Ce soir les anémones du Japon étaient transparentes comme des soleils.
La journée avait été longue. Depuis midi jusques vers 19 heures au jardin avec à peine une pause déjeuner. La Terre n'attend pas et c'est elle qui dicte ses urgences.
Revenir sur ses pas pour juste regarder quand on a tant donné du corps et du coeur est comme une eau bienfaisante. Ce matin, presque au lever du jour, je méditais sur la fin de mon petit chemin, commencé au mois de mai 2010.
Une année seulement? Il me semble que ce fut tellement plus long...
Comparons... Hier. Le talus, quoique débarrassé de presque deux mètres d'épaisseur de ronces coupées par Michel est encore bien triste. Nous pourrions le laisser en l'état. Mais pour moi, jardin égale fleurs!
Je vais donc tracer un sentier improvisé qui peu à peu fait germer dans ma tête avant que ce ne soit en terre des idées de couleurs. Regardons aujourd'hui:
Sagement apprivoisés l'un par l'autre ( ou inversement)
mon jardin et moi allons notre chemin.
Mais ce matin
allant au fond de mon jardin
j'ai été prise de blues devant ces branches cassées
feuilles meutries, tracés trop flous
et surtout ces cailloux
arrêtés en pleine reptation:
Alors j'ai repris mon courage à deux mains, mon râteau, mon ciseau, un grand panier rempli de pierres blanches cueillies dans l'herbe. Et voici le résultat quelques quatre heures plus tard:
Je n'en suis pas restée là, naturellement, car s'il était une évidence que le chemin partant de la maison et longeant le talus devait ouvrir ( ou se perdre?) dans le bois, il m'est devenu soudain très clair qu'il devait aussi le longer, le souligner. Frontière fragile, sans cesse mobilisable par le moindre coup de pied sans mauvaise intention ou la course d'une bête sauvage. Cela fait partie des surprises de chaque jour que de remettre en place au frais matin les cailloux déplacés et imaginer ce qui les a bougé la veille... Voici avant:
Après quelques trois autres heures de travail:
Ici, l'arrachage se fait à la main, tranquillement, en laissant vivre les fougères, les violettes, le lierre ou le bugle rampant tout en créant pour mes galets une place qui les mette en valeur.
Au début chacun moquait ma petite manie de faufiler le relief et l'espace avec ces cailloux blancs. Désormais, chacun trouve cela adorable, étonnant, émouvant.
En fait je dois à ces petites pierres d'avoir tenu le coup face à l'ampleur de la tache. Elles m'ont aidée à définir au jour le jour un carré à désherber, nourrir, décaillasser, amender de paille de lin, de grains d'eau ou de fumier, bêcher puis planter ou semer enfin! Et ceci accompli, je déplaçais les pierres d'un petit... tout petit cran, gagnant chaque jour un peu de terrain face aux orties, cigüe, phytolaque et ronces...
Sans eux, qui cernaient en silence une petite portion d'espace à laquelle j'avais la sagesse de me tenir, j'aurais été très vite désespérée...
Aujourd'hui, dans la foulée, j'ai continué de coudre le pourtour du jardin, ici le fond du terrain qui jouxte la forêt. Cela me permet d'imaginer plus aisément des volumes à habiller de couleurs:
Et puis la promenade est si douce, sur un chemin qui se tassera sous le pas avec le temps!
Sur le retour, la blancheur du lamier, les nuances profondes et vives des cyclamen brillent comme une étoile. Je parviens sur cette partie du talus à contenir au ciseau les velléités invasives du lierre. Il assure la verticalité pendant que mes plantations se chargent de l'horizontal...
D'ici on voit bien le trajet dans son ensemble, quelques cent mètres de longueur! Au plus bas ( sur la photo ci-dessous) le talus fait un mètre de hauteur.
Au plus haut, environ douze... J'ai été chèvre sans doute, dans une autre vie ;o)))
Quelle chance que ce morceau de terre tout à soi à embellir, modestement, jour après jour...