" Donc nous ne pesons rien et à notre bonheur Tu ne voudras œuvrer? Sur cet île perdue il nous faudra crever ? " Disaient les Loinde Touh au piroguier dont l’heure Etait à s’assoupir et non aux radotages…
Il s’étendait au loin quelques brumeux mirages Et les vents alizés en portaient les parfums. Comme il ferait bon vivre ailleurs qu’en ces matins Où la mer s’échouait sur leur petite plage…
Mais Yaka s’endormait toujours au même endroit.
Quand un frère une sœur lui lançait maladroit "Tu ne nous aimes point ! Nous ne pesons donc rien ? " Il ne répondait pas… Et chacun maugréant Se creusait dans le sable un lit pour quelques heures, Enfermait sous ses yeux lesrêvesde fraîcheur En traitant le marin de noms très mécontents.
Un jour vint où l’un d’eux resta les yeux ouverts Et vit sortir du nez du piroguier son frère Un bateau si brillant aux voiles déployées, A la coque charnue de grands désirs noyée, Qu’il mit sur pied d’un coup la tribu endormie. "Voilà fortune enfin ! Partons ! Partons amis !" Et chacun de choisir sous la hutte de palme Un peu de son chez lui à emporter là-bas. Las le vieux piroguier ne dormait qu’au grand calme Et il fut réveillé par tous ces falbalas.
" Surtout ne montez pas! Ce bateau est chimère Oh non … ne montez pas ! "
"Tu ne nous aimes pas" "Tu n’es plus notre frère" "A tes yeux de farceur nos rêves sont légers ? C’est ton amour pour nous que l’on devrait peser… Nous t’avons préparé de quoi payer ton rêve Car nous te l’achetons. Il y a sur la grève Un petit tas de cendre A l’image du cœur que tu voudrais prétendre. Ce bateau nous allons pour te prouver sa foi Le remplir de bagages. Et merci de ces noix De coco pour la soif que ton rêve avait mis. Nous en avons cueilli et rempli à débord Pour affronter confiants la course vers le nord. Bonne vie Sur l’îlot... Allez hissez haut !
Et les voilà partis et Yaka de pleurer Les larmes de son corps et de mouiller le sable. Il fallut moins de temps aux pauvres misérables Pour manquer se noyer Qu’il n’en faut pour le dire Et regarder dans l’eau s’effondrer le navire.
Chacun heureusement appuyé sur les noix Revint vers le rivage…
" Hommes de peu de foi! Ces fruits, vous leur devez d’être encore un visage Et non un os perdu que la mer va brûlant D’un atoll à une île. Et mon amour pourtant A pesé tout son poids. Vous saurez désormais qu’on ne peut s’envoler Sur les rêves d’un autre. Et où seriez-vous donc Si au lieu des fruits creux qui garnissaient le fond De ce rêve volé Ces fruits qui savent mieux nager que vos épaules J’avais rêvé pour vous somptueuse nécropole… "
Chacun s'en retourna sans faire de façons. c'est parfois le silence qui dit la leçon et comme on l'a comprise on la retiendra.
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Bonsoir Viviane,<br />
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Un vrai régal de te lire. Une fable! Ce n'est pas un exercice évident .J'aime ton sujet, l'ambiance... on se croirait au pays des pirates ou de Robinson...<br />
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Si on ne peut pas vivre les rêves des autres, on peut les lire sur les blogs. <br />
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Merci pour ce magnifique partage!<br />
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bises de bonne soirée<br />
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Martine<br />
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Tu es adorable, Martine. j'adore plagier ce grand La Fontaine, un de mes poètes préférés.<br />
Rien de neuf ne se fait sous les soleil, les rêves des hommes sont éternels et éternellement recommencés...<br />
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M
Miche
31/08/2010 05:25
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Oui, savoir ne préserve de rien, le voile de l'illusion fait l'amertume de la vie.<br />
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Devant le fait, c'est une grand paix qui naît...<br />
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Oui, le silence dit bien les choses<br />
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Prenez soin de vous...<br />
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Savoir fait parfois du mal<br />
ignorer peut en faire bien davantage<br />
accepter est ce qui nous sauve<br />
mille merci Miche de ce regard philosophe.<br />
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B
Binh An
30/08/2010 07:42
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La Fontaine est très connu à l'étranger dès le temps du lycée. Merci de me faire revivre des souvenirs bien lointains maintenant. Quel art de recréer tout un univers !<br />
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C'est gentil, j'adore écrire de la poésie plus classique, en vérité c'est ainsi que je me fais mes gammes.<br />
Mais en ce moment point trop le temps, vivement que la roue tourne.<br />
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V
Valentine :0056:
29/08/2010 10:29
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:0070: Quelle virtuosiité ! Quel charme ! Quelle imagination ! C'est une bien belle fable pleine d'expérience et d'enseignement. Je serais<br />
bien incapable d'en faire autant...<br />
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Merci Martine, heureux temps où j'avais le temps d'écrire, il est bien loin hélas... Et le moral aussi . Cela reviendra puisque tout<br />
est cycle en ce monde ;o)<br />
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C
Corinne
10/11/2009 19:01
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Joli conte...on se laisse bercer par les mots...Doux merci Viviane<br />
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