Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique

Musique, Peinture, Poésie, Penser *44* Bach *7*: Le Clavier bien tempéré, Ière partie

 


bach orgue


                   Prélude et fugue n° I en UT MAJEUR


La porte qui ouvre l'ouvrage monumental qu'est le Clavier bien tempéré est d'une simplicité déconcertante. Le Prélude, repose en effet tout entier sur un tissu  d'harmonies brisées en arpèges se déroulant avec clarté, dans un style d'improvisation familier aux luthistes, et  ne s'écarte que peu de la tonalité initiale, Ut majeur, tonalité de la joie, de la pureté, des commencements naïfs qui vont au terme de leur démarche.

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L'interprétation que nous en offre Richter est ici aérienne, éthérée, suspendue, presque lointaine...

La Fugue à quatre voix
est quant à elle construite sur un sujet de quatorze notes. On sait que ce nombre était celui de la signature de Bach:  B+A+C+H = 2+1+3+8 = 14.

Autre exemple: les quatorze mesures
qui suivent immédiatement la mesure 14 exposent quatorze fois le sujet.
Par ailleurs le nombre total des notes de ce prélude et fugue est de ... 1283, juxtaposition des chiffres de sa signature.
Bach utilisait également très fréquemment en guise de signature apocryphe les nombres 41 ( 9+18+2+1+3+8 = JSBACH) ou 158 dont vous pouvez vérifier qu'il est  l'addition des lettres transcrites en nombres traduisant Jean Sébastien Bach. Ceci juste pour rappeler la fascination qu'exerçaient les nombres sur ce génie, somme toute bien de son temps car la gématrie était une préoccupation très courante.
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D'une grande perfection formelle, elle voit se succéder les alto, soprano, ténor et basse sur pas moins de 24 entrées du thème initial, soit -pour les amateurs de chiffres- autant que de dyptiques prélude/fugue dans l'ouvrage. L'écriture dense mêle sans relâche sujet, contre-sujet, divertissement, dans une tension remarquable et d'une grande vigueur affirmative comme il sied à cette tonalité.


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                  Prélude et Fugue n° II en UT MINEUR



Le Prélude, se présente comme une toccata à deux mains égales basée sur un dessin inlassable de doubles croches. Climat absolument différent du prélude précédent. Il y règne une sorte de rage et la tonalité s'y prête qui était associée souvent à la plainte voire au désespoir.

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Deux mesures Adagio rompent cette course effrenée qui reprend jusqu'à la fin  pour se clore sur un accord majeur.

La Fugue à trois voix est d'une écriture très claire, très aérée. Les deux contre-sujets en guirlandes souples complètent cette polyphonie gracieuse, caressante et divertissante de la première jusqu'à la dernière note.




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                   Prélude et Fugue n° III en UT DIÈSE MAJEUR


Sept dièzes à la clef pour cette oeuvre dont la tonalité est le premier témoignage de son utilisation dans toute l'histoire de la musique.  Le Prélude  est construit comme une invention à deux voix sur un tourbillon de doubles croches qui passent alternativement de la main gauche à la main droite avec une grande gaieté.

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La Fugue à trois voix est d'un climat tout aussi alerte et joyeux, tout contenu déjà dans le grupetto qui la lance en direction du mi:
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Ce grupetto va être retrouvé tout du long de l'oeuvre, se faufilant entre les sinuosités des deux contre-sujets. Les très nombreux divertissements empruntent à la tête du sujet, rendant le sentiment de contrepoint plus ardu encore. Sans nul doute l'une des fugues les plus complexes et de difficulté technique élevée de tout l'ouvrage.




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                 Prélude et Fugue n° IV en  UT DIÈSE MINEUR


La tonalité de ce dyptique fut rarement utilisée par Bach ( dans le concerto pour violon et orch. BWV 1042 et la sonate pour violon seul BWV 1016) . Il en émane un climat de doux et grave recueillement. Le Prélude  partage entre les deux mains son thème initial très épuré. Après un motif descendant de 6 notes, lesquelles symbolisaient pour Bach notre humaine nature vouée à la mort, l'ascension vers la note aigue de l'accord fait effet d'une libération temporaire, et ce d'autant plus qu'elle est suspendue avant de rejoindre le grave:Image-1-copie-6.jpg

La triple-Fugue à cinq voix et à trois sujets est l'une des deux fugues à cinq voix du recueil. Elle y développe l'esprit même du prélude, cette opposition formelle entre attraction vers le bas/travail de l'élévation. Le sujet y est exposé par la basse et non par les voix aigues et rejoint en cela la tradition du cantus firmus médiéval.

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Le premier sujet va se développer durant 35 mesures avant que ne surgisse le deuxième sujet en croches qui viennent illuminer de leur légèreté la gravité du début. Le troisième sujet arrive alors  et ses trois notes répétées avec insistance dans l'aigu (symbolisme divin) voudraient conduire l'être vers les sommets. Le premier sujet se manifeste à nouveau avec puissance dans le grave, comme pour rappeller l'humanité terrible de celui qui s'essaie à l'altitude. La force sonore des attaques donne à l'ensemble de l'oeuvre une couleur très organistique. Le si délicat deuxième sujet a alors disparu et laisse en tête à tête jusqu'aux dernières notes le premier et le troisième sujet, évoquant une sorte de quête douloureuse de l'humain pour s'élever vers les hauteurs divines.
La cadence finale, longuement différée, dit le dilemme de ce cheminement, dont le motif initial en croix couchée ( DO#-SI #-MI-RÉ#) nous rappelle qu'il fut celui du Christ.




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                   Prélude et Fugue n° V en RÉ MAJEUR



Que de contraste avec l'oeuvre précédente dans ce dyptique. Ré majeur était pour Bach  comme pour ses contemporains une tonalité associée à la joie de vivre et cette joie sonne dans chacune des notes du Prélude.

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La main droite y déroule sans interruption un long ruban modulant et gracieux qui s'appuye sur les notes staccato de la main gauche. Un caractère très proche de l'improvisation dans cette pièce mais quelle maîtrise dans la conduite de la phrase!
Quelques accords inquiets avant la conclusion joyeuse en majeur. 

La Fugue à quatre voix
est l'une des plus faciles de tout le recueil,  toute de majesté et de clarté. Ses rythmes pointés à la française accentuent son climat un peu solennel et les huit triples croches qui constituent la tête du sujet traversent avec élégance et vigueur les pages de la première à la dernière mesure
.



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                   Prélude et Fugue n° VI en RÉ MINEUR


Le Prélude, est ici encore dédié au travail de la main droite qu'il contraint à trouver une position naturelle à plat sur le clavier. Les arpèges obstinés en triolets de la main droite sont légèrement soutenus par des notes de la main gauche qui donne d'emblée la cadence avec deux croches à vide. La tonalité parlait de tranquillité de l'âme, de la fluidité de l'existence, de la confiance...

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La seconde partie du morceau module vers des tonalités inhabituelles qui lui donnent une grande expressivité  proche de l'inquiétude. Tout du long la main gauche conserve sa ligne très chantante qui en fait un peu plus qu'une basse d'accompagnement.

La Fugue à trois voix  est d'une forme très classique, sobre et même sévère en dépit de son sujet très calme et doux.

Image-2-copie-4.jpg Bach y multiplie les effets de renversements : le sujet est traité en miroir,  comme si on le jouait à l'envers:


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Elle conserve jusqu'à la fin son caractère très sage et presque froid...



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                   Prélude et Fugue n° VII en MI BEMOL MAJEUR


Oeuvre sublime que voici, d'une ampleur qui mérite une halte particulière.
La tonalité de Mi bémol majeur est celle de la conversation avec Dieu que symbolisent ses trois altérations.

Le Prélude est plus long que les autres du même recueil. Sa forme tri-partite est assez rapidement fuguée, ce qui donne à penser qu'il a été composé antérieurement  à la fugue qui le suit. Il pourrait se suffire à lui même tant la complexité de son écriture en fait une fugue autonome à part entière. Dans la première des trois parties qui le constituent les deux mains s'y répondent par des ritournelles en doubles croches chantantes:

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Cette première partie est suivie d'un épisode écrit comme un choral à quatre voix lentes, dans un climat de méditation sereine:

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Puis de la partie fuguée proprement dite toute de sérénité dans ses doubles croches paisibles.

L'écriture en est très serrée et donne au final une allure monumentale à tout le prélude.

La Fugue contraste avec le calme étale de ce qui la précède par son caractère rebondissant, allègre et plein de fantaisie.

 
 
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            Prélude et Fugue n° VIII en MI BEMOL MINEUR


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Qui disait que la musique de Bach était sans âme? Ce Prélude contredit tous les préjugés si souvent véhiculés. Voilà une oeuvre dont l'ambiance qui s'en dégage pourrait en remontrer à bien des préludes de l'époque romantique. Deux voix réparties entre chacune des deux mains y conversent accompagnées par une harpe. L'oeuvre est de fait très vocale, à mi-chemin entre le récitatif et l'air. Bach y utilise un tissu harmonique très riche (retards, broderies, notes de passage, appogiatures, renversements ) qui pour autant ne pèse pas sur la profonde intériorité méditative qui se dégage de l'ensemble. La tonalité de Mi bémol mineur y exalte ici l'inquiétude questionnante de l'âme.

La Fugue est de la même altitude. Le sujet rappelle ceux de l'Art de la Fugue. Musique pure, mystique, qui reprend et développe un ancien thème de plain-chant grégorien.



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           Prélude et Fugue n° IX en MI MAJEUR


Le Prélude offre le délicieux balancement de sa mesure à  12/8 en un motif très chantant, issu de l'arpège de l'accord parfait, simple comme une bonne chanson. La tonalité de Mi majeur était associée à des scènes bucoliques et nous sommes dans cet esprit... La répartition entre les deux mains du thème conducteur fait penser à une invention, le contrechant harmonique n'alourdit jamais la déclamation de cette pastorale mais au contraire la porte et l'enrichit:

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La Fugue est à trois voix. Le sujet se présente de manière très affirmée,  et la cellule très volontaire de la succession croche/noire/ silence qui le constitue:

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va se succéder à un rythme très rapide tout du long de la pièce. La suite du sujet, toute en double croches relancées incessamment par cette attaque mordante se déroule avec beaucoup de fermeté joyeuse jusqu'à la fin.



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                Prélude et Fugue n° X en MI MINEUR




Le Prélude, est sans nul doute un de ceux que je préfère dans tout le recueil pour sa forme bipartite très contrastée. Il avait fait partie du recueil Claiverbüchlein, puis considérablement remanié a été intégré -et c'est bonheur- à l'ouvrage présent. Sa tonalité de Mi mineur devait évoquer le trouble de la pensée, l'inquiétude recherchant en vain quelque soulagement.
Une première partie au climat de plus en plus inquiet  y développe une mélodie ornementée à la main droite soutenue par un accompagnement en doubles croches  régulières à la main gauche, conformes à la mode qui venait alors d'Italie et abandonnait peu à peu la basse obstinée en valeurs longues. Chaque phrase de la ligne mélodique à la main droite se pose sur un accord questionnant avant de reprendre sa route tranquille.


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Après une montée en puissance la seconde partie de ce prélude explose littéralement dans une sorte de rage qui ne se contient plus. Les deux mains reprennent alors à différents intervalles d'écart le motif de l'accompagnement de la première partie.
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La Fugue  conserve et développe dans une invention à deux voix toute aussi impétueuse que ce qui l'a précédé le thème du prélude. Scindé en deux parties distinctes qui se terminent chacune par un passage à l'unisson assez déconcertant, mais qui prend sa valeur si on y voit une redondance de l'une des voix dans ce combat vocal, elle se clot sur une strette très courte qui laisse l'auditeur souffle coupé.



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                 Prélude et fugue n° XI en FA MAJEUR


La tonalité de Fa majeur convenait aux tempêtes et autres furies. Et c'est bien d'emportement qu'il s'agit dans le prélude du moins, dont on n'oubliera pas l'intérêt didactique de pose de la main à plat sur le clavier mais également, et c'est une difficulté supplémentaire, d'évitement du passage du pouce dans les passages de virtuosité.

Le Prélude donc est une invention à deux voix au débit rapide et impétueux, dont le motifs en doubles croches passe d'une main à l'autre sans interruption.

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La Fugue qui le suit est une danse tranquille et reposante en regard de ce déluge de notes... Là aussi le sujet initial en est exposé quatorze fois .



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                   Prélude et Fugue n° XII en FA MINEUR



Pour Bach comme pour la plupart des compositeurs de son temps, Fa mineur est la tonalité de la douleur intime, de la mélancolie et de la langueur, presque du désespoir.

Le climat est ici à la fois sombre, pensif, recueilli. Le Prélude est un Aria à trois voix dont le caractère douloureux et presque sans remède s'exprime à travers les nombreuses notes longues ou liées qui soutiennent les arpèges de la mélodie. La présence de ces notes tenues a pu inciter à penser ce prélude conçu pour orgue.

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La Fugue à quatre voix est construite sur un sujet chromatique très pathétique qui prolonge le mouvement chromatique des deux dernières mesures du prélude. Il est entouré de deux contre-sujets en doubles croches qui apportent un peu de souplesse et de détente à ce motif sévère.



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