Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Par Viviane Lamarlère
Première partie
Si le danger de cette violence persiste, cela signifie que la seule loi n'est pas en mesure de l'amenuiser ou le faire disparaître. Qu'il nous faut selon les circonstances réinventer des usages, une courtoisie, une attention respectueuse de l'autre.
Ce sentiment de la mesure, des nuances, des convenances dans la relation à autrui, cette élégance qui nous permet de ne pas heurter d'autres sensibilités est du tact.
L'accompagnant qui partage jusqu'à la fin le chemin d'un mourant sait que chaque jour il sera confronté à des situations d'un inconfort parfois insupportable, dans le silence, le questionnement, l'échange de regards. Comment " Être " aux côtés de celui qui vit ce chemin si singulier qu'est le mourir, qui est demandeur de tendresse, de réponses sans tricheries, pour lequel le monde se dévoile dans son authenticité voire sa brutalité, qui fait le deuil de l'Agir et de l'Avoir pour entrer dans la spirale de l'Être et du Partage?
Faire face à ses requêtes, sans mensonge, sans frivolité ni déni, sans éprouver la tentation de fuir devant la question rituelle " Pour combien de temps en ai-je ?" peut être de conséquences incalculables selon que la réponse sera formulée ou non avec tact. Cela réclame à chaque fois intuition de ce qui se cache derrière la question, un retour sur soi, un travail sur les mots, une analyse fine des moindres signes non verbaux qui étayent ou contredisent la parole du mourant.
Atteindre l'autre sans ménagement, sans aménagement de la pensée, c'est prendre le risque de le tuer prématurément ou à tout le moins susciter un effroi indescriptible. C'est la raison pour laquelle, aussi paradoxal que cela puisse paraître, on enseigne aux accompagnants dans les unités de soins palliatifs des techniques de communication qui leur permettent de mieux gérer leur empathie, se tenir à la bonne distance, évaluer les différents signes qui parlent chez la personne écoutée, mieux percevoir " l'ici et maintenant " à chaque fois singulier de ce qui se noue.
Mais on leur dit aussi que tout enseignement a ses limites et qu'en ultime recours, c'est le coeur et non la raison qui doit guider la réponse aux situations extrêmes, celles où les règles conformistes plient devant l'exigence immédiate.
Il est peu de dire que le coeur ne s'enseigne pas mais que l'on peut en raffiner les élans.
Exercer son esprit auto-critique. Analyser pour mieux le contrôler ce qui pourrait, appuyé sur le débordement des affects intimes, favoriser une parole inadéquate.
Le tact, cette élégance de l'âme, a donc besoin que l'on précise ses outils. Certes il ne se travaille pas à la façon dont l'ébéniste polissant sa marquetterie ou le violoniste sa nuance, mais se réinvente au gré des situations. Cette attention ouverte portée à l'autre est d'une genèse difficile car elle doit prendre en compte de multiples paramètres, neufs à chaque fois.
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