Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Haendel ou la soif d'oratorios
Le triomphe du Temps, toile de Pieter van Lisaert
Regardons quelques décennies en arrière. 1707. Haendel se trouve en Italie et travaille sur un livret du cardinal Pamphili. Les personnages? La Beauté, le Plaisir, La Désillusion, le Temps. Le Triomphe du Temps et de la Désillusion est le premier oratorio connu de Haendel. Le propos philosophique en est simple et édifiant: La Beauté a juré fidélité au Plaisir. Rappelée à l'ordre par le Temps et la Désillusion, elle finit par se rendre à la Vérité qui est toute d'ascèse.
Revenant en 1738 d'Aix-la-Chapelle miraculeusement guéri de sa première attaque qui lui avait laissé une main gauche impotente, Haendel a décidé d'abandonner cet art cher à son coeur mais qui ne touche plus les anglais: le bel canto italien. Pour cet homme à la volonté de fer il est temps de démarrer une autre carrière. Il a consacré sa vie à réunir la solidité des plans et carrures allemands, la sensualité mélodique italienne, la clarté, l'équilibre et l'élégance de la musique française. Prodigieux orchestrateur il a su en élargir la palette en introduisant dans l'orchestre la harpe, la clarinette, le contrebasson. Improvisateur de génie, il a donné à l'orgue une place nouvelle en tant qu'instrument concertant. Il va convoquer une nouvelle fois le destin dans un genre qu'il n'a que peu approché.
Mais son caractère exigeant voire bougon, sa brutalité parfois dans ses relations avec ses collègues ne lui a pas fait que des amis. Le duc de Malbourough ( celui de la chanson Malborough s'en va-t-en guerre...) n'a cessé de monter cabale sur cabale contre lui. Cet homme mis à terre par une société anglaise décidément bien ingrate se replie sur son public de fidèles complètement conquis par sa manière d'illustrer les textes bibliques ou les grandes épopées de la mythologie.
C'est le temps des oratorios.
Les préoccupations spirituelles n'étaient certes pas étrangères à Haendel sur cette dernière étape de son existence. Mais surtout, l'homme avisé découvre que les meilleurs librettistes, ceux qui lui laisseront toute liberté de créer autour de leurs paroles la musique qu'il a toujours voulu écrire sont les anonymes poètes des grands textes fondateurs.
Christ portant sa croix du Greco
Il part pour Dublin, fatigué des querelles londoniennes. Resourcé loin de la capitale, il lui faut tout juste trois semaines pour composer son célèbre Messie. A peine davantage d'ailleurs seront nécessaires pour chacun des 32 oratorios dans lesquels la voix qui domine est celle du choeur. Le public de Dublin est enthousiaste. C'est de cette époque que date l'habitude de se lever dans la salle ( qui perdure aujourd'hui ) lorsqu'est chanté l'Alleluia.
Hélas, s'il est adoré à Dublin, le Messie est boudé à Londres. Toujours les mêmes réticences: on ne peut faire chanter du sacré dans un théâtre ou au contraire des chanteurs laïcs dans une église...
Comme s'il y avait contagion entre ses désillusions des fatuités citadines et son besoin de sérénité et de méditation, Haendel parvient à l'intérieur de ses oeuvres à faire basculer la convention habituelle de l'opéra de l'anecdotique à l'essentiel, de la péripétie à la psychologie des profondeurs. Le soliste fait désormais partie de l'orchestre au même titre que le violon ou la percussion. Plus de caprices, plus de batailles... Mais une recherche d'adéquation aussi fine que possible entre mélodie, accompagnement, poésie, afin de servir les drames personnels mis en musique. L'orchestre très travaillé, aux phrases ciselées permet d'ailleurs à ce compositeur (qui sait la mauvaise connaissance qu'ont les anglais de la langue italienne ) de donner du sens au-delà des paroles à ce qui se joue sur la scène.
Et si, loin d'abandonner comme le réclament les dogmatiques de son temps l'Aria da capo si italianisant, Haendel s'en sert à foison, c'est parce qu'il ne supporte plus la sécheresse des récitatifs et veut donner à entendre et plutôt deux fois qu'une les troubles de l'âme qui meuvent ses héros.
Ceux-ci ne sont pas toujours ceux que l'on pense. Ceux qui chutent auront à chaque fois la préférence du public face aux héros immenses qui peuplent les Ecritures. En ce sens, Haendel renoue avec la tragédie grecque.
Pour autant il n'en oublie pas la musique orchestrale et le succès revenant lentement mais sûrement, il met au monde un autre chef-d'oeuvre passé à la postérité, les Feux d'artifice royaux.
Composée en 1749 en l'honneur de la fin de la guerre de succession d'Autriche, c'est une oeuvre brillante dans laquelle son talent d'orchestrateur au service d'une ligne mélodique toujours chantante, portée haut, se donne tout entier.
Mais la santé du compositeur décline. Ce sont paralysie sur paralysie qui le laissent de plus en plus souvent seul chez lui, tenant des propos incohérents que les cures thermales ici ou là ne réduisent plus. La cécité l'atteint enfin, comme Bach.
Il ne composera plus, se dédiant à l'organisation de l'exécution de ses oratorios et à la direction annuelle de son Messie au profit de l'Institution des Enfants trouvés.
Cet homme qui est devenu fort riche après tant d'années d'économies et de luttes laissera tout autre chose à ses neveux et amis que cette modeste et merveilleuse chaumière de van Goyen ( je ne peux m'empêcher de poster quand je le peux des toiles qui me touchent, les représentations de chaumières en général et de quelque époque que ce soit en font partie...) :
Il réunit, sous la plume de son secrétaire, une sorte de pot-pourri de ses morceaux favoris, ceux qu'il avait composé bien sûr!
Et c'est là que la boucle se ferme: il donne pour titre à ce testament musical celui du premier oratorio composé en Italie dont nous parlions plus haut: le Triomphe du temps et de la désillusion...
Sans jamais avoir pu l'entendre jouer, opéré des yeux par le même chirurgien qui avait tué Bach, il meurt le 14 avril 1759.
Les milliers de Londoniens qui accompagnent sa dépouille ignorent encore qu'avec la disparition de cet homme coléreux, chaleureux, généreux, enthousiaste, effronté parfois, se referment trois siècles de musique anglaise qui attendent encore d'être rouverts.
Pour clore nous aussi cette page et avec elle cette belle période baroque ( non sans regrets et sans avoir écouté dans le prochain numéro une récapitulation de toutes les pièces présentées ici pour illustrer l'oeuvre de Haendel ) voici quelques extraits des oeuvres de la dernière partie sa vie. Certains témoignent de la patte brillante, éclatante de son écriture. D'autres sont marquées d'une intériorité émouvante et discrète.
Toutes disent l'homme complexe, méconnu sur le plan personnel mais qui, mal aimé voire repoussé de son père incompréhensif puis orphelin à l'âge de douze ans, sut rester fidèle aux rares qui l'aimèrent sincèrement et se hisser seul parmi les géants.
Jephté, oratorio
Menuet
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Choeur des Israëlites
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Le Messie, Oratorio, enregistrement live dans la cathédrale de Cambridge
All we like sheep
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Rejoice greatly Ô daughter of Zion
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Allelujah
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Music fot the Royal fireworks
Ouverture
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Rejouissance
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Triomphe du Temps et de la Désillusion sur la Beauté, Oratorio
Lascia la spina ( air du plaisir) dont vous reconnaîtrez les notes qui décidément devaient faire partie des intonations intimes propres au compositeur tant il est souvent revenu sur cette mélodie et en divers lieux de son oeuvre...
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Bel pianto dell' Aurora (air du Temps et de la Désillusion)
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