Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Poser sur une seule page une synthèse de plusieurs millénaires de musique est un défi que je vais tenter de relever. Bien sûr, ce ne sera pas page technicienne, je ne m’étendrai pas sur les modes phrygien, lydien, mixolydien, etc, quoique cela soit fort intéressant… non plus sur les subtilités de la métrique Héllène.
C’est sur les îles de Théra et de Cos que l’on va trouver, datées de 2500 avant notre ère, des statuettes de joueurs de harpe et d’aulos double qui attestent de l’influence de la Mésopotamie et de l’Egypte sur la première civilisation des Cyclades.
Mais il faudra attendre les reproductions figurant sur les vases - un vase peint sur dix représentait une scène avec un instrument de musique, thème iconographique de proportion étonnante - puis l’Illiade et l’Odyssée d’autre part pour recevoir des indications plus précises des formes musicales.
Bien que les supports écrits aient difficilement traversé l’épreuve du temps, on dénombre tout de même une cinquantaine de fragments musicaux retrouvés à ce jour. Il s’agit principalement de papyrus, de marbre ou de pierre.
Une vingtaine seulement sont exploitables par les rares spécialistes qui ont travaillé à la reconstitution d’instruments et la mise en sons des musiques et des chants.
Ce sont ces fragments parvenus intacts que je vous propose à la fin de l'article, musique fondatrice.
Entre le XIème et VIIIème siècle avant notre ère, voici le temps des dieux et des mythes.
La musique y est partout présente, que ce soit dans le mythe d’Orphée ou le personnage de Pan, fils d’Hermès et d’une nymphe, protecteur des bergers et des musiciens.
Moins connue l’histoire d’Amphion, héros thébain, fils de Zeus et Antiope. Il vénérait particulièrement Apollon. Le dieu lui fit cadeau d’une lyre, dont il se mit à jouer avec talent. C’est grâce à ce don qu’il parvint à s’emparer de Thèbes avec son frère puis força les pierres à s’assembler en fortifications. Au son de l’instrument, les pierres venaient se placer là où il les conduisait. En un jour, Amphion acheva à lui tout seul les remparts. Les murailles de la puissante ville étaient trouées de sept portes : une pour chaque corde de la lyre !
N'oublions pas Apollon, Dieu de la divination, de la musique et de la poésie.
Et les Muses. Toutes jeunes et belles, les neuf filles de Jupiter et Mnémosyne manifestaient toutes un intérêt pour la musique et cet intérêt était partagé par les créatures terrestres.
Le chant choral prédominait, chant de vendanges ou de moissons, chant nuptial ou de funérailles, accompagnés par la cithare ou l’aulos. La déclamation des grands textes héroïques revint par ailleurs à un soliste accompagné de la lyre primitive à la caisse de résonance en carapace de tortue:
Mais revenons à notre soliste. Par la magie du vers s’appuyant sur les syllabes brèves et longues, l’Aède est tout autant un acteur poète qu’un chanteur qui impose à la mélopée le rytme même du vers déclamé.
Les deux notations en usage entre le début du IIIème siècle av. J.-C. jusqu’au IVème siècle ap. J.-C. ont été retrouvées. A chaque degré musical correspondent deux signes. Le premier concerne la notation instrumentale, faite de signes dérivés d’un alphabet archaïque. Le second est employé pour une mélodie chantée et constitué par les 24 lettres de l’alphabet ionien, d’alpha à oméga.
La notation instrumentale, associée à la danse, s’articule autour de seize signes distincts, affectés à des sons fixes, répartis sur deux octaves. Ces signes correspondent tous aux touches blanches de notre piano. Mais il est certain que sous l’influence de la musique orientale, les Grecs ont employé les sons correspondant à nos touches noires, et même d’autres sons, tels que ceux qui peuvent être rendus par le quart de ton.
Chacun des seize signes pouvait avoir trois aspects :
Dans la position normale, il correspondait au son naturel.
Renversé en miroir, il correspondait à la touche noire, au demi-ton supérieur
Couché, il signifiait l’élévation d’un quart de ton.
Des centres religieux comme Delphes attiraient des chœurs et instrumentistes venus de tout le monde grec et conviés à se mesurer les uns aux autres.
Le concours consistait à jouer avec fidélité un " morceau à programme ", transmis de génération en génération, en cinq parties, au cours duquel le musicien devait illustrer de façon réaliste les épisodes du combat entre Apollon et le serpent Python pour conquérir le sanctuaire de Delphes.
Le musicien devait démontrer sa virtuosité en se soumettant aux contraintes mélodiques et rythmiques de chacune des parties. Ainsi, dans l’épisode final, il devait monter d’une octave et imiter au mieux les râles du monstre moribond.
La musique était à ce point présente dans la vie quotidienne que des corporations s'organisent. L'enseignement musical tient une place aussi importante dans la formation du futur citoyen que la poésie, les mathématiques ou le sport.
Jusqu'à la fin du Vème siècle, un enfant était confié au maître de gymnastique, et au cithariste, qui lui enseignait le chant, le jeu de la lyre, et de la cithare. La " mousikè " grecque n’est pas un synonyme exact de notre musique. Elle désignait une activité intellectuelle et physique, placée sous la protection des Muses. Un enfant qui apprenait à lire, écrire, compter et chanter devenait " mousikos ".
Dès le VIème siècle A.C, Pythagore pose les bases d’une musique fondée sur des rapports d’intervalles.
La musique reflète l’ordre du monde, les mouvements du cosmos et celui de l’âme reposent sur les mêmes proportions harmoniques et en retour, dans sa rigoureuse obédience aux nombres, elle influe sur l’ordre du monde.
Pas question d’innover, de sortir des règles impératives…
La tragédie, née autour des fêtes de Dionysos, occupe alors une place de choix dans la vie musicale. Elle réunit sur scène jusqu’à quinze chanteurs et danseurs et un ensemble de musiciens se tenant comme de nos jours dans une pièce semi circulaire située devant la scène, l’orchestre.
Mais les artistes en veulent toujours davantage et Platon aura beau protester avec force contre les dangers que fait courir à un état policé tout écart aux normes instituées, y compris en musique, Thimothée de Milet après avoir découvert le chromatisme et l’enharmonie, élargit la tessiture, s'intéresse à l’expérience auditive, déploie la virtuosité, suscite de nombreux disciples las du carcan imposé.
Aristote va porter un coup fatal aux vieilles barbes en valorisant l’esthétique de cette musique nouvelle qui fait la part si belle au ressenti et s’éloigne de ses influences orientales très codifiées en matière d’improvisation.
D’une complexité qui tient à la grande variété de modes mais aussi à l’usage du quart de ton, la musique grecque repose alors sur une ligne mélodique unique, sans variations, obéissant essentiellement aux inflexions de voix que requiert la lecture du poème, accompagnée de manière plus ou moins élaborée: elle ignore le contrepoint.
Le IVème siècle voit le déclin du rôle de la musique dans l’éducation ; la mode est aux sophistes qui prônent une éducation intellectuelle et livresque …
Quant aux instruments de musique ils sont d’une grande variété. Outre les instruments évoqués dans l'article sur l'Egypte, la Palestine ou la mésopotamie, voici
Le phormynx:
La Kithara,
La tamboura
La musique Romaine quant à elle ne présentera pas la même autonomie que la musique grecque. Mais la manière dont les romains s’approprient les instruments et manières témoigne d’un goût certain.
La place des instruments à vent y est prépondérante et Sénèque parle, dans sa 84 ème lettre, de " chœurs à plusieurs voix et d’ensemble de cuivres très fournis."
Voici quelques uns des instruments en usage:
Le lituus ou corne des Alpes
Le buccin, ancêtre du trombone à coulisse
L'orgue hydraulique ou hydraule
Les Romains auront le grand mérite de recueillir les documents hérités de la tradition grecque, les penser dans une perspective historique, perfectionner les premières théories musicales dans un but de diffusion. On pense en particulier à Varron, Plutarque, Saint Augustin et Boèce .
Un aperçu sonore de la Musique de l’Antiquité grecque sur instruments reconstitués très fidèlement à partir des documents déchiffrables et de ce que nous ont légué les Historiens par le
Pour écouter ces pièces avec leur titre
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