Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Qu'est-ce donc qui provoque en nous une telle émotion à la vue de ces figurines de marbre ? Les lignes féminines des objets nous renvoient-elles à la Terre matricielle ? Trouvons nous dans ce dessin qui se répète à travers les âges contentement d'une unité perdue ?
On ne peut dater avec précision l'apparition du violon. Le mot est cependant mentionné en Lorraine en 1490 comme l'attestent les archives de la ville de Nancy , trente ans donc avant la date communément retenue pour sa naissance à Crémone sous les doigts du luthier Amati.
Que nous disent ces archives ? voir document en ligne
Qu'en 1490, René II de Lorraine, " sur les plaintes qui lui avoient été faictes des abus glissez dans ses estats et paus, par ignorance des temps, dans l'art et mestier de joueurs de violons et aultres instrumens, desquels il arrivoit tous les jours de grands inconvéniens " avait établi " ung maistre dudict mestier, avec pouvoir de créer des lieutenans particuliers partout où besoin seroit, pour réprimer les abus et les mulcter d'une amende de quanrante sols."
Le violon est donc bien présent dans l'est de la France à cette date. Et il semble assez répandu et bruyant pour qu'un Duc décide de légiférer à son sujet et créer une confrérie...
En 1505 Bellini représente dans une Vierge à l'enfant un ange musicien. J'ai pu lire ici ou là qu'il s'agissait d'un violon, que nenni, c'est une Lira de braccio, une lire à bras, et nous tenons là un des nombreux ancêtres de ce prestigieux instrument au passé aussi flou que complexe.
En 1523, une note de la Trésorerie de Savoie mentionnait le paiement des prestations des " Vyollons de Verceils "
On peut attribuer son émergence au talent de plusieurs écoles de luthiers qui réfléchissaient au même moment à l'amélioration puis combinaison des violes, lires à bras - dont il emprunte la forme des ouies et l'âme ( petite pièce de bois qui relie la table au fond ) - petites gigues et rebecs ( auquel il prend l'accord par quintes ) alors en vogue. Parmi eux le luthier lyonnais d'origine bavaroise, précurseur de génie trop souvent oublié dans cette genèse et qui appartenait aux grandes écoles de lutherie du nord de l'Europe, Gaspard Duiffoprugcar.
Cette gravure le représentant - exécutée en 1562 par l'artiste Lorrain Woeriot - nous montre sans doute possible, en bas à droite, deux violons de belle facture qui témoignent d'un véritable aboutissement dans la lente évolution de chacune des parties de cet instrument.
Très vite l'instrument va connaître un véritable engouement. Tout à fait paradoxal d'ailleurs car si les peintres l'associent à la noble présence des Anges musiciens, pour les grands de ce monde le violon est aussi méprisable que les pauvres, nomades et indigents qui se le sont très vite approprié.
Sa puissance étonnante pour une si petite taille, la rondeur de sa sonorité si difficile à apprivoiser ne laissent pas d'agacer et ce sont sans doute ses caractéristiques-là qui l'associeront très vite et dans le même temps aux Anges, aux vagabonds et même du Diable.
Compagnon des danses de village ou des chansons de taverne, à l'instar de la cornemuse et de la vielle, il jouit d'une telle défaveur que Philibert Jambe-de-fer écrit en 1556: " Le violon est fort contraire à la viole... beaucoup plus rude en son. Il s'en trouve peu de personnes qui en usent, sinon ceux qui en vivent par leur labeur. "
Et voilà comment est posé le principe selon lequel un musicien est d'abord un valet et, pourquoi pas , un ivrogne !
Les belles idées de la Renaissance ont fait perdre au pauvre sa position de représentant du Christ sur terre. Veut-il s'affranchir de sa condition ? Pas question ! Qu'il l'assume et avec elle cet instrument rétif à l'accord et dépourvu de ces frettes qui rendent plus aisés les virtuosités princières. Pensez ! C'est en lui faisant l'aumône que le riche achète sa place au Paradis. Il est donc de son intérêt que le pauvre le demeure. Les temps n'ont guère changé...
Regardant bien, vous retrouverez dans le tableau ci-dessus le joueur de vielle évoqué par ailleurs dans mon article sur Jean de Sainte Colombe et Marin Marais et peint par le même peintre.
Heureusement pour le destin du violon, les compositeurs ne le tiennent pas dans la même défaveur que leurs mécènes. L'Italie de Monteverdi, Corelli, Vivaldi, la France de Lully, pour ne citer qu'eux, donnent ses lettres de noblesse à l'instrument des gueux. La période classique puis romantique voient sa diffusion large dans toute l'Europe où il évince peu à peu les violes de l'orchestre.
C'est dans ce contexte de démocratisation ( qui n'en est pas une d'ailleurs car de renégat le violon est devenu l'instrument des élites ) que les peintres le confient aux ermites et même à la mort comme on peut le voir ci-dessous :
Les références métaphysiques sont tentantes pour un instrument dont l'appareil se décline en âme, ouÏes, chevilles, jambes, coeur, estomac... Et si dans ce bois là se cachait un être vivant ? S'il était réellement un pont entre le monde d'ici-bas et l'autre monde?
Les instruments de la famille du violon sont ceux dont la sonorité se rapproche le plus de la voix humaine et son pouvoir d'attraction tient tout autant à cette " voix " qu'à sa morphologie clairement et anthropomorphiquement nommée mais qui pourtant nous échappe et ne se laisse pas si facilement dompter.
Notre double il est, dont les chants de sirène ne cessent de nous séduire, nous envoûter, qui sait... nous perdre !
Nous retrouvons ici la rhétorique du Diable musicien chère à tant de légendes:
Violoniste bleu, Chagall ( 1887-1985)
Violon d'Arnaud de Michel Sementzeff
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Campanella de Paganini, arr. Kreisler, enr. en concert 1953, I.Stern
Nigels Kennedy joue Jimmy Hendricks, Fire