Poésie, symbolique du monde, les quatre éléments, contes, écoute, accompagnement, musique
La musique n'est rien d'autre qu'un véritable et sûr remède
des troubles et malaises de l'âme.
Ah! qu'il était fier François... La France entière ou presque entonnait ses louanges à la suite de Clément Janequin et les plus grands artistes Italiens s'étaient installés dans son ombre bienveillante.
Benvenuto Cellini, qui séjournera quatre ans auprès du souverain, participe à la décoration du chateau de Fontainebleau et la production d'oeuvres d'orfèvrerie. On peut ne pas aimer ce décorum et cette abondance de richesse aujourd'hui plus que jamais indécente, il reste une virtuosité flamboyante à se rendre maître de la matière. Ici, la salière de François 1er:
Quant à Léonard de Vinci, pour lequel François 1er éprouvait une immense affection, il fut pratiquement ramené dans les bagages du roi de France après la bataille de Marignan et finira ses jours au clos Lucé, près le chateau d'Amboise. Le souverain l'y rejoignit chaque jour pour de longues et amicales conversations et accompagna tendrement ses derniers moments.
Nul doute que dans le regard du génie ait souvent erré la douce mélancolie pensive qui imprègne ce portrait d'enfant:
Mais revenons à la musique. Et à l'Italie. La frottola y est prisée aussi bien du peuple que des couches dirigeantes. Les plus grand poètes ne s'y trompent pas qui composent pour elle, tels Pétrarque.
Les italiens sont alors partagés face aux deux influences qui les colonisent depuis bientôt cent ans.
D'un côté, le style strictement flamand (école de Cambrai) à l'écriture dense et plutôt linéaire.
De l'autre, l'école française, toute de légèreté et d'esprit. Elle oppose dans ses chansons brillantes aux voix multiples et savamment mêlées des mélodies simples et un contrepoint d'une rare complexité que l'on ira juqu'à qualifier de " fleuri".
Les italiens vont garder du motet Franco-Flamand sa forme en la clarifiant, et de la chanson française son tissu illustratif. Pensez par exemple au Chant des oiseaux, à la bataille de Marignan, ou encore El Grillo.
Mais les danses populaires du Nord de l'Italie ( telles la Villanelle) ont elles aussi leur mot à dire et non des moindres puisque leur rencontre avec ces héritages européens du Nord et de l'Ouest va poser les fondements du Madrigal.
La Renaissance est bel et bien là qui inspire architectes, décorateurs et peintres. VMais les musiciens ne sont pas en reste. Venise les accueille après qu'ils aient fait halte en pays flamand et en terre parisienne.
N'étant plus le centre du monde, la Sérénissime s'étourdit de fêtes et de musique. Ville mécène dans une Italie saignée par des guerres incessantes, elle ouvre ses palais et ses coffres aux plus grands artistes peintres et musiciens du temps. Il ne s'agit plus, pour ces derniers de suivre l'exemple du grand Josquin des Prez et chanter le monde des symboles ou des idées ( la Trinité ou la Beauté, par exemple ) mais de donner chair à des sentiments simplement humains. Autour de poètes, philosophes, musiciens réunis en académies, la réflexion sur l'harmonie Universelle cherche à dire à travers la musique que l'homme est à soi tout seul un petit univers en quête de résonance avec les sphères qui l'entourent.
Mais qu'est un madrigal me direz-vous?
Le mot lui-même apparait en 1510. Il est l'équivalent profane du Motet, dont il suit la structure formelle: Voix également traitées (et ceci, qu'il y en ait deux, trois et bien davantage), passage en imitation ou canon, absence de refrain ou de répétition des strophes, liberté totale du texte versifié et surtout figuralisme très recherché.
Les partitions vont s'ingénier à représenter le plus fidèlement possible jusque dans le dessin des notes les figures qu'elles veulent symboliser. Il s'agit d'installer des correspondances que seul l'amateur éclairé pourra décrypter et qui lui donneront plaisir musical et intellectuel. Par exemple, la nuit sera figurée de notes noires. Les yeux ou les perles, de rondes blanches. Les larmes seront évoquées par un mouvement chromatique descendant. La position allongée ou la mort par une longue note tenue.
C'est à cette époque là que se décide finalement ce qui nous parait aujourd'hui une évidence: exprimer la gaieté dans un mouvement rapide en mode majeur, la tristesse dans un mouvement lent en mode mineur. Ces opéras de poche et sans mise en scène mais riche de sens que sont les madrigaux préfigurent déjà le grand Monteverdi et vont connaître trois périodes d'évolution.
De 1530 à 1550 : le madrigal est à quatre voix, alternant le style homophonique et polyphonique. Il reste encore très proche du motet franco-flamand. Son représentant principal à Venise est Adrien Willaert, maître de chapelle de la Basilique Saint Marc dès 1527 jusque sa mort en 1562. Belle carrière pour ce franco-flamand originaire de Bruges, pétri d'art du chant et ébloui par les possibilités acoustiques de la Basilique Saint Marc. Les deux tribunes qui se font face lui permettent de faire se répondre en écho un double choeur et deux orgues. Il accorde une attention aigue à la déclamation du texte, assouplit ainsi les trop droites règles du motet d'Europe du Nord.
Surtout il oriente les oeuvres vocales vers une interprétation strictement a capella, contrairement au siècle précédent où l'on avait coutume de remplacer les voix manquantes par des instruments.
Cette libération sera double et de conséquences majeures puisque du même coup, la transcription instrumentale des oeuvres vocales se fera pour instruments d'une seule et même famille. Ceci permettra d'améliorer la qualité des pupitres de cordes, bois, cuivres et favorisera l'émergence des instruments à clavier: épinette, orgue et clavecin.
Venise va, grâce à Willaert, devenir un des centres Européens de la musique. Sa réputation sera telle que Rabelais en fera une chanson mise en musique par Janequin!