Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
- Docteur, comment ça s'attrape, l'illusion, et suis-je condamné à en être le jouet, jamais le maître? Et puis, pourquoi ne parle-t-on jamais des illusions futures, hein?
- Parce que dans le futur, cela s'appelle " espoir ".
- Ah... Et pourquoi ne sais-je jamais que dans l'après- coup que j'avais été victime de mon illusion? Pourquoi ne le sais-je jamais au moment où, afin de m'en garder?
- Parce que si tu reconnaissais être présentement dans l'illusion, tu ne serais pas loin d'être pris pour un menteur... qui dit la vérité! Et puis, il est si difficile de se regarder de l'intérieur comme on contemple le monde.
-Ah... Et si je considérais que je suis un autre...
- Serais-tu poète?
- Non, juste pour comprendre comment cet autre que je crois connaître et qui s'appelle Moi peut se laisser si aisément prendre à ses peurs, ses désirs d'enjoliver, ses rêves.
- Peut-être es-tu toi même une illusion? Qui sait!
- Certes, mais ce qui m'importe est de bien conduire ma vie, sans trop de souffrances, ni de désillusions.
- Pourtant il est des illusions qui te réjouissent.
- Comment en faire le tri? J'aimerais aller toujours vers la vérité, mais celle-ci est si souvent triste ou banale.
- En filigrane à ta question première se trouvait une autre question. Tu me disais " Suis-je condamné ". Ou pour le dire autrement " Existe-t-il un espace dans lequel je puisse échapper à la fatalité apparente de l'illusion ". Tu poses alors la question de ta liberté et celle de la valeur de l'illusion, ce système de croyances qui permet aux humains de supporter un peu mieux les impasses de la Vie. Certains de tes congénères, d'ailleurs, préfèrent toujours la vérité dans sa dureté tranchante à l'illusion sécurisante. Ils peuvent même en devenir amers... D'autres s'arrangent pour ne pas voir. Quelle mauvaise foi!! D'autres encore sont encombrés de doutes et se consolent en se disant que dans la vie, " Il faut croire un peu en quelque chose " . D'autres enfin trouvent la réalité si laide, à en avoir la nausée, qu'ils se tournent vers ce qui peut l'enjoliver. Autant d'êtres, autant de manières. En vérité, nous sommes tout cela à quelques nuances près et parfois en même temps. Au fond, apeurés de notre liberté.
- Je me rends compte que je suis partagé. Avide de regarder la vérité en face et préférant...
- Par paresse!
- Oui, paresse, adhérer à mes chimères.
- Si tu reconnais leur nature illusoire, elles peuvent t"aider à aller plus confortablement dans le sens de la Vie.
- La bonne illusion serait donc celle dont je prends conscience en tant que telle et qui me permet de grandir, mûrir, m'affirmer. La mauvaise serait celle qui m'entretient dans...
- Que tu entretiens pour.... N'oublie jamais que tu es capable et libre de poser sur les faits un regard lucide et raisonnable.
- C'est bien ennuyeux de toujours regarder les faits avec un regard raisonnable! Nous ne sommes pas tous nés pour être scientifiques.
- D'abord que sais-tu des aptitudes natives de chacun? Tout est peut-être simplement question d'éducation. Et puis, tu vois comme tu es contradictoire, tu voudrais ne plus être le jouet de tes illusions et pourtant tu les réclames comme condition de la création permanente de ton être.
- Dans un cas comme dans l'autre, je me mets au centre...
-Absolument, et c'est une des principales illusions humaines. L'homme a beau savoir que l'univers n'a pas de limites, que son soleil se trouve à l'orée d'une galaxie, que la terre tourne autour de ce soleil et que lui même n'est rien sur cette terre, il ne peut s'empêcher de se voir, souvent comme au centre de ce système. Un peu comme s'il voulait éviter de ressentir cet amer savoir que l'on tire du voyage. Or la réalité ne se montre jamais sous toutes ses facettes. Et plus nous en comprenons les dimensions, plus ce savoir explose, et plus il devient clair que l'appréhender n'aura, comme l'univers, aucune limite. Ce que nous croyons illusion aujourd'hui peut se révéler à l'usage être une face de la réalité que l'entendement ne décryptait pas. L'humain va de deux pas en deux pas: le monde lui parait clair, puis il lui est obscur, avant de redevenior clair et ainsi de suite. L'illusion procède de cela. Moteur et frein.
- Le mirage est donc indépassable...
- Tout dépend du prisme avec lequel tu regardes ce que la précipitation te ferait ranger dans la catégorie " illusion". Pour ce qui est de ta dépendance à l'illusion, tu as le droit de rêver, d'imaginer, d'échapper de temps à autre au réel afin de te re-fonder. Tant que ces échappatoires ne te coupent pas de la réalité. Tant que tu sais qu'il s'agit de rêves et tant que ces rêves te donnent énergie pour vivre, pourquoi les condamner? Il t'est tout à fait possible de rêver éveillé, à condition de savoir que ce n'est que du rêve.
- Donc je ne suis pas condamné à être le jouet de mes illusions, mais je peux ... jouer avec elles?
- Bien sûr, je te le répète: Tu es libre de rêver, imaginer. Ré-enchanter ton monde. Mais souviens t'en, ce jeu a des limites. Il ne doit pas t'empêcher d'agir dans la vraie vie et dans l'intérêt de tous ( et même le tien propre: une peur sans fondement à laquelle tu t'attaches peut te paralyser aussi sûrement que le venin d'un serpent). Tu n'es pas seul au monde et d'ailleurs tu peux aussi compter sur le regard que les autres portent sur toi afin de te désabuser. Ils sont l'espace de ta liberté, aussi. En retour, souviens-t'en aussi, dans ta quête à chasser l'illusion, à trier les informations utiles et pertinentes afin de les rendre accessibles aux autres, garde présent en ton esprit que la vraie libération n'est pas celle qui convertit chacun à la vérité à tout prix, mais celle qui travaille à changer un monde de plus en plus enclin à n'offrir... que de l'illusion.