Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Par Viviane Lamarlère
J’ai décidé ce matin de sortir mon Habitude. Lui faire prendre l'air, quoi !
Mon Habitude, c’est une compagnie de longue date, un peu collante, elle lèche un peu trop facilement mes lâchetés mais je l’aime.
Alors… quand on aime on ne compte pas, j’ai décidé de sortir mon Habitude.
Hé bien, vous ne le devinerez jamais, elle m’a opposé résistance.
Je lui ai dit « Regarde, il fait beau, on dirait que le printemps est là… (alors que c’est l’automne), elle m’a dit « Mon œil ! »
Je lui suis tombée dessus comme un cyclone inespéré, la pauvre s’est recroquevillée sur elle même puis a fini par me tendre le col.
Il fallait bien que je l’attache un peu loin de moi, elle ne voulait pas me quitter, ni ses recoins douillets, je lui ai mis un collier étrangleur, comme ça, pas de risques.
C’est qu’une Habitude ça mord où ça trouve et ça trouve toujours. J’ai beau l’emmener dans des endroits tranquilles et inusités, à peine visités par quelques moineaux, si elle trouve une feuille, même de papier, à laquelle river ses crocs, elle le fera.
Et ce qui aurait pu devenir lettre d’amour merveilleuse
parce que
rare
deviendra lettre de récriminations vicieuses
parce que circulaires.
C’est ça, l’Habitude,
Ca tue, l’Habitude
Ca vous transforme tout
en des
« Avant c’était bien»
et des
« Tout ça pour rien »
Elle n’a pas dit grand chose. Je la sentais sur la défensive.
Elle flairait l’air du temps histoire de poser à distance son appétit de veuve sur des membranes chaotiques en mal de rectitude normométrées. Joli mot, hein ? Je viens de l’inventer. C’est là que je me suis dit que j’avais eu raison et peut-être même tort de la sortir, car tout d’un coup, elle a reniflé un je-ne-sais-quoi qui lui a fait filer ventre à terre vers l’inconnu.
J’ai suivi, forcément, nous sommes attachées l’une à l’autre. Depuis le temps…
Les espaces qui s’ouvraient à nous dans le sillage de cette odeur toute neuve qui lui était parvenue (mais pas encore décryptée par mes soins, je m'y connais en décryptage, je ne fais que cela, au lieu de manger et dormir... je décrypte...) , reprenons nos moutons par leurs cornes, ces espaces étaient à la fois sauvages et ludiques. Et j'y entrevoyais ces failles dans la réalité qui vous font espérer en la survie de la conscience dans des arrière-mondes bucoliques.
C’est alors qu’elle a fait un truc incroyable. Elle a saisi sa laisse et a couru en zigzag vers ces ailleurs où nous devions aller ensemble par le plus court chemin. Elle m'a fait le coup de la tangente qui sort du cercle des poètes disparus.
Elle m'a abandonnée !! Comme ça. Sans préavis.
Elle passait par- ci, par- là, repassait par ici, repasserait-elle par là? Rien n'était plus incertain et imprévisible.
C’est peut-être un bien ou un mal, en tous cas, une chose est sûre, je ne me procurerai pas de sitôt une Habitude, ce sont des animaux qui sont, au fond, rongés de l’intérieur par des envies de retour au différent et cependant pareil au même, au "jevoudraisbienmelancermaisjepréfèrelepresquequiresterasupportable »,
non non, pas de sitôt. Merci bien des fois.
Il me faut une espèce plus joyeuse, inventive au quotidien et facile à vivre que cette bête là. Une espèce qui ne m'offre que de belles surprises, et non cette maussaderie se terminant en queue de poison.
Oui, j’ai bien fait de la sortir, sinon, elle m’aurait rongée jusqu’à l’os.
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