Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Par Viviane Lamarlère
Ce matin là
Il y a longtemps, si longtemps que racines et lianes ne savaient où plonger leur mémoire, Sorcier le Grand jouait à la pâte à modeler.
Ce matin-là,
comme la gazelle saute mais sans savoir vraiment pourquoi par dessus les épineux de la savane, ce matin là courait dans sa tête un désir puissant de créer un ...
La nuit précédente, la bête s’était invitée dans un de ses rêves. A tel point présente qu’il aurait pu en toucher la peau craquelée et les ongles coupés au carré.
Mais ce matin-là,
comme le serpent se sauve dans le Ca-va-trop-vite-pour-être–rattrapé »,
ce matin là Argile ne tenait pas à ce qu’on la touche. C’est en vain qu’il tournait et retournait entre ses doigts les colombins d’ocre luisante... Il finit par jeter l’informe par-dessus bord. Ainsi fut créé l’homme .
D’un deuxième essai, il réussit un peu mieux la femme. Ce fut le premier jour.
Le lendemain, ayant bien observé ses créatures, il convint avec lui-même qu’il leur fallait un endroit pour se protéger du soleil.
Parfois Sorcier le grand se pose un peu et réfléchit. Parfois. Alors qu’il fermait les yeux et s’étendait dans sa case s’imposa à nouveau à lui l’image de l’éléphant. Mais cette image était étrange. La bête ne possédait qu’un seul pied et sa tête était recouverte de feuilles.
Sorcier le Grand sait de longue date qu’il lui faut écouter ces images qui rentrent dans sa tête par une ouverture inconnue et ressortent par ses doigts sans qu’il puisse en saisir le trajet .
Et voilà qu’il casse
Tasse
L’argile grise dans Calebasse
La bienheureuse
Qui aime les chatouilles.
Puis il détache un morceau de nuage
Et le presse fort pour en faire sortir les orages
Inonde d’eau la terre séchée.
Le beau pied d’éléphant que voilà !!
Mais chacun sait dans la savane que l’éléphant a son caractère, comme le cochon la bourrique ou la mule.
Et la patte lui échappe, saute par dessus bord et se cavale, se cavale...
« Mon Moi, Mon Moi !!!!! » hurle Sorcier le Grand s’arrachant le désespoir et le jetant par dessus-bord aussi . « Mon MOI, voilà que la patte d’éléphant va écraser le premier couple de la création !! »
Vite, il se couche en se cachant les yeux pour ne pas voir l’horreur, puis se reprend. Ecouter les images qui se pressent déjà au seuil de cette cavité inconnue.
Elles arrivent à la vitesse du feu de brousse, car elles savent bien, elles, que Sorcier le Grand sera très en colère si les créatures sont endommagées.
Ce sont des images de mains.
Vite, il se penche au bord de sa case et fait descendre sa voix :
« Morceaux de désespoir,
Je vous l’ordonne
Transformez vous en mains
Et rattrapez moi ce pied désobéissant par les cheveux.
Sitôt dit, sitôt fait .
Le désespoir se transforme toujours en ce que l’on veut
Si on le presse un peu
Larmes, symphonies, poèmes
Cette fois-ci il se métamorphose en mains.
A peine eurent-elles le temps d’agripper le pied en chute libre qu’il se plantait la tête la première dans le sol, si profondément que ses mains eurent beau tirer, tirer vers le ciel, comme les racines tirent vers la profondeur du sol pour chercher la cuve où l’eau bouillonne,
A peine eurent-elles le temps
Qu’il s’enfonça
Et y resta
L’air tout bête
Les mains en restèrent accrochées à leur surprise, tendues comme des tridents vers le ciel.
Depuis, elles s’y sont enracinées et trouvent dans l’azur éternel là-bas les quelques gouttes qui permettent à ce pied qui n’a aucune tête de survivre.
Parfois, elles ne trouvent rien, et l’arbre disparaît de honte, puis ressort ailleurs, là où on ne le connaît pas et encore moins sa véritable histoire.
Mais maintenant…
Le baobab ne pourra plus cacher ses origines
D’Éléphant…
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