Certains peintres savent saisir pour l'éternité la lumière incandescente qui tombe du ciel. Ce qui se pose au premier plan de chacune de leurs toiles semble surgi de cette trouée lointaine, accouché par les nuées, réchauffé par le silence qui toujours entoure les grands paysages.
Ici, tout baigne entre ciel, terres et eaux dans un calme à la fois apaisant et questionnant.
Le peintre américain Albert Bierstadt est venu au monde en tant qu'artiste en même temps que le premier train qui traversa d'Est en Ouest les Etats-Unis .
Sa conscience aiguë, imprégnée des idées du romantisme allemand, que ces territoires vierges et magnifiques seraient rapidement gâchés par le progrès le pousse très tôt à emprunter les voies tracées par les colons vers le lointain Ouest américain, puis à recopier fidèlement, inlassablement, presque religieusement, les grands espaces qu'il explore.
Chacune des oeuvres qui sortira de ces périples deviendra une sorte de manifeste politique, écologique avant l'heure, très engagé dans la défense par l'illustration d'une nature sauvage et complexe que la technique menace de désarticuler. Chacune dit son rêve d'une Amérique demeurant primitive et à l'écart des bruits et fureurs de la volonté humaine.
Né en 1830 en Allemagne et tôt émigré aux Etats-Unis, sa formation de peintre le conduira cependant régulièrement dans la vieille Europe et il alternera toute sa vie ces voyages au long cours qui forment la jeunesse... et le regard.
Ce sont les chaînes de montagnes des Rocheuses qui caleront sa peinture dans le goût des lieux matriciels. Ce lac à peine effleuré du pinceau que l'on devine reflètant un ciel chargé de menaces, entouré de roches aux arêtes coupantes sur lesquelles coulent les derniers rayons du soleil, comme il nous parle les débuts du monde... Les ombres et la lumière s'y opposent avec une sorte de violence nette. Tranchée. Sans appel.
Les formats utilisés par Bierstadt, grandes toiles très larges et hautes, provoquèrent le rejet assez immédiat de la critique alors que le public les adorait. On y voyait de l'orgueil et même une volonté d'écraser les concurrents exposés dans les mêmes salles que lui. Elles se vendirent fort cher, cependant, mais ne lui permirent pas de dépasser un succès d'estime.
L'immensité fuyante dans la perspective reste vivante dans ses moindres détails rigoureux. Ici, les plis tectoniques gravés dans la pierre des falaises rendent souriante cette nudité première. Palette douce de verts, d'ocres, de blancs profonds et nuancés... et rarement un être de chair, hors ces arbres en famille qui dressent leurs âges divers à flanc de montagne. Cette personnalisation quasi fantastique des objets de la nature, ce souci du détail et en même temps une certaine naïveté ne pouvaient que le conduire à rejoindre le courant des peintres paysagistes de L'Hudson River School. Cette dernière avait pris fait et cause pour les populations Indiennes natives. et leur animisme.
Mais peindre des tribus ne l'amusait guère. Son sujet à lui, c'était Mère Nature et il s'éloignera assez vite de toutes les écoles pour cultiver sa singularité.
Le
L'eau, qu'elle soit courante, stagnante ou de mer le fascine tout autant que la roche. Il en cherchera toute sa vie la transparence et la densité idéale. Un peu comme on cherche la pierre philosophale : l'opale du grand fleuve, toute chargée des vies passées ou en germe y donne ici écho à l'émeraude de l'eau de mer. Ce que veut montrer Bierstadt, avec des moyens à la fois grandioses et simples, c'est que la nature nous tient, nous recouvre, nous dévore et nous surplombe. Et que les bâteaux les mieux mâtés du monde finissent toujours brisés sur une grève que vient lécher un ciel de tempête. Que de couleurs somptueuses dans cette toile: émeraude, ambre, améthyste, topaze verte, lapis-lazuli:
Des constructions humaines, il garde une amitié pour les temples. Cet homme que déchire la guerre de Sécession, et qui essaie aussi dans ses toiles de peindre cette déchirure, aimait-il se recueillir en des lieux sacrés qui ne soient de pierre brute et non travaillée?
On sait peu de choses de lui si ce n'est son engagement sans défaillance pour une Nature rspectée des hommes. Et l'immensité de son oeuvre que l'on ne redécouvre que depuis une trentaine d'années. Cinq cent toiles répertoriées, probablement plus de quatre mille inachevées.
L'oeuvre ci-dessous me rappelle tant le merveilleux château de Rustéphan en Morbihan que j'ai plaisir à la joindre à ce choix si difficile entre des pièces toutes plus somptueuses les unes que les autres: 11026236.html
Et pour accompagner cette page, quoi de mieux que le Largo de la Symphonie du Nouveau monde de Dvorak, que le compositeur affirmait avoir été inspirée par des thèmes de musique traditionnelle indienne ? Interprétée par l'orchestre universitaire de Columbia ici en lien direct
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Ah oui, celui-ci c'est rendre à la matière/peinture la transparence de la lumière !<br />
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Merci pour ce partage.<br />
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Peintre peu connu et qui m'a tapé dans l'oeil dès la première toile ;o))<br />
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ulysse
01/01/2011 23:04
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Merci chère Viviane pour cette magnifique découverte dont le premier tableau a une atmosphère semblable à l'une de mes photos (vaches au bord d'un lac ) de ma dernière note. Je vous présente mes<br />
meilleurs voeux pour 2011 ainsi qu'à ceux qui vous sont chers et je souhaite que votre talent et sensibilité continuent de nous enrichir<br />
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Ah je les ai vues, en effet, l'esprit est le même ;o))<br />
Je vais certes continuer mais avec le printemps et le retour au jardin ( j'ai commencé hier avec un peu d'avance) cela se ralentira nécessairement... Bonne année à toi aussi en balades et photos<br />
et bombances aussi!<br />
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L
la calmette
01/01/2011 19:40
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Bonne et heureuse année très chère Russalka Viviane, ton blog est toujours un véritable plaisir, continue à nous régaler au long de l'année 2011<br />
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Jack<br />
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Merci Jack, c'est super sympa!A toi aussi en retour...<br />
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Mony
01/01/2011 16:53
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Je vois les bateaux au loin et sur la plage des bouts d'épave comme si une dernière fois cet immense continent se défendait des envahisseurs. Toiles semblant nous transmettre ce qui fut une<br />
parcelle de paradis.<br />
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Merci et bonne année à toi et à tes proches, Mony<br />
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Je crois que la conviction du peintre était que cette terre neuve était un paradis défoncé par l'ambition, la hargne de conquête, la<br />
technique. Et en effet il personnifie très bien cette revanche de la Nature, ultime revanche car la conquête eut lieu... malgré tout ce déchainement des éléments. Merci à toi Mony et une belle<br />
année à toi aussi!<br />
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lutin
01/01/2011 11:20
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Des peintures magnifiques, et cette vague qui se casse, ouah !<br />
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Belle, cette vague transparente et fougueuse, comme je comprends que tu aies apprécié, on devine tant de travail derrière cette<br />
précision quasi photographique. Merci Lutin et une bonne année studieuse, picturale, poétique à toi.<br />
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