Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique

Les journées Pré-texte




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Les Herbes folles de ma savane écoutaient en silence le grand Remue-Méninges. En silence car elles n'étaient guère cultivées,
et si par quelque nécessité il leur fallait parler,
elles devaient à cette fin
au préalable déchirer 
leurs fibres 
pour y faire naître une  bouche.

Cela, au mieux les faisait souffrir, au pire les tuait.
Donc elles écoutaient, de leur petit être tendu sous  la danse du Vent. Elles écoutaient mais n'en pensaient pas moins. Oh.... de minuscules pensées, la cervelle des Herbes folles se trouve en haut de leur limbe, là où c'est si pointu qu'on n'ose plus parler de spécialité.

Dans ma savane aux Herbes folles les humains étaient morts  morts
depuis longtemps.
Pourtant, la Vie se déroulait sans âne ni croches.
C'est que les animaux, qui ne sont pas si bêtes, avaient gardé leçons des bêtises des hommes.

En s'excusant Lion mangeait les petits trop faibles de Lièvre
qui  s'excusant mangeait l'herbe de Zèbre
qui s'excusant mangeait les lianes du Singe
qui s'excusant mangeait les restes tombés du nid de l'Oiseau
qui s'excusant picorait les fruits les plus mûrs de l'Arbre à Mango et seulement eux...

Un jour, sans que quiconque puisse dire quand cela avait commencé, chacun se rendit compte que tout allait de mal en pis.

Lion était moqué de ses sujets : sa crinière se faisait grise et cela le mettait de méchante humeur au point qu'il attrapait de plus en plus souvent des bébés lièvres en bonne santé.

Lièvre était devenu très facheux avec sa jolie compagne dont il ne supportait pas qu'elle gambade tranquille et sans penser à mâle hors chemins connus.

Zèbre  était harcelé par Singe jaloux des grillages de sa peau  et il en perdait sa brosse  mais pire encore, ses rayures pâlissaient.

Singe ne trouvait plus ses mimiques du jour qu'il avait pris l'habitude d'accrocher chaque soir aux lianes vanille avant d'aller dormir et la rage le saisit encore davantage quand il comprit  que Paon le magnifique en parait nuitamment sa belle queue

Oiseau voulant imiter Paon se mirait dans les beaux fruits brillants du Mango mais, déçu de son image, jetait au sol les fruits dont les graines perdaient tout avenir.

Arbre Mango se désséchait que le cours des choses qui concernait ses fruits soit ainsi gaspillé par caprice.

et ainsi de suite.



Lion commença par disperser en tous lieux de la savane aux Herbes folles ses Lionnes avec mission de remettre courtoisement un peu d'ordre.  Mais ce régime poli (  si est...)  se heurta bien vite aux régimes de bananes derrière lesquels se cachaient ceux dont elles auraient aimé goûter le flagrant délice.
Les dents des Lionnes plantées dans les bananes avaient le plus grand mal à s'en extraire et aussi leur orgueil quand elles revenaient à la tanière, la gueule encombrée de deux voire trois défenses jaunes et noires  sucrées.

Aussi tous les habitants de ma savane aux Herbes folles se réunirent-ils afin de régler leurs différends et soucis autour d'un grand Remue-Méninges.

Et chacun et chacune d'avancer idées, de rappeller le plus bruyamment possible ses expériences passées qui étaient forcément bien plus intéressantes que celles du voisin. Tour à tour les animaux se taisaient, écoutaient avec des larmes de crocodiles le mal-être des autres. D'autres, plus rares et moins enclins à se pavaner tentaient de démasquer l'exagération, bien naturelle à qui veut vivre de ce qu'il dit, mais Lion-z-et Lionnes leur tapaient sur la tête pour qu'ils se taisent et n' empêchent point le grand Remue-Méninge de se dérouler. Cela ressemblait à un beau spectacle antique.

Il en surgit une décision, celle de créer
les journées Prétexte.

Un jour sur quatre de chaque lunaison tout au long de l'année serait consacré à honorer l'existence de tel ou tel animal ou être vivant ou presque.


Vent, dont le Souffle surplombe toute chose avait bien compris qu'avec des paroles souvent très différentes, tous exprimaient la même inquiétude. Et comme Vent est l'ami des Herbes folles de ma savane,  il leur rendit compte ( on dit gestion, ou digest ) de ce qu'il avait entendu d'en haut afin qu'elles le dit-gèrent à ce qu'elles avaient entendu d'en bas.



- Nous sommes tous des zèbres blancs disait dame Paon en ouvrant son précieux éventail pour faire sécher sur la peau de Zèbre les mimiques de Singe qu'elle avait dans la nuit retiré à son époux.

- Nous sommes toutes des lapines castrées disait dame Singe en étirant sa queue pour chatouiller le museau de Lièvre obligé sans broncher de supporter cet affront.

- Nous sommes toutes des singes privées de grimaces disaient les Lionnes en se regardant sous toutes les coutures dans les fruits bien brillants de l'arbre à Mango, lesquels reflétaient aussi la présence au loin de quelques gazelles dont personne ne s'occupait vraiment.
 

Chaque journée cérémonielle passait dans un calme relatif et avec beaucoup beaucoup de prières, mais dès le lendemain les hostilités recommençaient de plus belle pendant trois jours consécutifs.



Le roi des oiseaux et des animaux se morfondait...

Que faire faire faire???

Il demanda conseil aux Herbes folles

- Et vous que feriez vous à ma place?

Les Herbes firent se rejoindre le sommet de leur limbes afin de réfléchir collectivement. Puis l'une des plus âgées s'offrit au  sacrifice de l'ouverture de Bouche.

Nous? Dit-elle ...
Regarde Ô Sérénissime, regarde.

Pendant que vous blablatiez,
nous t'avons tressé une crinière flamboyante, tu peux la porter dès aujourd'hui
Pendant que vous blablatiez
nous nous sommes écartées sous le souffle de Vent-Sympa puis repliées en  un  terrier confortable et caché de tous au milieu de Nouzautres où Madame Lièvre pourra fuir la maléducation de son mari

Pendant que vous blablatiez
nous avons saisi en nous les couleurs du soleil et celles de la nuit et chaque jour nous repeignons la peau de Zèbre et nous continuerons jusqu'à ce que la nuit et le jour ne s'échappent plus de sa chair

Pendant que vous blablatiez
nous avons cousu des lianes et des masques avec nos soeurs les herbes les plus solides et les avons offertes à Singe qui se désemparait

Pendant que vous blablatiez
nous avons sacrifié nos rejets les plus doux pour le nid de l'oiseau et  l'avons décoré des plumes que Paon perd à l'occasion pour tenir chaud à ses petits mais aussi d'insectes amers qui dissuaderont Singe de manger tout ce qui passe à portée de ses mimiques

Pendant que vous blablatiez
nous avons demandé aux insectes qui nous parcourent et même à Vent-Sympa - Coucou Vent-Sympa - de porter en tous lieux les graines d' Arbre Mango qui se meurt et s'épuise.



- Je dois créer pour vous une journée cérémonielle,  dit le roi des animaux, car vos petites actions silencieuses  ont été plus utiles à la survie de la savane que nos réunions et nos palabres.

- Que nenni!
lui répondit la déléguée des Herbes folles
Nous sommes dans l'âge ire
contre les maux
et puis nous sommes si petites et Nombreuses,
nous honorer serait n'honorer personne
ou alors chacune de nous et le pas qui l'a foulé
la dent qui l'a croquée
le vent qui l'a couchée

Si vous tenez , Ô Sire
à une  journée prétexte
qu'elle soit réellement pré-texte
de vrais gestes et sans mots

Depuis ce jour dans ma savane d'Herbes folles
quand un souci touchant quelques uns parvient à la conscience de tous,
les mots ne servent , comme les antiques Tam-Tam, 
qu'à réunir chacun autour de gestes inventifs
auxquels ceux qui le souhaitent s'engagent à se dédier chaque jour de l'année
en silence
et avec modestie...
Et comme il y a beaucoup de soucis... il y en a pour tous les goûts






 
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P
Merci pour ce très joli conte.
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R
<br /> merci à vous Pierre-Louis;<br /> <br /> <br />
L
Il est vrai que le travail de fourmi des bénévoles d'associations, ou même de tout un chacun cherchant à appliquer ses convictions au quotidien, a au final certainement plus d'impact que tous les shows qui servent à certains à se donner bonne conscience...
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R
<br /> Cela , j'en suis convaincue et n'aurais pu le formuler mieux que toi, coordination entre l'état et les associations, le reste tout ce qui est médiatique, c'est<br /> surtout fait pour rapporter du fric... aux médias.<br /> <br /> <br />
M
Ce conte des herbes folles de ma savane me rappelle les zanimos malades de la peste de La Fontaine française.Mais, je pense vraiment après une seconde lecture : "Ils sont fous ces zumains ! Ils sont fous !"Quand le lièvre mange l'herbe du zèbre et que Bernard L. MADOFF a détourné  50 milliards de dollars de billets verts rien que pour sa savane à lui, on n'est plus étonnés que quelques millions de lapins, de lièvres et de chiens de prairie se soient retrouvés à la rue, sur les chemins ravinés de la ruine.La carambouille est partout !Mais que vont faire les lions qui, satisfaisant leurs appétits gloutons, ont dévoré force moutons ?Mais oui, l'âne, l'hémione, il faut la retrouver vite pour qu'elle expie les fautes des habitants de la petite maison blanche dans la prairie et des locataires de la savane aux herbes folles. Non, y' a plus de boucs émissaires à c' t' heure : ils se méfient et donnent des coups de cornes.Bon, je retourne donner du foin aux ânes en leur disant que bientôt on leur apportera des carottes pour leur faire oublier le choc du bâton sur la croupe.Merci pour ce conte très up to date, Viviane !<br />
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R
<br /> Oh, oui, Merlin, ils sont fous ces humains, comme tu dis. Le plus terrible est que ce type que tu mentionnes ne risque sans doute pas d'être inquiété, alors que mes<br /> gamins qui gagnent si mal leur vie... s'ils oublient de payer leurs impots, sanction immédiate. pendant ce temps des salauds se remplissent les poches.<br /> Je comprends la révolte qui monte , même si j'en crains la violence qui bien évidemment fera couler le sang.<br /> Que vont faire les lions? Lutiner leurs lionnes, leur offrir des WE ou de jolies bagues...<br /> hémione est un mot que j'adore, le titre d' un des morceaux du carnaval des animaux<br /> mais j'ai bien peur que même les ânes ne se rebiffent et ne veulent plus des carottes tendues<br /> en plus bourrées de saletés<br /> <br /> Merci à toi du commentaire rebondissant, Merlin ( et la Fontaine)<br /> <br /> <br />
V
Comme c'est sympathique de t'écouter nous dire ce conte. Je suis comme les enfants, je fatigue à la lecture...
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R
<br /> Je me suis doutée que la longueur du conte pouvait décourager, aussi ai-je pris soin de l'enregistrer<br /> et puis un conte, c'est fait pour être dit (sourire)<br /> merci Valentine<br /> <br /> <br />
J
J'aime beaucoup ce conte. Il pointe avec tendresse malgré tout la dérive quasi sécuritaire qui conduit les dirigeants de ce monde à ne célébrer tout et n'importe quoi, sans oublier les revendications catégorielles les plus farfelues, et ce au détriment de l'initiative collective, humble, inventive, de chaque jour.Amitiés,Joubert
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R
<br /> Merci Joubert, je ne crois qu'en l'action des Etat conjuguée à celle d'associations qui veulent réellement faire du travail sur le terrain et des volontaires<br /> modestes mais engagés; Quant aux blablas qui nourrissent la blogosphère, j'en suis assez écoeurée, tant ils zappent d'une cause à l'autre, un peu comme on va voir la cage aux lions et ensuite celle<br /> des autruches ;o)<br /> <br /> <br />