Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique

Mains je vous aime


Mains
je vous aime.

Vos silencieux ballets 
bibliothèques mouvantes
paysages de chair carrefours étoilés
géographie écrite en alphabet d’histoires

Sur les paumes rugueuses
j’entends les bouts d’écorce enfouis dans le terreau 
les outils du jardin
les  peines  minuscules rouillées sous l’établi
les herbes arrachées

quand le sol est trop sec à s'écorcher la peau

Je ne saurai jamais pourquoi les mains fines et longues m’invitent au voyage
on devine autour d’elles d’invisibles présences
silence de l’étude vieux livres parfumés aux pages écornées
ou jamais déflorées
l’exercice du rêve
léger
dans la pénombre.

Celles toutes tachées de soleil des très vieilles personnes
assises sur un banc
dehors
à voir passer le temps
posées à plat elles lissent le tablier de mouvements sages
réguliers
imperceptibles
elles sont comme des racines à l'embouchure des fleuves
elles ont la douceur des caresses anciennes et cette précaution surgie de la blessure
la lenteur qui désigne sans montrer du doigt


Même la moiteur de mains qui refusent l'étreinte
le geste déplié sans élan  sans ferveur cette sueur malgré elle
jamais je ne la fuis tant elle me suggère
ce qui n’ose
autrement

Dis…
Que ressentaient-ils touchant du bout des doigts
l’énigme de la pierre plus rouge après l’ondée
les lieux modestes et gris où la mousse se prend pour un immense pré
et ses troupeaux d'insectes
affolés
besogneux
qui courent vers plus tard ?

Connaissaient-ils la bouche sèche des commencements
le ventre qui pressent les puissances obscures ?
et les mains
et les mains
et leurs mains disaient-elles
avec leurs mots à elles
la volupté du corps à corps découverte infinie de la courbe des hanches
et du dessin des lèvres

la douceur de l’argile qui portera les eaux et les grains et les signes ?




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