au bercail comme une flèche plantée dans sa chair.
Un robot caméra sortit du mur de son immeuble, écarta délicatement ses paupières et examina longuement son iris gauche. Le sas s’ouvrit. Il ne lui restait plus qu’à réunir le Groupe. Premier étage…
Djinn, On se retrouve au…
Deuxième étage. Rahan,…troisième sous sol
Avant dernier étage. « Serge, on se retrouve avec l’équipe, je vais bien, ils n’y ont vu que du feu, on se retrouve dans un quart d’heure. C’est le jour J.
Les cahts l’attendaient derrière la porte.Ils n’avaient pas dû décrocher de là. Elle ne les avait jamais maltraîtés, donc elle ne risquait rien. Il lui en restait trois, le plus gros dormait encore. Avec une douceur à laquelle ils n’avaient pas été habitués, elle les prit l’un après l’autre dans ses bras, leur prodiguant force caresses. Leur ronronnement spontané fut tel que le souvenir du regard étonné mais conscient de ses vieux chats sur le point d’être sacrifiés l’envahit comme une vague. Elle sentit monter en elle un mélange de rage et de honte… L’un des robots se hasarda à la lécher, elle se retint de le fracasser contre le mur, puis le neutralisa assez rapidement en plongeant son regard dans les yeux de céramique jusque dans le Cyber-nervious-system de la…bête. Elle y découvrit la preuve que sa lumière intérieure était bel et bien aspirée la nuit afin de transformer ces robots en êtres de sentiments puis de chair. Des traces de neuro-transmetteurs chimiques flottaient encore et semblaient se multiplier à très grande vitesse sur les puces électroniques.
La pensée concentrée sur ce qui était tout le contraire de sa nature : détruire, elle pulvérisa ces débuts de vie et débrancha le logiciel mouchard.
« Une bonne chose de faite, ils vont dormir, dormir, jusqu’à ce que je les fiche à la baye, le plus dur n’est pas né ».
Le labyrinthe de tunnels souterrains était mouillé d’une lumière étrange, presque soufrée, et empestait une odeur répugnante, cocktail de déjections et de moisissures fanées .
Il leur fallut ramper tous quatre dans le tapis épais et pailleté des restes fangeux pour éviter les faisceaux des caméras, jusqu’à cette petite pièce découverte fortuitement et où depuis quelques mois déjà ils se réunissaient régulièrement.
Cela faisait des années, depuis le décès de son mari, qu’Ukraine cherchait un lieu où entreposer ses vieux livres et écrits. Fouillant les sous -sols, auxquels avaient accès tous les locataires, elle avait un matin entendu un froissement léger derrière deux tuyauteries. Puis des bruits de pas et des voix. L’oreille presque blessée d’être restée collée à la paroi pour décrypter le langage inconnu, elle avait consacré toute la journée à tenter de découvrir une brèche dans le mince espace, à peine moins large qu’une porte, sur lequel étaient accrochées les canalisations d’oxygène. De lassitude, la pulpe des doigts râpée et suintante de fines gouttelettes de sang, elle avait fini par s’écrouler au sol en étouffant ses larmes, glissant le long de cette incroyable cloison derrière laquelle elle sentait de la vie. C’est alors, que son dos avait été lentement happé par le mur, porté par des invisibles dont elle sentait la chaleur pourtant.
Les Laureleins, tel était le nom de ces Êtres-Anges étaient au nombre de trois. Au fur et à mesure qu’elle se rassurait, ils lui étaient apparus. Dès qu’un soupçon de crainte précipitait les battements de son pouls, ils s’estompaient. Ils étaient d’une beauté rare. Longs cheveux argentés, yeux d’un violet aussi profond que les dernières traces du jour, leur corps était mince et musclé, revêtu d’une robe qui au moindre mouvement exprimait une musique douce et colorée. Leurs mains à trois doigts étaient tatouées de signes étranges, leur voix si apaisante que lorsqu’elle eut réussi à faire taire ses questions, Ukraine s’endormit un bon moment.
Quand elle s’était réveillée, ils étaient là, souriants, assis sur des coussins flottants. La pièce où ils vivaient était nue d’apparence, pourtant à chaque rencontre apparaîtraient de nouveaux éléments de décoration. Ukraine finit par comprendre que c’était elle qui les leur apportait mentalement et qu’ils réalisaient avec un plaisir non dissimulé ses vœux amicaux et intimes d’un meilleur confort pour eux. D’une rencontre à l’autre, elle avait noué avec eux des liens très intenses.. Ils venaient de la dixième planète, bien au-delà de Pluton, derniers détenteurs de la clef qui pouvait sauver la Terre de la déshumanisation programmée dans laquelle elle se plongeait lentement mais sûrement.
La paroi les absorba un à un, comme à l’accoutumée. Ils les attendaient, le visage plus grave qu’à l’ordinaire..
UN : Nous avons repéré un trou de ver, il faut faire vite, ils bougent à toute allure en ce moment, ils sentent la décrépitude accélérée de votre planète, cela agit sur leur mental.
DEUX : Vous allez devoir subit un traitement. . Comme vous le savez, pour utiliser le pont Einstein-Rosen-Podolski, votre taille doit être inférieure à 10e-43 centimètres. Quand vous aurez atteint cette taille… -Mais comment, comment, il n’y a rien dans cette pièce qui puisse nous permettre de réduire notre taille. -Il y a notre mental et le vôtre en synergie. Nous avons réussi à isoler un trou de ver un peu plus stable que les autres et qui de surcroît se promène cycliquement aux abords de votre planète.Nous l’avons , grâce à la force de notre mental, tapissé d’anti-matière, il sera très confortable. Nous avons effectué tous les repérages, -Nous allons être broyés ! -Non, il existe un point dénué de force gravitationnelle par lequel vous entrerez. Faites nous confiance. Le monde est fait d’univers multiples aux multiplicités dimensionnelles.
Ukraine se rendit compte qu’ils étaient venus les mains vides. Ses camarades ne réagissaient pas, comme absents de ce qui se préparait.
UN : Je devine, Ukraine, vos préoccupations. Comprenez -moi, vous allez être autre dans quelques minutes. Vous n’aurez besoin de rien pour ce voyage, rien d’autre que votre puissance mentale. Êtes vous prêts ? Le trou de ver approche, la fenêtre temporelle sera brève et en se représentera que dans un mois. Ukraine percevait l’angoisse de ses compagnons. Nous sommes comme ces chevaliers des temps jadis qui partaient en quête du Graal. -Comment saurons-nous revenir ? UN : Vous ne reviendrez pas. Vous croiserez d’autres mondes dans lesquels vous puiserez du savoir, vous devrez affronter bien des embûches mais ce sont vos descendants qui découvriront la clef. Vous n’êtes que les pionniers. Vous ne reviendrez pas. Êtes vous prêts?
Ukraine ferma les yeux, elle ne pourrait pas dire au-revoir à ses enfants. Mais vu la vitesse à laquelle les droïdes s’adaptaient à leur monde et en vampirisaient la substance, il lui fallait consentir ce sacrifice.
UN : J’entends vos réticences Ukraine, mais il est écrit que c’est vous qui devez faire ce premier pas. Acceptez-le. Qui sait… Ces deux mots achevèrent de la convaincre qu’après tout, elle pourrait peut-être saisir une des chances accrochées aux cordages du temps et de l’espace et revenir avant qu’il ne soit trop tard pour ses enfants. -On y va.
<br />
C'est vrai, je le crois aussi pour les maladies ... Mille merci Lutin, pardonne le retard à te lire, ma connexion est difficile en ce moment.<br />
<br />
<br />