Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
" La Poésie est mémoire, mémoire de l'intensité perdue." Yves Bonnefoy.
La musique contrairement à la poésie a parfois très mauvaise mémoire. Combien d'artistes compositeurs et/ou interprètes dont le nom et les oeuvres passent à la trappe ou ne sont redécouverts qu'à force d'entêtement chez quelques passionnés? Certains n'ont vu passer à la postérité qu'une ou deux oeuvres qui marquèrent les esprits de génération en génération, le plus souvent pour leur facilité immédiate. Et c'est toujours au détriment de leurs autres opus, souvent très intéressants ou surprenants.
Cette page est dédiée à quelques uns de ces oubliés de l'époque baroque. Période florissante en acteurs de la vie musicale, on ne saurait les citer tous...
J'ai choisi d'en présenter quelques uns parmi ceux que je fréquente et par ordre chronologique.
Pachelbel
Nous avons déjà eu l'occasion d'écouter son célébrissime Canon. Pachelbel fait partie de ces virtuoses précoces dont la rigueur de l'écriture, l'exigence de clarté dans la forme, l'équilibre tonal n'ont pas su convaincre au-delà de l'oeuvre citée. Et pourtant... Voilà un compositeur allemand catholique qui va avoir une influence considérable sur la musique d'orgue protestante allemande et les praticiens de l'instrument, au premier rang desquels la famille Bach qu'il fréquentera toute sa vie avec assiduité.
Peu enclin à la virtuosité gratuite, aussi brillant organiste que claveciniste ou lutiste, il constitue la charnière entre la polyphonie héritée de la Renaissance et la jubilation formelle du baroque allemand. Il nous laisse quelques recueils pour le clavecin, de nombreux motets, chorals et cantates. Je vous propose donc d'écouter successivement:
La Gigue de la suite n° 26 en ré mineur pour clavecin. Cette pièce dansante se divise en deux parties bien distinctes avec reprises obligées. La première partie est de forme fuguée, la seconde fondée sur des marches harmoniques dont les compositeurs de l'époque découvraient les possibilités.
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Puis une Sarabande pour luth, très mélancolique, toute en retenue et qui utilise avec bonheur les mouvements chromatiques (demi-ton par demi-ton) pour conduire la phrase. Là encore peu d'ornementation, une rare économie de moyens au service d'une grande expressivité.
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Elisabeth Jacquet de la Guerre
L'histoire de la musique n'a pas suffisamment rendu justice à la merveilleuse, l'étonnante Elisabeth Jacquet de la Guerre. Née en 1665 à Paris, elle appartient à une lignée de musiciens et de facteurs d'instruments renommés. Dès dix ans cette petite fille subjugue par son talent de claveciniste et de chanteuse Madame de Montespan qui la fait entrer à la cour. Elle épouse un organiste appartenant lui aussi à une véritable dynastie, Marin de la Guerre, titulaire des orgues de la Sainte Chapelle. Un nom bien agressif pour deux êtres doux et féconds en musique qui vont consacrer leur existence à leurs concerts, l'enseignement de leurs instruments et pour ce qui concerne Elisabeth, la composition.
Son oeuvre très prolifique et très personnelle, ne ressemblant à aucune autre, nous laisse des pièces pour clavecin, transposables au violon, des sonates pour duo de clavecin et violon, des sonates en trio pour deux violons, viole de gambe et clavecin, quelques ouvrages lyriques ( tragédies ou pastorale) trois livres de cantates sur des sujets tirés des Ecritures, des cantates inspirées de la mythologie, un Te Deum enfin, jamais recréé à ce jour et qui avait été composé pour fêter la convalescence du jeune futur Louis XV.
Deux oeuvres là encore.
La Chaconne dite l'Inconstante extraite de la suite en ré mineur. Inconstante car oscillant sans cesse entre les tonalités de Ré majeur et Ré mineur. L'ornementation en est extrêmement fouillée, les notes tenues à la main gauche créent un déséquilibre dans le déroulement de la phrase qui donne à cette marche lente un regain d'humanité: l'humain toute sa vie ne fait-il pas que trébucher? Et puis que d'intensité narrative dans ces courtes phrases dessinées par la main droite à laquelle répond une main gauche chaque fois plus dense et inventive.
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Ci-dessous un extrait de la partition de cette chaconne:
Puis le Rigaudon d'une autre suite en ré mineur, danse traditionnelle du Dauphiné devenue danse de cour. Elégance, puissance mesurée, accents du terroir en imitation des timbres des instruments de pays, tout y est qui dit la parfaite connaissance de la musique de son temps et un grand, très grand métier... Le thème intitial de cette pièce en trois parties ( promenade, rigaudon, promenade ) est lancé par trois énergiques accords.
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Jean Gilles
Le personnage suivant est surtout connu pour son Requiem. Né à Tarascon, Jean Gilles est d'abord enfant de chœur à la cathédrale d'Aix-en-Provence. D'une fonction de chef de choeur à l'autre il est nommé maître de chapelle à la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse. C'est là qu'il compose sa Messe de Requiem qui sera jouée pour ses funérailles précoces mais également aux obsèques de Rameau. Cette grande et magnifique oeuvre qu'est le Requiem éclipse un peu d'autres pièces très intéressantes, dont ses motets qui savent s'appuyer comme dans l'extrait suivant sur la fécondité des danses paysannes.
La pièce qui suit est en effet écrite en forme de gigue joyeuse où d'élégantes hémioles viennent contredire parfois la course inéluctable de la mesure ternaire. Ce procédé était fort fréquent à l'époque baroque, il donnait du rugueux, de l'irrégularité à la perle ( barroco)
Laudans invocabo, extrait du motet Diligam te, Domine. Ce motet fut composé pour célébrer la visite des Ducs de Bourgogne et de Berry à Toulouse en 1701.
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André-François d'Agincourt
Continuons notre promenade... C'est à Rouen, dont vous voyez ci-dessus une représentation magnifique du peintre belge Johannes Bosboom, que vient au monde un musicien modeste mais fort agréable à écouter. C'est dans cette ville qu'il tiendra cinquante deux ans les orgues de la cathédrale. C'est à Rouen que mourra Jacques-André-François d'Agincourt. Elève de Nicolas Lebègue, très influencé par François Couperin, il eut pour élèves Daquin et Duphly.
Il laisse deux seuls recueils pour clavecin et un manuscrit pour orgue, privilégiant le pittoresque et la reconnaissance au terroir éloignés de Paris comme nous allons l'entendre dans les Dançes Provençalles qui suivent. Rythme endiablé, recherche de sonorités au plus près de la réalité de ces danses, effets de percussion, nous voici donc au pays des cigales et des olives! Divisée en deux parties, la pièce choisie nous permet d'entendre tout d'abord un bransle provencal à deux temps bien marqués, modérés, puis une joyeuse farandole à six temps rapides:
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Daquin
Les trois compositeurs qui viennent appartiennent à la fois à l'apogée de l'époque baroque et aux débuts du clacissisme. Je reviendrai sur Rameau ultérieurement.
Celui dont vous voyez le portrait ci-dessus est Daquin. Claveciniste, organiste et compositeur français, né et mort à Paris, sa virtuosité à l'orgue lui valut une renommée exceptionnelle. Enfant prodige, Daquin se produit au clavecin dès l'âge de six ans, devant Louis XIV. Compose dès l'âge de huit ans un motet pour grand chœur et orchestre, Beatus Vir. Le jour de la création de l'oeuvre, l'enfant est juché sur une table et bat la mesure aux musiciens ! Cet arrière-petit-neveu de Rabelais fréquente les milieux musicaux et intellectuels de son temps dont Marin de La Guerre, le mari de sa marraine, la claveciniste Élisabeth-Claude Jacquet de La Guerre que nous avons écoutée plus haut.
Son oeuvre est innombrable, consacrée essentiellement à ses deux instruments: le clavecin et l'orgue où il tient la dragée haute à Couperin et Rameau. Ce musicien trop peu joué nous a laissé deux messes, un Te deum des motets, des cantates, des Noêls des pièces pour orchestre de chambre qui étaient tenues en très haute estime par tous les grands musiciens de son temps.
Je vous propose d'écouter une pièce célébrissime, le Coucou, dans sa version pour clavecin:
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Puis la gavotte de la suite dite " La réjouissance " en replaçant cette musique itérative dans le cadre des bals de cour aux chorégraphies très élaborées qui avaient donc besoin que la musique se répète de manière inlassable... Il y a là une manière aimable et sans souci qui est fort plaisante à l'oreille:
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Jacques Duphly
De Duphly on sait peu de choses... L'homme laisse une biographie pleine d'ombres, de solitude, d'ascèse. Il lèguera tous ses biens à son valet de chambre. A part cette discrète compagnie masculine, on ne lui connait aucune amour, aucune histoire.
Elève de D'Agincourt, né lui aussi à Rouen, il est sans doute le dernier grand claveciniste de l'école française baroque avant que le clavecin ne sombre dans l'oubli et que lui-même ne rejoigne définitivement un anonymat dont ses contemporains ne réussirent jamais à le sortir. Son oeuvre pour clavecin se trouve à la croisée des chemins entre style baroque et style galant propre aux oeuvres pré-révolutionnaires.
Je vous propose deux pièces de clavecin. La première est une jolie pièce en rondeau varié extraite du premier livre. Intitulée la Boucon, bellement interprétée par Elisabeth Joyé avec ce qu'il faut de balancement et d'accents, elle témoigne du sens mélodique exceptionnel, de la grande élégance d'écriture et de l'expressivité de Duphly
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Puis sous les doigts de Scott Ross, une autre Courante en forme de rondeau dont le caractère d'emblée un peu hypnotisant derrière ses tourbillons enjoués est ponctué de césures surprises :
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Joseph de Bologne, Chevalier de saint-Georges
Notre dernier illustre inconnu pourrait être le héros d'un roman de cape et d'épée! Joseph de Bologne, dit " le chevalier Saint-Georges " est l'enfant naturel d'un planteur de la Guadeloupe et d'une de ses esclaves. Sa mère et lui sont ramenés en France par... l'épouse trompée qui leur était très attachée et ne se résolvait pas à les savoir vendus après leur départ des Antilles. Son père et la femme de celui-ci lui enseignent l'escrime et la musique puis le font entrer dans une prsetigieuse académie d'escrime à Saint Germain-des-Prés où il reçoit une éducation soignée.
Pour ses dix-sept ans son père lui offre une charge d'écuyer, premier pas vers l'anoblissement pour cet enfant d'une esclave affranchie. Considéré comme un dieu de l'épée et des armes, il franchit tous les obstacles liés à sa condition de métisse ou mulâtre.
Mais il n'excelle pas que dans le sport. Ce sont Gossec et Jean-Marie Leclerc qui l'initient au clavecin et au violon où il ne tarde pas à se montrer brillant virtuose et compositeur. Chef d'orchestre aussi puisqu'il prend à la suite de Gossec, son maître, la direction de l'Orchestre des Amateurs et le porte au plus haut niveau européen écrivit à l'époque le journal l'Almanach.
Ses origines et une cabale l'empêchent d'accéder au poste que lui offrait Louis XVI de directeur de l'Opéra de Paris. Qu'importe ! il dirigera le théatre de la comédie italienne et y créera bien des symphonies de Haydn. Son style est déjà celui du clacissisme. Injustement oublié lui aussi alors que ses pièces sont d'un charme indéniable. Je vous propose pour clore cette page d'écouter l'Ouverture de l'Amant anonyme
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Pour réécouter sans interruption ce petit concert...
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