Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
Haendel ou la soif d'apprendre...
Breslau, la Venise de la Pologne. Un fleuve, quatre affluents, douze îles, 112 ponts!
La toile ci-dessus qui représente l'ancienne capitale de Silésie est toute énergétique dans ses couleurs vives, presque naïves. Ces pays de la vieille Europe centrale sont alors encore très imprégnés d'un art qui tentait, dans son approche coloriste, de contrecarrer les rigueurs du climat. Et si loin de la douceur méticuleuse et impressionniste de Canaletto, peignant ci-dessous la Tamise et son trafic ô combien plus intense...
Quel point commun entre ces deux lieux?
Haendel.
Sa famille est originaire de cette région si souvent convoitée et conquise. Belle ascension sociale pour cette tribu dont le grand-père chaudronnier meurt précocément laissant trois orphelins. Parmi eux le père de Haendel qui, devenu apprenti barbier, finit par épouser la veuve de son patron. Il conquiert peu à peu sa place dans la bourgeoisie de la ville de Halle en devenant le médecin particulier des électeurs de Brandebourg.
Notre compositeur est le fruit d'un second mariage.
Né en 1685, la même année que Jean-Sébastien Bach, tout de suite baptisé selon le rite luthérien, l'enfant Georg-Frederich manifeste très jeune de belles dispositions pour la musique. Ce n'est qu'à la force de combats personnels qu'il parviendra à cette reconnaissance de son temps, qu'aujourd'hui plus personne ne lui dénie.
J'ai choisi de vous le présenter en cinq épisodes, qui correspondent assez à ses pérégrinations géographiques et appétits de vie.
Le premier s'intitule " La soif d'apprendre ".
Tout petit le jeune Georg essaie d'imposer sa vocation à un père âgé, très autoritaire, qui l'empêche de toucher à son clavecin au prétexte que devenir musicien serait rompre avec cette ascension sociale si rudement conquise. L'enfant ne peut réfréner ce besoin de musique et de contact avec l'instrument. Sa mère le lui autorise. Le père ferme la porte. C'est méconnaître la ténacité des touts petits et la révolte que provoque l'interdit injuste: Haendel, dit-on, bravait le véto paternel et jouait au grenier quand chacun dormait...
C'est le monsieur peint en grand apparat sur la toile ci-dessus, le duc Jean-Adolphe de Saxe-Weissenfels, qui va convaincre le vieux père à céder à la passion qui anime Haendel junior.
Il l'entend jouer de l'orgue et le recommande à Friedrich Zachow. Organiste talentueux, compositeur reconnu, bon enseignant, homme de grande culture, il donne à Haendel tout ce qu'il sait. Le père de Haendel a bien sûr négocié ces cours contre une inscription à la faculté de droit... à laquelle Haendel s'inscrira mais ne se rendra jamais.
Au contact de Zachow, Haendel se familiarise avec l'orgue, le violon, le hautbois et perfectionne le clavecin. Il découvre aussi l'écriture, l'harmonisation, les formes et histoires de la musique. Et puis des compositeurs qu'il jouera sans se lasser comme Corelli. Toute une banque de données contenue dans sa mémoire et dont il gardera telle gratitude envers son maître unique qu'il soutiendra sa veuve des années durant.
De cette époque datent les rares compositions de jeunesse qui nous soient parvenues.
Je vous propose d'écouter pour commencer une marche extraite de la partita pour clavecin HWV 145, composée alors que Haendel n'avait pas quinze ans.
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Assez rapidement son maître et lui décident qu'il est tout à fait capable de voler de ses propres ailes. Et voilà notre jeune homme qui postule pour une chaire d'organiste de la cathédrale de sa ville natale. Il l'obtient. Las... les rituels calvinistes qui ont cours dans cette ville laissent une place dérisoire à la musique. Haendel s'ennuie. Il restera en poste un an, ce qui est déjà beaucoup pour cet esprit fantasque...
Il a faim d'une ambiance plus stimulante, d'un air neuf à respirer. Il part donc pour Hambourg, sans vraiment savoir ce qui va lui permettre de subvenir à ses besoins là-bas.
Toile de Von Sandrardt:
Mais au fait, quelle est l'ambiance culturelle dans l'ancienne Allemagne?
Le pays vit au rythme des Lumières dans un climat de recherche spirituelle, scientifique, philosophique, métaphysique, de querelles aussi dont le plus brillant exemple est sans doute celle qui opposa Newton à Leibniz:
On entend bien que cette différence de taille entre Haendel et Bach, qui se nomme tout simplement " ambition" ( Bach n'avait d'autre ambition que de faire vivre dignement et éduquer au mieux son immense famille. Point de goût pour la gloire chez Jean-Sébatien) l'ait conduit à chercher une écoute plus attentive et cultivée que celle de sa ville natale. Le voici donc à Hambourg.
Il ne lui faudra pas trois ans pour s'imposer à une ville de riches bourgeois, amateurs d'opéras et de musique d'orgue qui est la première ville d'Allemagne à posséder un théâtre lyrique au nom de Opéra du marché aux oies. Cela ne s'invente pas...
D'abord violoniste dans l'orchestre local, il se fait peu à peu connaître comme compositeur. Ses protecteurs lui pèsent au point qu'il peut lui arriver de les provoquer en duel...
Il compose une Passion ( introuvable actuellement au disque) qui inspirera la Passion selon saint Jean de Bach. Et excitera la jalousie de l'étoile musicale locale, Reinhardt Keiser.
Mais, s'il doit à ses séjours allemands sa parfaite connaissance de la fugue et du contrepoint, ce qui l'attire, c'est l'opéra.
Son Almira est encore toute pleine des maladresses de la jeunesse. Pourtant elle contient en germe une sarabande qui fera le tour de l'Europe de son temps et trouvera célébrité dans l'air de Rinaldo, Lacia, ch'io pianga. Trois extraits pour clore cette page de ce premier opéra. Songez... Haendel n'a pas encore vingt ans...
Almira, Ouverture:
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Almira: Vedrai s'a tuo dispetto, aria tout imprégné du style italien aux riches ornements. D'une rare difficulté technique avec ses trilles nombreux. Déjà on reconnait le style flamboyant, jubilant, ce qui fait de Haendel un compositeur unique en son temps. Songez, il n'a pas vingt alors qu'il compose cet opéra... La chanteuse est ici aux prises avec quelque chose qui tient davantage de l'air pour violon que pour une colorature. D'où certaines approximations et une certaine fatigue de la voix que je ressens, en particulier dans le voile léger qui la recouvre. Mais on peut avoir idée ainsi des prouesses techniques exigées des chanteurs de ce temps là... Et puis Haendel se formera à l'art vocal dans la suite de son existence jusqu'à savoir exactement quelles limites s'imposer dans la recherche de brio pour ses chanteurs.
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Sarabande . Nous avons affaire ici à une improvisation sur une basse obligée.
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A rapprocher bien sûr du Lascia ch'io pianga extrait de Rinaldo, ici interprété magnifiquement par Patricia Petibon
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Cet air tire des larmes...